Après l'adoption mardi du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024 (PLFSS) largement remanié par le Sénat – et l'échec de la commission mixte paritaire députés/sénateurs – le budget revient en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, ce jeudi en séance. Affaibli par l'absence de majorité absolue, le gouvernement devrait brandir une fois de plus l'article 49.3, qui lui permettra de conserver uniquement les mesures qu'il souhaite dans le texte final. Malgré le risque de voir ses efforts balayés, la chambre haute dominée par la droite a donc fortement remanié ce budget de la Sécu. Revue de détails des coups de canifs et nouveautés des sénateurs.
• « Taxe lapins. Le Sénat a choisi de mettre à la charge des patients n’honorant pas un rendez-vous médical une somme forfaitaire pouvant être partiellement reversée au professionnel de santé. Selon l'Académie de médecine et l'Ordre des médecins, 6 à 10 % des patients ne se présenteraient pas à un rendez-vous.
• Rendez-vous de prévention. Le budget de la Sécu 2023 prévoyait la mise en place de trois rendez-vous de prévention à différents âges clés de la vie. Ces bilans pourront être le fait des médecins, mais aussi des sages-femmes, des infirmiers et des pharmaciens, au principe qu' « il ne s’agira pas de consultations médicalisées ». « Si le médecin traitant n'est pas l'organisateur du rendez-vous de prévention, il doit au moins en être informé ». Le gouvernement a ajouté à la liste des professionnels habilités ceux des salariés des centres de santé et la droite, les kinés. Les règles de rémunération des soignants et les conditions de facturation des rendez-vous de prévention seront fixées par voie conventionnelle avant 2026.
Parcours coordonnés renforcés. Le budget de la Sécu prévoit de basculer dans le droit commun le paiement au forfait d'équipes de soins innovantes existantes (via le dispositif dérogatoire dit « article 51 ») ou en création. Pour ne pas « déstabiliser l’offre de soins » locale, le Sénat a sécurisé les parcours existants, afin qu'ils ne soient pas remplacés par ceux pensés par Paris.
• Délégations de tâches. Les TROD, point trop n'en faut. Le Sénat a limité aux enfants de plus de 10 ans l'autorisation accordée aux pharmaciens d'effectuer des TROD angine puis de délivrer les traitements antibiotiques en cas de positivité de ces tests. Il a aussi renforcé l'encadrement des protocoles de délégation entre médecins du travail et infirmiers en santé au travail pour les salariés agricoles. À l’inverse, il a accepté une expérimentation de trois ans qui vise à déléguer une partie du travail des radiologues aux manipulateurs en électroradiologie médicale (« optimisation dans l’organisation du recours aux thérapies et du parcours patient»).
La limitation à trois jours de la durée des indemnités journalières pouvant être prescris en téléconsultation par une autre personne que le médecin traitant a été modifiée par plusieurs exceptions à la règle (ALD, cancer, grossesse, handicap, territoires ultramarins). Le Sénat en profite pour rappeler que chirurgiens-dentistes et sages-femmes « disposent également d'une compétence de prescription d'arrêt de travail ».
Pour éviter certains abus, le Sénat ajoute une dose d'administratif aux médecins spécialistes, à qui il sera demandé à chaque primo-prescription de médicaments « à fort enjeu de santé publique ou financier de remplir un formulaire destiné à s'assurer du respect des conditions recommandées de prescription et des indications remboursables ».
• Hôpital et T2A. Dénonçant une réforme « en trompe-l’œil », le Sénat a reporté au 1er janvier 2028, après trois années d’expérimentation, la réforme du financement du champ médecine chirurgie obstétrique (MCO), une décision nécessaire « pour une bonne mise en œuvre des changements de modèle » économique.
• Pénuries de médicaments. le Sénat autorise les pharmacies de ville à fabriquer dans certaines conditions des molécules dites préparations hospitalières spéciales (PHS) et préparations officinales spéciales (POS) pour maintenir la disponibilité des médicaments en tension. Le groupe socialiste, écologiste et républicain a également supprimé l’obligation de délivrance à l’unité des médicaments, compte tenu de son caractère inopérant. Le gouvernement est autorisé à limiter les prescriptions par téléconsultation, y compris en cas de simple risque de rupture.
• Franchises médicales. Le doublement de la participation forfaitaire et des franchises étant jugé « probable » par le ministre de la Santé Aurélien Rousseau même si « aucune décision n'est prise », le Sénat réclame de soumettre cette décision à l’avis systématique des commissions des affaires sociales du Parlement.
• Fraude sociale. Le gouvernement a instauré par amendement une circonstance aggravante en cas de fraude sociale commise en bande organisée.
• Santé publique. Le Sénat a voté l'augmentation des taxes sur les boissons sucrées (dite « taxe soda ») adoptée contre l'avis du gouvernement mais à l'initiative du groupe macroniste ainsi qu'une taxe sur les sucres ajoutés dans les produits alimentaires.
Les élus ont réclamé un rapport au Parlement sur l’expérimentation relative au cannabis médical. Sur proposition du gouvernement, ils ont validé la réalisation (sous forme d’expérimentation financée par les ARS) de programmes d’activité physique adaptée pour les patients traités pour un cancer.
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