Séducteur, charismatique, affabulateur, magnifique escroc, machiavélique et de surcroît, meurtrier. A priori, un tel portrait peut paraître exagéré lorsqu’il s’agit d’un chirurgien considéré comme une star de l’ingénierie tissulaire pour avoir réalisé la première transplantation de trachée artificielle recouverte de cellules souches en 2011. Et pourtant, c’est ainsi que le Dr Paolo Macchiarini est décrit par ses pairs et la plupart de ses proches dans la série documentaire « Un docteur qui vous veut du bien ? », diffusée sur Netflix et qui raconte le parcours glaçant de ce praticien d’origine italienne.
« Magicien de la trachée »
Condamné en Suède en juin 2023 à deux ans et six mois de prison pour coups et blessures aggravées contre trois de ses patients auxquels il avait greffé des trachées défectueuses, le Dr Macchiarini vit aujourd’hui à Barcelone où il a été autorisé à purger sa peine.
L’ancien « magicien de la trachée » comme l’ont rebaptisé les Italiens, a déjà saisi la Cour européenne des droits de l’homme pour demander l’annulation de sa condamnation et aussi les magistrats espagnols pour obtenir les arrêts domiciliaires ou un aménagement de sa peine d’emprisonnement.
Mais quelle que soit la décision des juges, une chose est certaine : le « Dr Frankenstein », son autre surnom, n’est pas près de reprendre ses bistouris et ses scalpels comme en 2012, date à laquelle il a été arrêté à Florence pour fraude à la Sécurité sociale.
À l’époque, il est accusé d’avoir proposé au moins à six patients inscrits sur la liste d’attente d’organes gérée par l’hôpital de Careggi de les opérer dans le privé à l’étranger. Des interventions qu’il aurait effectuées moyennant un chèque dont le montant variait de 130 000 à 150 000 euros.
Placé aux arrêts, le Dr Macchiarini, déjà considéré comme un génie, avait alors réussi à convaincre les magistrats italiens et l’Ordre régional des médecins qui l’avait suspendu de lui accorder des permissions de sortie pour pouvoir opérer ses patients. Une décision a posteriori incompréhensible, compte tenu des méthodes appliquées par ce chirurgien déchu, qui a expédié plusieurs patients au cimetière.
Le coup de génie barcelonais
Née en 1958 à Bâle de parents italiens, la future star de l’Institut Karolinska, le prestigieux hôpital universitaire de Stockholm qui décerne le prix Nobel de médecine, reçoit son diplôme de médecine et de chirurgie à Pise en 1986. En 1991, il se spécialise en chirurgie générale puis quitte l’Italie pour les États-Unis. Mais quelque chose coince de l’autre côté de l’Atlantique et le Dr Macchiarini revient en Europe, d’abord en Allemagne puis en Espagne. À Barcelone, il prend la direction du service de chirurgie du thorax de l’Hospital Clinic.
En 2008, il réalise la première greffe de trachée en utilisant un organe prélevé sur le corps d’un donneur recouvert de cellules souches pour éviter un rejet. La patiente, une Colombienne âgée de 30 ans survit à l’opération mais elle souffrira pendant des années de complications respiratoires. Un détail pour la communauté scientifique qui parle de coup de génie.
Encensé par les médias, adulé par une bonne partie de ses pairs, le Dr Macchiarini est rapidement contacté par la Région de la Toscane qui lui offre un poste à l’université de Florence. Mais des contrôles de routine effectués par la direction bloquent sa nomination. Il est alors accusé d’avoir trafiqué son CV pour gonfler son parcours académique. Déçu, le chirurgien se replie sur l’hôpital de Careggi où il réalise plusieurs interventions chirurgicales avant d’être recruté par l’Institut Karolinska.
En parallèle, il collabore avec l’université de médecine Kouban située à Krasnodar en Russie et opère désormais tous azimuts. Selon l’agence Associated Press, sur une vingtaine de patients opérés, trois ont survécu. Une intervention en particulier écaille le vernis de sa réputation de magicien, celle d’Hanna Warren, une enfant âgée de trois ans née sans trachée qui meurt après avoir été greffée avec une trachée synthétique.
Le tournant de 2016
En 2016, la vie du Dottore, qui fréquente désormais la bonne société et raconte qu’il soignerait le président américain Barack Obama et aussi le Pape, commence à dérailler. En Suède, un documentaire intitulé « Les essais » démontre que les greffes ne se passent pas très bien et que les patients tombent comme des mouches. Le Dr Macchiarini est licencié de l’Institut Karolinska, tandis que les autorités suédoises commencent à fouiller dans sa vie professionnelle et privée. En 2020, le médecin est incriminé par le tribunal de Stockholm. Pour les juges, les opérations ne sont pas « conformes aux méthodes scientifiques ». En filigrane, la justice sous-entend que ses patients ne sont rien d’autre que des cobayes. Condamné à deux ans et six mois d’emprisonnement, l’ancien marchand de rêves désormais âgé de 65 ans est depuis reparti purger sa peine et continuer sa vie en Espagne. Rideau ?
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