La stéatose hépatique métabolique isolée, très fréquente chez l’adulte obèse et/ou diabétique de type 2, touche près de 5 % de la population générale. « Cette stéatose métabolique, bien que d’évolution en général bénigne, apparaît aujourd’hui être un facteur de risque d’apparition d’un diabète de type 2 et de mortalité par accidents cardiovasculaires. Une première raison pour ne pas la négliger chez l’adulte. Deuxième raison, et non la moindre, environ 10 à 20 % de ces stéatoses sont associées à des lésions de NASH ou Stéato-Hépatite Non Alcoolique. Sur le plan histologique s’associe alors à la stéatose initiale, des lésions nécrotico-inflammatoires et de la fibrose. Cette stéatohépatite non alcoolique est susceptible d’évoluer à bas bruit vers la cirrhose et le carcinome hépatocellulaire. Enfin, la stéatose métabolique peut aggraver les lésions hépatiques liées à d’autres causes (à l’alcool, aux virus…) » indique le Pr Lawrence Serfaty.
Comment faire le diagnostic de NASH ?
Syndrome métabolique (obésité, diabète de type 2, HTA…), discrète perturbation du bilan hépatique en absence d’alcoolisme ou d’étiologie virale, médicamenteuse, toxique… ? « Devant ce faisceau d’arguments, il faut évoquer le diagnostic. L’échographie est un bon examen de débrouillage. Si elle retrouve une stéatose, voire un foie dysmorphique, il faut évaluer la fibrose à l’aide de marqueurs indirects comme le FibroScan (dureté du foie), le FibroMètre ou le FibroTest et adresser le patient en centre spécialisé. Des marqueurs indirects de fibroses positifs (fibrose ≥ 2) permettent de sélectionner les patients à qui proposer une ponction biopsie hépatique (PBH), seul examen -malheureusement invasif- permettant de confirmer le diagnostic de NASH et d’évaluer la fibrose qui on le sait est associée au risque de cirrhose. L’absence de marqueurs spécifiques de NASH est un énorme frein au diagnostic car les patients qui ne sentent pas malades sont réticents à la PBH » note le Pr Lawrence Serfaty.
Agir avant la fibrose…
Dans sa pratique, le Pr Serfaty voit souvent des patients adressés lorsque les transaminases sont à plus de deux fois la normale, les gamma GT élevée ou qu’il existe une hyperferritinémie…. Il est alors souvent trop tard : la fibrose est installée. « Les transaminases sont un mauvais marqueur, met en garde le Pr Lawrence Serfaty : des lésions hépatiques déjà très sévères peuvent s’observer chez des patients aux transaminases subnormales. Il faut s’en méfier, surtout chez les diabétiques de type 2 à fortiori mal équilibrés et obèses avec stéatose hépatique à l’échographie. Chez ce type de patient, même totalement asymptomatique, qui ne boit pas une goutte alcool et se porte comme un charme, il faut évoquer le diagnostic et faire les marqueurs non invasifs de fibrose car le risque de NASH est important. Le Pr Thierry Poynard (Pitié-Salpêtrière, inventeur du Fibrotest), a demontré à l’aide du Fibrotest que des diabétiques de type 2 asymptomatiques tout venant peuvent présenter des cirrhoses et cancers du foie quel que soit le niveau de transaminases».
Perdre du poids
Le traitement repose sur les mesures hygiénodiététiques. Perdre du poids, éviter certains aliments (graisses saturées, fructose…), faire de l’exercice physique peut faire régresser la stéatose hépatique et la NASH. Les perturbations du bilan hépatique peuvent se normaliser. Des mesures efficaces à condition d’être suivies, ce qui n’est pas évident.
Du côté des traitements médicaux en revanche, « hormis un meilleur équilibre du diabète, aucun n’a actuellement démontré d’efficacité sur les lésions. La vitamine E (antioxydant) et l’acide ursodésoxycholique (hépatoprotecteur antistéatosique qui améliore les tests hépatiques) semblent faire régresser les lésions, mais rien n’est aujourd’hui prouvé. Cette absence de traitement médical représente actuellement le deuxième frein au dépistage de la NASH » note le Pr Serfaty, qui indique cependant que « plusieurs molécules dans le traitement de l’inflammation et de la fibrose sont en cours d’essais thérapeutiques, notamment à St Antoine ».
La surveillance des patients à risque est primordiale conclut le Pr Serfaty : « Les obèses et diabétiques sont suivis en diabétologie, cardiologie, néphrologie… ils devraient l’être aussi en hépatologie : ils y sont trop souvent adressés tardivement au stade de cirrhose ou de cancer ».
D’après un entretien avec le Pr Lawrence Serfaty, hépatogastroentérologue, Hôpital Saint Antoine, Paris.
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