APRÈS AVOIR MIS en garde les médecins en juin 2011 contre une utilisation du baclofène chez les patients alcoolo-dépendants, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) change désormais de braquet. Dans un point d’information publié la semaine dernière, l’agence estime que si les données de pharmacovigilance entourant l’utilisation hors AMM de ce produit dans cette indication, restent « très limitées », elles « ne remettent pas en cause la poursuite de ce type de traitement ». Cette évolution de l’Afssaps émane « de nouvelles données relatives à l’utilisation et à la sécurité d’emploi du baclofène dans le traitement de l’alcoolo-dépendance ». À commencer par les résultats d’une étude préliminaire coordonnée par le Pr Philippe Jaury (Université Paris-Descartes). Publiée dans la revue « Alcohol and Alcoholism », cette étude menée auprès de 181 patients durant un an a apporté une nouvelle preuve de l’efficacité du baclofène à fortes doses contre la dépendance à l’alcool (abstinence ou réduction de la consommation compulsive chez certains patients). Le Pr Jaury salue naturellement la nouvelle position de l’Afssaps sur ce dossier. « Les experts attendaient une étude qui soit reconnue sur le plan scientifique. En publiant une étude dans une grande revue anglo-saxonne, c’est normal que l’agence prenne en compte ses résultats ». Ces travaux ont permis d’asseoir le protocole d’un essai clinique comparatif en double aveugle randomisé vs placebo qui sera piloté par le Pr Jaury et inclura 320 patients alcooliques sur une année. L’Afssaps a d’ailleurs autorisé ce mois-ci le lancement de cet essai clinique contrôlé qui doit débuter dès le 22 mai. « Maintenant l’agence est dernière nous », considère le Pr Jaury. L’Afssaps « encourage d’autres études que ce soit de la part d’équipes académiques ou d’industriels afin d’optimiser l’emploi de cette molécule ». L’agence appelle également les professionnels de santé à « inclure dans des essais cliniques leurs patients alcoolo-dépendants en échec des autres mesures de prise en charge, afin d’en faciliter le recrutement et de répondre plus tôt aux questions posées ».
Approche globale.
Dans sa mise au point, l’Afssaps rappelle que la prise en charge de l’alcoolo-dépendance « implique une approche globale par des médecins expérimentés dans le suivi de ce type de patients », notamment avec un soutien psychologique régulier. Le recours du baclofène, doit par ailleurs être considéré « au cas par cas et avec une adaptation posologique individuelle » dans le but de « garantir dans le temps la dose utile pour chaque patient ». Après avoir vivement interpellé l’agence sur ce sujet, le Pr Bernard Granger accueille favorablement cette mise au point. « Je l’interprète comme un feu vert alors qu’avant il y avait un feu rouge. C’est plus un communiqué diplomatique qu’un communiqué réglementaire ou scientifique parce qu’il y a beaucoup de flou », déclare-t-il. Notamment autour de la notion de « praticiens expérimentés ». « Dans la mesure où ce n’est pas opposable et qu’il n’y a pas de définition sur ce qu’est un médecin expérimenté, cela laisse une grande marge de manœuvre aux médecins traitants et cela leur offre plus de garanties, plus de protection que la mise en garde précédente », estime le Pr Granger. Pour le Dr Bernard Joussaume, président de l’association AUBES (qui regroupe des médecins prescripteurs de baclofène) ce point d’information de l’Afssaps constitue « une déclaration à but compassionnel et humanitaire qui s’avère capitale ». Grâce à cette communication de l’agence, « les prescripteurs sauvages que nous étions deviennent un peu plus civilisés », commente-t-il. « Le baclofène est une avancée fantastique mais ce n’est pas un produit miracle. On n’a pas guéri toutes les véroles avec la pénicilline, on ne guérira pas tous les alcooliques avec le baclofène. »
Surveillance active.
La prescription de ce médicament chez le patient alcoolo-dépendant reste particulière. « Les doses et la réussite du baclofène sont indépendantes de l’âge, du sexe du poids, de la durée d’alcoolisation, de la quantité d’alcoolisation. Il n’y pas d’unicité dans ce traitement. Il y a des patients qui arrivent à devenir indépendant avec une dose à 60 mg et d’autres qui réagissent péniblement à 400 mg », explique le Dr Joussaume dont l’association propose des formations aux médecins demandeurs. « Une meilleure connaissance du profil de sécurité d’emploi du baclofène reste absolument nécessaire et justifie de maintenir une surveillance très active », indique l’Afssaps qui invite les professionels de santé à notifier tout effet indésirable au centre régional de pharmacovigilance dont ils dépendent. « Il faut certes signaler les effets indésirables mais il faudra aussi signaler les cas de guérison », estime le Pr Granger. « Si tous les médecins qui ont des cas de guérison se mettaient à les publier, cela concernerait plusieurs milliers de patients. Ce qui est impressionnant, c’est l’ampleur de l’effet et la qualité de cet effet chez le malade. Cela correspond vraiment à ce qu’Olivier Ameisen décrit pour lui-même. Chez beaucoup de patients, il y a cette indifférence à l’alcool que l’on n’observe avec aucune autre molécule », souligne-t-il.
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