La première démarche du médecin généraliste est de connaître les repères dont il dispose en termes de consommation d’alcool (pas plus de 21 verres/semaine chez l’homme et 14 verres chez la femme et jamais plus de 4 verres par occasion pour l’usage ponctuel). Les critères de consommation modérée de l’OMS s’expriment en termes de verre standard (= 1 unité d’alcool), c’est-à-dire la dose standard délivrée dans un bar. Mais les doses sont souvent plus élevées à la maison que dans un bar. Il est donc important lors d’une préconisation de réduction de consommation de veiller à moins remplir le verre...
Toutefois, les critères d’une consommation modérée ne sont pas seulement liés à la quantité d’alcool consommée, mais aussi à la façon dont l’alcool s’inscrit dans la vie du patient. Autrement dit, amener le patient à se poser la question de savoir si l’alcool ne pose pas de problèmes dans sa vie. La relation à l’alcool est perturbée en ce sens où l’alcool prend une place différente dans sa vie, de plus en plus importante, obsessionnelle, qui finit par l’amener à ne plus être capable de gérer sa consommation. En cas de dépendance, ce n’est plus la personne qui décide, mais elle est en perte totale de contrôle par rapport à sa consommation d’alcool.
Le repérage de vos patients
« L’idéal théorique est de repérer et diagnostiquer une fois par an tout patient, conseille le Pr Romain Moirand (1). L’idéal pragmatique est de repérer tous les patients vulnérables avec des dommages (changement négatif au plan biopsychosocial) et rechercher des antécédents familiaux de dépendance alcoolique, une précarité, des maladies psychiatriques, d’autres addictions, des situations de stress, de deuil... qui doivent inciter à évaluer la consommation d’alcool. »
Certains dommages somatiques doivent inciter à repérer un usage nocif d’alcool tels qu’une hypertension, un diabète difficile à équilibrer, un surpoids, des troubles du sommeil, une dépression (3 dépressions sur 4 sont liées à un usage nocif d’alcool, car l’alcool finit par être dépressogène).
Comme le souligne le Dr Tiphaine Houet-Zucalli (2), « le risque de dépendance augmente avec le niveau de consommation et pourtant, le patient alcoolodépendant est le plus souvent sous-diagnostiqué et sous-traité par rapport à d’autres maladies psychiatriques. »
Le médecin généraliste est donc en première ligne pour améliorer ce constat, en assurant un repérage le plus précoce possible, à l’aide notamment d’outils facilitant l’abord du patient comme les questionnaires Audit C et Face, et en proposant la possibilité d’une réduction de consommation, plus facilement acceptable que le dogme de l’abstinence longtemps prôné.
La participation du patient au choix thérapeutique
Si l’objectif idéal chez un patient alcoolodépendant est l’abstinence, les récentes recommandations de la Société Française d’Alcoologie préconisent toutefois la participation du patient aux objectifs thérapeutiques. Les études ont en effet montré que la moitié des patients préfèrent l’abstinence comme objectif thérapeutique et l’autre moitié la réduction de consommation. En outre, remarque le Pr R. Moirand, « l’abstinence finit parfois par s’imposer comme un choix quand le patient a déjà fait des tentatives de réduction sans succès et il comprend alors qu’’il n’a plus d’autre choix. »
En pratique, ajoute le Dr T. Houet-Zucalli, « il est donc conseillé de laisser le choix au patient (réduction ou abstinence) et le médecin pourra utiliser des traitements adaptés à l’objectif choisi (traitements de réduction ou d’abstinence) en complément d’une intervention psychosociale de type motivationnelle. » Deux nouveaux médicaments sont indiqués dans la réduction de consommation avec le nalmefène et le baclofène qui aident à lutter contre le craving (pulsion irrépressible de consommer de l’alcool). Le nalmefène est le premier traitement à avoir l’AMM en première intention pour la réduction de consommation (1 comprimé une à deux heures avant la consommation d’alcool). Le baclofène n’a pas l’AMM mais bénéficie pour l’heure d’une RTU en deuxième intention. La mise en route du baclofène nécessite une titration, en débutant par des faibles doses pour augmenter progressivement jusqu’à la dose efficace. Le médecin a également la possibilité d’orienter le patient vers une prise en charge spécialisée en cas de situation complexe ou d’échec.
(2) Praticien hospitalier et addictologue, Responsable du CSAPA au Centre Hospitalier de Fougères.
* Réunion « Rendez-vous du Quotidien » sur « Dépendance à l’alcool : le médecin généraliste au coeur de l’action » organisée à Rennes avec le soutien institutionnel des laboratoires Lundbeck.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024