Les perturbateurs endocriniens font partie des substances chimiques les plus produites dans le monde (5-10 millions de tonnes/an pour les phénols). On les trouve partout : nourriture, emballages alimentaires, cosmétiques, vêtements, jouets… et les voies d’exposition sont multiples (ingestion, inhalation, contact cutané). « En Europe (programme Helix) les métabolites de phtalate et les phénols ont été détectés dans au moins 97 % des urines des femmes enceintes et des enfants. Il en est de même en France (programme national de biosurveillance Esteban) », prévient la Dr Valérie Siroux (Université Grenoble-Alpes, Inserm, CNRS).
La période de développement fœto-embryonnaire et les premières semaines de vie présentent une sensibilité accrue aux perturbateurs endocriniens. Les mécanismes impliqués dans le risque d’apparition des maladies respiratoires et allergiques se précisent. Les perturbateurs endocriniens altèrent différents processus biologiques et agissent sur le système immunitaire et le stress oxydant (1). Ainsi, certains phtalates peuvent avoir un effet sur le système immunitaire adaptatif, en favorisant la différenciation des cellules Th2, et sur le système immunitaire inné (augmentation de la production de TNF-alpha par les macrophages). L’activité antimicrobienne des parabènes/triclosan pourrait modifier le microbiote intestinal et faire évoluer la réponse CD4+ vers une réponse Th2. Les parabènes auraient des effets génotoxiques et cytotoxiques sur les lymphocytes. Le benzophénone-3 peut stimuler la différenciation des cellules T vers une réponse Th2.
Exposition aux métabolites des phtalates
Les résultats épidémiologiques indiquent globalement des associations entre les perturbateurs endocriniens, l’asthme et les allergies. Ces effets délétères sont appuyés par les résultats d’études expérimentales.
Une étude prospective s’appuyant sur la cohorte mère-enfant Eden a, notamment, évalué l’association entre la concentration urinaire de métabolites du phtalate chez les mères, entre la 23e et 25e semaine de grossesse, et l’occurrence de l’eczéma chez les garçons à l’âge de 5 ans (2). Elle démontre que l’apparition de l’eczéma peut être influencée par l’exposition prénatale à certains métabolites de phtalate (métabolite du di-isobutyle [DiBP] et du di-isononyle [DiNP]). En utilisant cette même cohorte, une association négative entre les concentrations prénatales urinaires de 2,5-dichlorophenol, d’éthyl-parabens, de bisphenol A et de DIDP et la santé respiratoire chez les garçons jusqu’à l’âge de 5 ans a été montrée (3).
« Cependant, en raison des limites des méthodes (biais de mesure des expositions, chaque composé est souvent évalué de façon isolée…) dans les différentes études, il existe des divergences dans les résultats et il est nécessaire de poursuivre les investigations épidémiologiques et expérimentales pour prendre en compte les effets de mélange et évaluer les nouveaux composés chimiques suspectés d’avoir un rôle de perturbateur endocrinien », prévient la Dr Siroux.
Les racines pédiatriques de l’asthme
Les preuves s’accumulent contre le tabagisme. Parmi elles, une récente étude (4) a confirmé que l’exposition prénatale au tabac augmentait le risque d’asthme chez l’enfant (multiplié par deux à 7 ans), ainsi que le risque d’infections respiratoires basses (multiplié de 1,8 à 3,8). On sait que le tabagisme maternel peut entraîner une naissance prématurée et un petit poids de naissance, qui sont eux-mêmes un risque de survenue d’une altération de la fonction respiratoire plus tard chez l’enfant à 10-14 ans.
D’autres données ont montré que la prévalence des maladies obstructives pulmonaires n’était pas associée aux particules ambiantes PM 2,5, mais fortement associée au tabagisme et également à la pauvreté (5).
Enfin, dans une étude récemment publiée, l’exposition professionnelle de la mère aux agents de nettoyage intérieurs avant la conception, ou autour de la conception et de la grossesse, est associée à davantage d’asthme et de respiration sifflante chez les enfants. Alors que l’exposition commençant après la naissance n’est pas associée à l’asthme (6). « La réduction de l’exposition au tabagisme passif et aux polluants pendant l’enfance pourrait modérer l’altération de la fonction respiratoire à l’âge adulte », souligne la Dr Maeva Zysman (CHU Bordeaux).
Session « Facteurs de risque ou de protection autour de la naissance » (1) Casas M. et al. J Investig Allergol Clin Immunol. 2020;30(4):215-28 (2) Soomro M. H et al. Env Health Perspectives 2018 Feb 2;126(2):027002 (3) Vernet C et al. Env Health Perspectives 2017 Sep 8;125(9):097006 (4) Sunde RB et al. Eur Respir J 2022 Feb 17;59(2):2100453 (5) Amaral A et al. Thorax 2021 Dec;76(12):1236-41 (6) Tjalvin G et al. Allergy Clin Immunol 2022 Jan;149(1):422-43
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