L’immunothérapie confirme son efficacité dans les cancers du sein triple négatif (TNBC) à un stade précoce et vraisemblablement dans les tumeurs ayant un taux bas de récepteurs aux œstrogènes ; elle pourrait aussi s’affranchir de la chimiothérapie dans les TNBC immunogènes.
- 34 % sur la mortalité
Les premiers résultats de l’étude Keynote-522 (1) avaient montré que l’ajout du pembrolizumab à la chimiothérapie chez les patientes atteintes d’un TNBC à un stade précoce améliorait de façon statistiquement significative et cliniquement pertinente les deux critères primaires, la réponse pathologique complète (pCR) et la survie sans évènements (SSE) ; un bénéfice que confirment aujourd’hui les données concernant la survie globale (SG).
Les 1 174 patientes incluses étaient atteintes d’un TNBC non traité, non métastatique, de stade T1c/N1-2 ou T2-4/N0-2. Elles ont été randomisées en 2:1 pour recevoir, en phase néoadjuvante, en association avec la chimiothérapie (paclitaxel + carboplatine, puis doxorubicine ou épirubicine + cyclophosphamide), soit le pembrolizumab soit le placebo, puis, en phase adjuvante après la chirurgie, le pembrolizumab ou le placebo pendant 9 cycles ou jusqu’à récidive ou toxicité inacceptable.
Le suivi médian était de 75,1 mois. À cette date, 115 patientes (14,7 %) du groupe pembrolizumab sont décédées, vs 85 (21,8 %) dans le groupe placebo (HR = 0,66 ; p = 0,0015). Le taux de survie globale à 5 ans, critère d’évaluation secondaire essentiel, était de 86,6 % dans le groupe pembrolizumab, vs 81,7 % avec le placebo.
L’apport du pembrolizumab sur la SG est cohérent dans tous les sous-groupes prédéfinis, y compris ceux déterminés en fonction de l’expression de PDL-1 et du statut ganglionnaire. Le pourcentage de SSE à 5 ans est de 81,2 vs 72,2 % (HR = 0,65).
Les événements indésirables liés au traitement de grade ≥ 3 étaient de 77,1 % sous pembrolizumab vs 73,3 % sous placebo (avec respectivement 0,5 vs 0,3 % de décès) ; la iatrogénie à médiation immunitaire était respectivement de 35 vs 13,1 % pour tous les grades, les formes sévères étant rares mais gravissimes.
« Cette nette amélioration de la survie globale avec le pembrolizumab en phase néoadjuvante et adjuvante, par rapport à la seule chimiothérapie néoadjuvante, représente un des résultats les plus significatifs dans le traitement du cancer du sein TNBC à un stade précoce, insiste le Pr Peter Schmid (Londres), et incite à en faire le nouveau standard pour la prise en charge de ces patientes. »
Un nouveau standard de prise en charge
Des résultats d’autant plus importants que les TNBC concernent généralement des patientes jeunes, et qu’ils sont associés à un mauvais pronostic avec peu d’options thérapeutiques jusqu’ici. « L’intégration de l’immunothérapie dans des stades précoces peut potentiellement transformer la prise en charge de ces patientes, renchérit la Dr Marleen Kok (Amsterdam). Toutefois, quelques questions restent posées, en particulier du fait des potentiels effets secondaires de l’immunothérapie. Il serait souhaitable de pouvoir identifier avec des biomarqueurs quelles sont les patientes chez qui la chimiothérapie seule est susceptible d’être efficace, mais aussi de surveiller sur le long terme une éventuelle iatrogénie de l’immunothérapie, chez ces patientes jeunes. »
Des biomarqueurs d’efficacité et de toxicité seraient nécessaires
Un schéma adapté aux ER-bas
On définit le caractère ER- par un taux ≤ 1 % de cellules tumorales portant le récepteur aux œstrogènes. Quand elles sont entre 1 et 9 %, la tumeur est dite « ER-bas ». Ces cancers sont traités comme des TNBC en France, pour lesquels l’étude Keynote-522 a montré l’intérêt du pembrolizumab en néoadjuvant et adjuvant. Mais les données manquaient concernant cette population avec « ER-bas ».
L’étude rétrospective Promenade (2), menée en vie réelle dans 12 centres de cancérologie en France, a inclus toutes les patientes traitées selon le schéma Keynote-522, depuis sa mise à disposition jusqu’en avril 2023, afin d’évaluer le taux de pCR parmi celles HER2- à faible taux de récepteur aux œstrogènes et/ou à la progestérone.
Parmi les 114 patientes, 89 % avaient une taille tumorale ≥ T2 ; 51 % n’avaient pas d’atteinte ganglionnaire ; les tumeurs avaient des caractéristiques agressives.
Le traitement a permis d’obtenir une pCR dans 75 % des cas. « Ces tumeurs ER-bas ont un taux élevé de pCR après schéma thérapeutique Keynote 522, et se montrent plus proches du TNBC que du ER+. Ces résultats suggèrent qu’elles doivent être traitées comme des TNBC pour optimiser la pCR. Ces données sont à confirmer dans une série plus large », indique le Dr François Cherifi (Caen).
Une immunothérapie sans chimiothérapie ?
Les patientes atteintes de TNBC avec infiltration lymphocytaire élevée (taux de TILs) ont un excellent pronostic. Pour limiter la iatrogénie, une étude exploratoire menée chez 30 patientes a évalué l’efficacité d’une immunothérapie sans chimiothérapie dans des TNBC de stade 1-2, sans atteinte ganglionnaire, avec TILs ≥ 50 % (3). Elles ont reçu une immunothérapie néoadjuvante seule, soit nivolumab plus ipilimumab ou rélatlimab.
Le pourcentage de pCR est de 33 % avec nivolumab-ipilimumab et 47 % avec nivolumab-relatlimab, et celui de réponse pathologique majeure est respectivement de 53 % et 73 %.
Au total, 8 patientes (26,7 %), dont 6 dans le bras nivolumab-ipilimumab, ont développé des événements indésirables de grade 3-4, les plus fréquents de type endocrinopathie, justifiant des études complémentaires sur l’efficacité et la toxicité de l’immunothérapie sans chimiothérapie pour le TNBC immunogène.
L’irradiation locorégionale en RT/HF
La radiothérapie (RT) hypofractionnée (HF) représente le protocole standard pour la radiothérapie du sein entier mais la radiothérapie normofractionnée (NF) reste la norme dans la plupart des pays pour le cancer du sein précoce avec atteinte locorégionale (CSE).
Un essai de phase 3 randomisé, multicentrique et ouvert mené par Unicancer, HypoG-01 (1), a comparé chez ces patientes la RT/HF (40 Gy en 15 séances) à la RT/NF (50 Gy en 25 séances).
Les 1 265 patientes (tumeur T1-3, N0-3, M0) ont reçu après chirurgie une radiothérapie de la paroi thoracique ou du sein avec radiothérapie des aires ganglionnaires. Avec un suivi médian de 4,8 ans, la RT/HF ne se montre pas inférieure à la RT/NF en ce qui concerne la survenue de lymphœdèmes, risque particulièrement lié à l’irradiation ganglionnaire. « On ne constate pas non plus de différence sur la survie sans récidive locorégionale ou sans rechute à distance ni sur la survie globale. Cela soutient l’utilisation de la RT/HF pour la radiothérapie locorégionale dans le cancer du sein précoce », affirme la Dr Sofia Rivera (Institut Gustave-Roussy).
(1) Rivera S. Esmo 24, 231O
(1) Schmid P et al. Esmo 24, LBA4
(2) Cherifi F et al. Esmo 24, 238 MO
(3) Nederlof I. Esmo 24, LBA11
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