L’évolution des cancers ces 25 dernières années en France est marquée par des divergences entre l’incidence qui augmente considérablement, et la mortalité, qui a diminué (1).
Le cancer du poumon se situe au 4e rang des localisations en termes d’incidence mais au premier rang des décès par cancer (2). Son incidence a augmenté au cours des 40 dernières années, tout particulièrement chez les personnes âgées, et le diagnostic est souvent posé à un stade métastatique. Chez les femmes, l’augmentation de l’incidence et et de la mortalité sont particulièrement préoccupantes (3).
Tabagisme et dépistage.
Le tabagisme est de loin la principale cause de cancer du poumon : il représente environ 90 % des cas aux États-Unis et dans les autres pays où le tabagisme est fréquent (4). Par ailleurs, aux Etats-Unis, plus de 80 % des fumeurs continuent à fumer après le diagnostic (5). Il se peut toutefois que « la fumée se dissipe… » un peu : trois études ont mis en évidence un lien entre des variations génétiques situées sur le chromosome 15 et le risque de cancer du poumon, mais il n’est pas certain que le lien mis en évidence soit direct (6).
Un diagnostic à un stade précoce est associé à un meilleur pronostic. Pour la première fois une très grande étude prospective randomisée a démontré que le dépistage par scanner « faiblement dosé » semble associé à une réduction de 20 % de la mortalité spécifique (7). D’autres études sont en cours.
Chez les sujets âgés.
Chez les patients de plus de 70 ans ayant un cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC) métastatique, le standard était jusqu’en 2010 une mono-chimiothérapie. Dans l’essai de phase III IFCT 01-05, la survie globale a été nettement améliorée sous bithérapie par carboplatine et paclitaxel malgré une discrète augmentation du nombre de décès toxique (8). La survie sans progression a également été prolongée. L’âge en soi n’est ainsi pas une contre-indication à l’administration d’une chimiothérapie à base de platine.
Thérapeutiques ciblées.
L’angiogenèse tumorale est sous le contrôle de facteurs pro-angiogéniques dont le VEGF. Le bevacizumab (Avastin®) est un anticorps monoclonal humanisé, dirigé contre le VEGF. Depuis juillet 2007, il est indiqué en association à une chimiothérapie à base de sels de platine, en traitement de première ligne chez les patients atteints de CBNPC métastatique ou en rechute, dès lors que l’histologie n’est pas à prédominance épidermoïde.
Il a été montré que la présence d’une mutation d’EGFR était associée à une sensibilité accrue aux inhibiteurs de la fonction tyrosine kinase de l’EGFR, erlotinib et gefitinib. Ces mutations sont plus fréquentes chez les patients ayant un adénocarcinome, les non-fumeurs, les asiatiques et chez les femmes. Elles jouent un rôle clé dans le choix du traitement (9). Ainsi, le gefitinib prolonge la survie sans progression et améliore la qualité de vie en cas de mutation d’EGFR par comparaison avec une chimiothérapie associant carboplatine et paclitaxel (10). Les mêmes résultats ont été constatés avec l’erlotinib dans un essai réalisé en Europe et en particulier en France (11). Ainsi, le gefitinib et l’erlotinib ont obtenu l’AMM pour le traitement des CBNPC localement avancés ou métastatiques avec mutations activatrices de l’EGFR, quelle que soit la ligne de traitement.
Plus récemment encore une translocation EML4-ALK, conduisant à la formation d’un gène chimérique oncogénique, a été détectée chez moins de 5 % des malades atteints d’adénocarcinomes pulmonaires métastatiques. Dans ce cas, des réponses majeures et persistantes ont été constatées chez environ 60 % des malades sous crizotinib (12). Une AMM a été délivrée très récemment en France pour la deuxième ligne, un essai thérapeutique est encore en cours en première ligne.
Chimiothérapie de maintenance.
Le développement de chimiothérapies ayant des meilleurs profils de tolérance permet de poser la question de l’administration prolongée d’une chimiothérapie dite de maintenance, après le traitement d’induction, afin de maintenir une pression thérapeutique chez les patients répondeurs ou stabilisés. Deux études récentes viennent de démontrer un bénéfice sur la survie sans progression mais aussi sur la survie globale de la maintenance par pemetrexed et par l’erlotinib, conduisant à une AMM de ces médicaments en maintenance (13, 14). Enfin, dans l’étude récente française IFCT-GFPC 05-02, l’analyse sur la survie globale est en cours.
› Dr GERARD BOZET
* Service de Pneumologie, Centre expert en Oncologie Thoracique, hôpital Tenon, AP-HP, Paris
Références
(1) Remontet L, Esteve J, Bouvier AM, et al. Cancers incidence and mortality in France over the period 1978-2000. Rev epidémiol sante publique 2003;51(1Pt1):3-30.
(2) Belot A, Grosclaude P, Bossard N, Jougla E, et al. Cancer incidence and mortality in France over the period 1980-2005. Rev Epidemiol Sante Publique. 2008;56(3):159-75.
(3) Guérin S, Doyon F, Hill C. [The frequency of cancer in France in 2006, mortality trends since 1950, incidence trends since 1980 and analysis of the discrepancies between these trends]. Bull Cancer. 2009;96(1):51–57.
(4) Alberg AJ, Ford JG, Samet JM. Epidemiology of Lung Cancer: ACCP Evidence-Based Clinical Practice Guidelines (2nd Edition). Chest. 2007;132(3_suppl):29S–55S.
(5) Cataldo JK, Dubey S, Prochaska JJ. Smoking Cessation: An Integral Part of Lung Cancer Treatment. Oncology. 2010;78(5-6):289–301.
(6) Chanock SJ, Hunter DJ. When the smoke clears... Nature. 2008;452(3):537–538.
(7) National Lung Screening Trial Research Team. Reduced Lung-Cancer Mortality with Low-Dose Computed Tomographic Screening. N Engl J Med. 2011;365(5):395–409.
(8) Quoix E, Zalcman G, Oster J-P, et al. Carboplatin and weekly paclitaxel doublet chemotherapy compared with monotherapy in elderly patients with advanced non-small-cell lung cancer: IFCT-0501 randomised, phase 3 trial. The Lancet. 2011;378(9796):1079–1088.
(9) Pao W, Chmielecki J. Rational, biologically based treatment of EGFR-mutant non-small-cell lung cancer. Nat Rev Cancer. 2010;10(11):760–774.
(10) Mok TS, Wu Y-L, Thongprasert S, et al. Gefitinib or carboplatin-paclitaxel in pulmonary adenocarcinoma. N Engl J Med. 2009;361(10):947–957.
(11) Rosell R, Carcereny E, Gervais R, et al. Erlotinib versus standard chemotherapy as first-line treatment for European patients with advanced EGFR mutation-positive non-small-cell lung cancer (EURTAC): a multicentre, open-label, randomised phase 3 trial. Lancet Oncol. 2012;13(3):239-46.
(12) Kwak EL, Bang Y-J, Camidge DR, et al. Anaplastic lymphoma kinase inhibition in non-small-cell lung cancer. N Engl J Med. 2010;363(18):1693–1703.
(13) Ciuleanu T, Brodowicz T, Zielinski C, et al. Maintenance pemetrexed plus best supportive care versus placebo plus best supportive care for non-small-cell lung cancer: a randomised, double-blind, phase 3 study. Lancet. 2009;374(9699):1432-1440.
(14) Cappuzzo F, Ciuleanu T, Stelmakh L, et al. Erlotinib as maintenance treatment in advanced non-small-cell lung cancer: a multicentre, randomised, placebo-controlled phase 3 study. Lancet Oncol. 2010;11(6):521-529.
Article précédent
Vers un dépistage sous conditions
Toujours en développement
FMC : les effets délétères du tabac et du cannabis
Des spirales prometteuses
Unifier et valoriser
Un nouveau poids lourd dans le paysage pneumologique national
Une exposition professionnelle dans 15 % des cas
Les mécanismes à l’œuvre
À l’aube de grands progrès ?
Vers un dépistage sous conditions
Des stratégies concomitantes
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024