Cancer du sein avancé HER2+ et le T-DM1.
Le T-DM1 ou « magic bullet » est le cheval de Troie des temps modernes dans le traitement du cancer du sein avancé HER2+. Le TDM-1 est un anticorps monoclonal couplé de manière stable à une chimiothérapie, l’emtansine, inhibiteur des microtubules. Le complexe T-DM1 HER2 est internalisé par la cellule tumorale qui surexprime HER2. Ce concept permet de délivrer une concentration importante de chimiothérapie en ciblant spécifiquement la cellule tumorale HER2+, en espérant pouvoir épargner les tissus sains et donc de fait agrandir la fenêtre thérapeutique.
L’efficacité du T-DM1 a été supérieure au bras capécitabine + lapatinib sur tous les critères étudiés dans l’essai de phase III, EMILIA (1) : médiane de survie sans progression de 9,6 mois versus 6,4 mois (p ‹ 0,01), réduction du risque de décès de 32 % (p ‹ 0,01), amélioration de la survie globale passant de 25,1 mois versus 30,9 mois. Le profil de toxicité du T-DM1 se différencie de celui de l’association capécitabine + lapatinib (syndrome main/pied et diarrhées très invalidants), avec une élévation des ASAT et ALAT, et des thrombopénies dans 12,9 % des cas. Cette toxicité apparaissait dans les 2 premiers cycles du traitement, l’interruption temporaire ou la diminution permettait de pouvoir continuer le T-DM1. Des saignements ont été observés plus fréquemment dans le bras T-DM1 que dans le bras capécitabine + lapatinib ; de rares hémorragies sévères ont été observées (<2 % dans les 2 bras). La toxicité cardiaque est comparable dans les 2 bras avec une baisse significative de la FeVG dans moins de 2 % des cas.
L’anticorps conjugué T-DM1 permet de récupérer une efficacité antitumorale ; ce « magic bullet » est plus efficace et moins toxique que le doublet capécitabine + lapatinib. L’AMM est en cours aux États-Unis et en Europe. L’évaluation du T-DM1 se poursuit avec : l’essai MARIANNE évaluant l’association T-DM1 et pertuzumab, nouvel anticorps monoclonal anti-HER2 ; un autre essai compare en première ligne T-DM1 versus docétaxel + trastuzumab, et un essai en phase localisée évalue le T-DM1 en adjuvant et néoadjuvant.
Actualités sur le crizotinib dans le CBNPC.
Le crizotinib (Xalkori) est un traitement du cancer du poumon non à petites cellules (CPNPC) de type adénocarcinome avancé (localement avancé ou métastatique) chez des patients prétraités présentant un réarrangement du gène ALK (ALK positif). Le gène de fusion ALK-EMLA4 entraîne l’activation permanente par dimérisation de 3 voies de signalisation : Pi3K/AKT, JAK3/STAT3, Ras/Erk.
L’arrivée du crizotinib dans l’arsenal thérapeutique illustre un modèle de développement rapide, en 5 ans, d’une thérapie ciblée qui a bénéficié du séquençage à haut débit ; le crizotinib permet une médecine personnalisée pour un type inhabituel de malade souffrant d’un CBNPC, un sujet plutôt jeune et non-fumeur. Une des problématiques est l’apparition de résistances inéluctables aux thérapies ciblées.
Les mécanismes de la résistance au crizotinib sont de deux ordres : les résistances primaires et les résistances acquises de ALK. Ces dernières sont liées :
- à une hyperactivation du gène ALK soit via une mutation dans le domaine kinase, soit liée à une amplification d’ALK, un gain de copies du gène ou plus surprenant la perte du réarrangement ALK.
- des mécanismes indépendants de ALK (activation de la voie EGFR sans mutation ni amplification, activation de KIT par amplification génique, mutation KRAS).
Pour contrecarrer ces résistances, de nouvelles molécules sont en développement : un inhibiteur de ALK/EGFR, le LDK378, dont les résultats de phase I ont été présentés au dernier congrès de l’ASCO (American Society of Medical Oncology) avec un taux de réponse de 37,5 %, des inhibiteurs Hsp90 sont également en développement.
Le crizotinib a montré une efficacité dans le CBNPC avec réarrangements de ROS1, activé plutôt dans les adénocarcinomes (pour 1 % d’entre eux) avec un taux de réponse de 54 % et une durée moyenne de traitement de 20 semaines.
Le vismodegib dans le carcinome basocellulaire.
Le carcinome basocellulaire (CBC) est une tumeur cutanée maligne très fréquente, en particulier chez les sujets à phototypes clairs. La malignité est majoritairement locale ; en général, un geste chirurgical suffit. Mais de rares formes sont localement avancées avec d’exceptionnelles métastases pour lesquelles il n’existait pas de traitement de référence.
La plupart des carcinomes basocellulaires ont des mutations réactivatrices de la voie Hedgehog, physiologiquement inactivée. Cette voie peut être aujourd’hui inhibée par le vismodegib, inhibiteur sélectif d’un défaut de signalisation de la voie Hedgehog dans le CBC. L’essai ERIVANCE de phase II a montré des taux de réponse intéressants : plus importants pour les formes localement avancées que pour les formes métastatiques.
La totalité des patients a présenté des effets secondaires majoritairement de grades I/II. Ces résultats ont permis au vismodegib d’être approuvé par la Food and Drug Administration.
Le vismodegib a un intérêt dans la prévention de l’apparition des carcinomes basocellulaires dans le syndrome de Gorlin (nævomatose basocellulaire caractérisée par une prédisposition génétique au CBC et aux médulloblastomes). Un essai ouvert de phase II (n = 800) pour évaluer la sécurité d’emploi du vismodegib est en cours. D’autres inhibiteurs de la voie Hedgehog sont en train d’être développés.
Mélanomes métastatiques, anti-BRAF, anti-CTLA4 : la résistance s’organise !
L’arsenal thérapeutique contre le mélanome métastatique augmente. Mais des obstacles persistent avec l’apparition systématique de résistance et des effets secondaires non négligeables. Le coût des thérapeutiques de plus en plus complexes à développer est également un frein.
La combinaison antiMEK + antiBRAF en adjuvant est-elle pertinente ? Cette même combinaison peut-elle contourner l’apparition de résistance ? Peut-on ainsi diminuer les effets secondaires des antiBRAF avec l’addition d’anti-MEK ? Autant de questions qui n’ont pas encore de réponse.
Aux côtés de l’ipilimumab (Yervoy), anti-CTLA4, d’autres voies d’immunothérapie sont en développement, le projet le plus avancé étant un anticorps anti-PD1 (programmed death1), et l’anti-PDL1 (L = ligand) ; PD1 étant un récepteur co-inhibiteur exprimé à la surface des lymphocytes T activés.
Cancer de la prostate métastatique : tout s’accélère.
Depuis 2004, le standard thérapeutique en première ligne des cancers de la prostate réfractaire à la castration est le docétaxel. Jusqu’à 2010, il n’y avait pas de standard pour les 2es lignes. À partir de 2010, de nouvelles molécules ont apporté un bénéfice en terme de survie : l’acétate d’abiratérone (AA), le cabazitaxel, le Sipuleucel-T, le MDV3100, Alpharadin.
L’acétate d’abiratérone (Zytiga) est une hormonothérapie de nouvelle génération, inhibiteur spécifique, irréversible des androgènes, indiqué dans le cancer de la prostate métastatique réfractaire à la castration (CRPCm) après progression sous docétaxel. Quels sont les facteurs prédictifs de réponse à cette thérapeutique ? L’analyse de la cohorte française d’ATU (n = 408) a permis de définir un profil de moins bons répondeurs : patient ayant reçu un nombre de lignes de chimiothérapie supérieur à 1 et un Gleason élevé. Une étude rétrospective monocentrique (dirigée à l’IGR pour Institut Gustave-Roussy) montre qu’une durée de réponse à l’hormonothérapie supérieure à 16 mois est prédictive d’une meilleure survie sans progression. L’étude COU-11-302 réalisée chez des patients naïfs présentant un CRPCm a évalué l’efficacité de l’acétate d’abiratérone en prédocétaxel. L’analyse intermédiaire en février 2012 montre un bénéfice en termes de SSP radiologique et de survie globale.
D’après les communications de Johanna Wassermann (hôpital Saint-Louis, Paris), Capucine Baldini (CHU Lille), Ouidad Zahouja (CHU Henri Mondor, Créteil), Amélie Boespflug (hospices civils de Lyon), Safae Terisse (IGR, Villejuf), membres de l’AERIO, dans le cadre des sessions Speed Data organisées sous l’égide de la Fondation ARC (Association pour la Recherche sur le cancer).
(1) N Engl J Med 2012;367:1783-91.
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