L’hypertension artérielle (HTA) se développant aux âges intermédiaires expose aux altérations cognitives dans les vingt ans qui suivent. Les éléments physiopathologiques impliqués dans ce déclin sont nombreux. L’étude Maastricht souligne la corrélation entre la rigidité artérielle et les scores de fonction cognitive chez les hypertendus, témoin du rôle de la dysfonction microvasculaire. S’y associent les infarctus lacunaires, les microsaignements, l’hyperpulsatilité, la dysrégulation hémodynamique.
La variabilité tensionnelle (lire p. XX) pourrait aussi accélérer le déclin cognitif et la démence. Une étude australienne présentée en session orale confirme que la pression pulsée (PP) cumulée est un facteur prédictif du risque de démence, de troubles cognitifs et de décès chez les plus de 70 ans et ce, de façon indépendante de l’âge.
« Il est donc nécessaire d’agir, pour limiter le déclin cognitif, à la fois sur les artères de grand et de petit calibre, en réduisant la pression artérielle systolique [PAS] centrale et la PP mais aussi la PA moyenne, afin de diminuer les résistances périphériques structurelles et la rigidité artérielle », explique le Pr Christophe Tzourio (Bordeaux).
Lésions de la substance blanche
Plus récemment, on a montré que les lésions de la substance blanche (LSB) constituent un marqueur IRM essentiel de la maladie cérébrovasculaire silencieuse, ce qui permet d’affiner la stratification du risque chez les hypertendus. Dans la Framingham Offspring Study, les LSB extensives et les infarctus silencieux multiplient par plus de deux le risque d’AVC, mais aussi de démence, indépendamment des autres facteurs de risque cardiovasculaires (FRCV). Chez les plus de 60 ans uniquement, les LSB étaient aussi associées au risque de troubles cognitifs, de décès et de démence, indépendamment des autres facteurs vasculaires et des événements CV intercurrents.
D’autres éléments visibles à l’IRM peuvent être reliés à un risque de déclin cognitif et/ou de démence, comme les microsaignements cérébraux et la maladie des petits vaisseaux cérébraux.
Des études d’intervention probantes
Dans l’étude française des Trois Cités, chez des hypertendus avec une PAS ≥ 160 mmHg, l’instauration d’un traitement antihypertenseur s’associait à une augmentation plus limitée du volume des LSB après quatre ans de suivi. Cela renforce l’hypothèse de la relation entre HTA et développement de ces LSB et de l’intérêt du contrôle tensionnel pour réduire leur progression.
Une étude du Sprint Research Group renchérit, en montrant qu’en ciblant une PAS à 120 plutôt qu’à 140 mmHg, le volume des LSB augmente moins rapidement, tandis que la réduction du volume cérébral total est moindre. Dans une population âgée avec PAS isolée, l’étude Syst-Eur relevait ainsi qu’un traitement par périndopril/indapamide (réduisant de 8,3 mmHg de la PAS et de 3,8 de la PAD) diminuait de moitié l’incidence de la démence, vs placebo après deux ans de suivi.
Une métanalyse des données individuelles recueillies dans des études Hyvet, Progress, Syst-Eur et Advance a permis de suivre l’évolution du score MMSE au fil du temps. Les résultats des traitements antihypertenseurs sur le déclin cognitif sont statistiquement significatifs et soutiennent leur bénéfice, en milieu et en fin de vie, pour réduire le risque de démence. On ignore en revanche s’il existe un bénéfice additionnel à réduire davantage la PA chez les hypertendus déjà bien contrôlés, ou à commencer le traitement plus tôt dans la vie.
Évaluation systématique
Les recommandations conjointes ESH/EUGMS, présentées au congrès, préconisent une évaluation systématique de la fonction cognitive chez les hypertendus de plus de 65 ans, au même titre que le bilan des autres organes cibles. « L’évaluation est à réaliser tous les ans chez les patients asymptomatiques de moins de 75 ans, et tous les six mois chez ceux qui se plaignent de troubles de mémoire ou qui ont plus de 75 ans », précise le Dr Pedro Guimarães Cunha (Portugal).
La prise en charge thérapeutique doit être individualisée en fonction du statut fonctionnel des personnes âgées et de leur autonomie, pour éviter les effets indésirables, en priorisant les traitements selon les comorbidités et les autres thérapeutiques.
Session conjointe ESH - EUGMS (European union Geriatric Medicine Society), « Clinical consensus in stroke and cognitive decline management »
Article précédent
Des recommandations parcimonieuses
Article suivant
Dynamique de l’hypertension
Des recommandations parcimonieuses
Le déclin cognitif devient une complication à part entière
Dynamique de l’hypertension
Disparités de suivi
Silence !
Les SMS du congrès ESH 2023
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?