Dès que le score de risque embolique CHA2DS2-VASc est égal à 2, il est indiqué de prescrire un anticoagulant oral chez les patients ayant une fibrillation atriale (FA) non valvulaire pour diminuer le risque d'événements thrombo-emboliques, au prix d'un surcroît d'événements hémorragiques.
Dans la maladie coronaire, après un syndrome coronaire aigu (SCA) [ayant nécessité une angioplastie coronaire ou non] et en cas d'angioplastie coronaire élective avec un stent actif (ACESA), un traitement antiagrégant plaquettaire (AAP) double est indiqué pour 6 ou 12 mois. Il doit comprendre de l'aspirine et un anti-P2Y12 (clopidogrel, ticagrelor ou prasugrel). L'objectif est de diminuer le risque d'infarctus du myocarde (IDM) et, le cas échéant, le risque de thrombose de stent, moyennant une hausse des événements hémorragiques.
Cependant, face à ces deux situations cliniques chez un même patient, le médecin doit-il associer trois antithrombotiques (deux AAP et un anticoagulant) pour prévenir deux risques différents au prix d'une nette augmentation du risque hémorragique ? Ou certaines stratégies antithrombotiques peuvent-elles apporter un meilleur rapport bénéfice risque ?
AOD ou AVK ?
Menée chez des patients ayant une FA et traités pour un SCA ou par une ACESA, l'étude AUGUSTUS avait pour objectif d'évaluer la non-infériorité d'un anticoagulant oral direct (AOD), l'apixaban, par rapport à un antivitamine K (AVK) en matière de survenue d'hémorragies majeures ou cliniquement significatives.
Cet essai contrôlé a enrôlé 4 614 patients âgés en moyenne de 70,7 ans, randomisés pour recevoir en ouvert soit de l'apixaban à 5 mg 2 fois par jour (pouvant être diminué à 2,5 mg 2 fois par jour, selon les indications spécifiques de cette molécule dans la FA), soit un AVK, la warfarine, à une dose permettant d'obtenir et de maintenir un INR entre 2 et 3.
Pour être éligibles, les patients devaient avoir une FA justifiant un traitement anticoagulant oral. À l'inclusion, 61 % des patients avaient été pris en charge pour un SCA, traité par angioplastie coronaire (pour 37 % d'entre eux) ou non (pour 24 %) et 39 % avaient eu une ACESA dans les 14 jours précédents. Tous devaient recevoir un AAP anti-P2Y12 pour au moins 6 mois. Il est à noter que l'essai a été conduit en plan factoriel afin d'évaluer aussi l'aspirine contre placebo. Le critère d'évaluation primaire était la survenue d'une hémorragie majeure ou cliniquement significative selon la classification ISTH, à 6 mois. En moyenne, le score CHA2DS2-VASc était à l'inclusion de 3,9, le score HASBLED de 2,9 et l'anti-P2Y12 utilisé était dans 93 % des cas du clopidogrel.
Au terme des 6 mois de suivi, l'incidence des hémorragies du critère primaire a été de 14,7 % sous AVK et de 10,5 % sous AOD (HR : 0,69 ; IC 95 % : 0,58-0,81), avec une réduction absolue du risque de 4,2 % et un nombre de 24 patients à traiter par AOD plutôt qu'AVK pour éviter une hémorragie. Ce résultat a permis de valider la non-infériorité (p < 0,001) et la supériorité (p < 0,01) du traitement par AOD par rapport à l'AVK.
Une réduction significative des décès et des hospitalisations a été observée sous AOD par rapport à l'AVK (23,5 % versus 27,4 % ; HR : 0,83 ; p = 0,002), avec une réduction absolue du risque de 3,9 % et un nombre de 26 patients à traiter par un AOD plutôt que par un AVK pour éviter un événement. Cette réduction est essentiellement due à une baisse des hospitalisations, sans modification significative des décès. De même, aucune modification significative des événements ischémiques n'a été constatée.
L'intérêt des AOD confirmé
Deux autres essais thérapeutiques contrôlés, REDUAL PCI (avec le dabigatran) et PIONEER AF PCI (avec le rivaroxaban), avaient déjà évalué dans ces situations cliniques l'apport respectif d'un AOD et d'un AVK, associés à divers AAP. Globalement, leurs résultats montrent que dès lors qu'un AOD est utilisé à la place d'un AVK, l'incidence des hémorragies est moindre, quel que soit le protocole d'AAP associé.
Par rapport à ces deux essais, l'apport de l'étude AUGUSTUS est double : un plus grand nombre de patients a été inclus, conférant au résultat plus de puissance, et la dose d'apixaban utilisée est celle recommandée dans la prise en charge de la FA.
Ainsi, en dehors des situations cliniques justifiant un AVK plutôt qu'un AOD (comme en cas de prothèse valvulaire mécanique ou de rétrécissement mitral serré), il semble justifié d'utiliser un AOD plutôt qu'un AVK chez un patient ayant une FA et pris en charge pour un SCA ou une angioplastie coronaire élective avec stent.
Lopes RD, Heizer G, Aronson R et al. Antithrombotic therapy after acute coronary syndrome or PCI in atrial fibrillation. New England Journal of Medicine, 17 mars 2019. DOI: 10.1056/NEJMoa1817083
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