« Les plaies chroniques constituent un fardeau économique dans le monde entier. Elles sont gérées par des professionnels de santé ayant différents niveaux d’expertise, d’où l’hétérogénéité des soins réellement dispensés, avec en particulier la sous-utilisation de pratiques fondées sur les preuves et son corollaire, la surutilisation de pratiques non étayées par des données solides », déplore la Dr Sylvie Meaume, gériatre et dermatologue à l’Hôpital Rothschild à Paris, qui a présenté un état de l’art à ce sujet.
La compression reste le traitement standard de la maladie veineuse. Les recommandations de la HAS conseillent l’utilisation de bandages multicouches et éventuellement l’allongement court, en deuxième intention. Toutefois, une métaanalyse portant sur 1 437 patients ne semble pas vraiment montrer de différence significative entre le bandage multicouche et les bandes à allongement court, puisqu’à 24 semaines 69 % des ulcères veineux de jambe (UVJ) ont cicatrisé complètement avec du 4 couches, vs. 62 % avec allongement court, les bicouches donnant des résultats très proches (1). « Cela laisse le choix du système de compression à la discrétion du clinicien, en fonction de l’efficacité, de la tolérance du patient et de la préférence du prescripteur », résume la Dr Meaume.
On disposera peut-être à l’avenir des bandes de compression dites intelligentes, certaines recherches portant sur des fibres photoniques qui changent de couleur en fonction de l’étirement et de la pression. Les essais sont très préliminaires et les dispositifs seront vraisemblablement très coûteux.
En ce qui concerne les velcros, aucune étude n’a apporté suffisamment d’arguments, du moins pour qu’ils soient remboursés dans l’UVJ, mais ils ont montré leur intérêt pour la réduction de l’œdème des jambes de patients immobilisés en position assise.
Enfin, la contention élastique est essentielle dans la prise en charge de la maladie veineuse, mais les bas de contention, surtout ceux de classe 3 ou 4 sont généralement difficile à mettre. Un enfile-bas électrique adapté à tout type et toute taille de bas de contention se révèle très pratique pour le soignant et confortable pour le patient, mais pour un prix élevé (800 euros).
Compression même dans les atteintes mixtes
Chez le patient âgé, la question est toujours celle de la tolérance hémodynamique de la compression en cas d’ulcère mixte, artériel et veineux. Les praticiens seront rassurés par une étude menée dans des AOMI modérées (IPS compris entre 0,5 et 0,9) où des bandages à allongement court quotidiens maintenaient une pression de 20 à 30 mmHg. Elle montre en fait que l’IPS et la TcPO2 (Pression Partielle Transcutanée d'Oxygène) ne sont pas significativement modifiés sous traitement compressif, car la pression de compression finit par diminuer avec le temps et que les patients la supportent bien. « On peut donc utiliser ces bandages à allongement court avec un niveau de compression adapté qui aident à la cicatrisation des ulcères mixtes en prenant en charge la part veineuse de la maladie », souligne la dermatologue.
L’interventionnel conforté
Le traitement du reflux veineux superficiel par sclérothérapie avec mousse, ablation thermique au laser, radiofréquence, ou autres techniques mini-invasives, avait montré dans des études déjà anciennes qu’il prévient la récidive des ulcères de jambe à 12 mois et à 4 ans. En revanche l’impact sur la cicatrisation à proprement parler était peu clair, même si les études observationnelles le suggéraient.
Une étude de 2018 vient maintenant confirmer que les traitements endoveineux améliorent le taux de cicatrisation chez 450 personnes (94 % vs 86 % à un an) en association à la compression, à condition qu’ils soient réalisés précocement dans les deux semaines (2).
Un oui franc pour l’exercice physique
Une très nombreuse littérature confirme que l’exercice physique réduit le temps de cicatrisation, en améliorant la réactivité microvasculaire cutanée des membres inférieurs chez l’adulte souffrant d’UVJ. Les exercices doivent être faits contre résistance progressive et en aérobie, afin d’améliorer la fonction de pompe musculaire du mollet. On conseille aussi des mouvements de transfert du poids corporel d’une jambe à l’autre, ou des mouvements de la cheville.
Ces exercices sont également efficaces en prévention dans le pied diabétique : « c’est un changement total de paradigme puisque l’activité physique n’augmente pas le risque d’ulcères, y compris en cas de neuropathie diabétique, alors qu’elle était considérée comme une contre-indication à la marche ou à tout exercice de mise en charge », insiste la dermatologue.
Communication de la Dr Sylvie Meaume, gériatre et dermatologue, Hôpital Rothschild, Paris
(1) De Carvalho & al, Ostomy Wound Manage. A Meta-analysis to Compare Four-layer to Short-stretch Compression Bandaging for Venous Leg Ulcer Healing. 2018 May;64(5):30-37
(2) Gohel & al. A Randomized Trial of Early Endovenous Ablation in Venous Ulceration. N Engl J Med 2018; 378:2105-14
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