Quand l’ulcère ne cicatrise pas

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Publié le 20/01/2023
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Tout retard de cicatrisation d’une plaie chronique malgré un traitement a priori étiologique et des soins locaux adaptés doit conduire à réévaluer la plaie et se poser quatre questions clés.
L’angiodermite nécrotique est la cause dans 10 % des échecs de cicatrisation

L’angiodermite nécrotique est la cause dans 10 % des échecs de cicatrisation
Crédit photo : VOISIN/PHANIE

Les ulcères de jambe (UJ) sont d’origine veineuse dans la moitié des cas, artérielle de 13 à 25 %, mixte de 11 à 15 % et liés à une autre cause pour 10 à 25 %.

Présence d’une composante ischémique ?

La première des questions à se poser face à un UJ ne cicatrisant pas est l’existence d’une composante ischémique. Certains paramètres doivent la faire suspecter, notamment la présence de facteurs de risque cardiovasculaire, d’autres atteintes athéromateuses ou de signes évocateurs d’artériopathie des membres inférieurs (AOMI). La mise en évidence de pouls périphériques palpables permet d’exclure une telle hypothèse.

Sinon, plusieurs examens peuvent être réalisés. La mesure de l’index de pression systolique (IPS), examen simple qui peut être fait avec un doppler de poche ou lors de l’écho-doppler artériel, est indiquée chez tout patient ayant une abolition des pouls périphériques, des signes fonctionnels d’AOMI, ou un IPS < 0,8 ou > 1,3. La mesure transcutanée de la pression en oxygène, examen non invasif accessible dans certains centres, a aussi une valeur pronostique.

Y a-t-il une infection ?

La présence d’un érysipèle franc (placard inflammatoire périlésionnel fébrile), d’un abcès ou d’une suppuration franche au niveau de la plaie est très évocatrice d’une infection. Mais son diagnostic précoce n’est pas toujours facile, face à des signes inflammatoires non spécifiques.

L’aggravation de l’ulcère malgré un traitement compressif adapté, l’augmentation de la douleur au niveau ou autour de l’ulcère sont des signes d’alerte. Il est important d’explorer la plaie avec un stylet. Un contact osseux témoigne d’une ostéite. Aucun examen complémentaire ne doit retarder la mise en route du traitement antibiotique : amoxicilline 50 mg/kg/jour pendant 7 jours ou pristinamycine 1 g trois fois par jour pendant 7 jours. Des prélèvements bactériologiques profonds (ponctions-aspirations à l’aiguille) sont recommandés en présence de bulles.

La compression veineuse est-elle bien conduite ?

La compression veineuse est le traitement étiologique des UJ avec composante veineuse, ce qui est le cas de la majorité.

« En première intention, dans les UJ de cause strictement veineuse (pouls palpables et/ou IPS > 0,8), il est recommandé de faire appel aux systèmes de compression multicouches (type Urgo K2, Coban 2), indique la Dr Patricia Senet (Paris). Il n’y a pas de place en première intention pour les bandes élastiques simples type Biflex, pourtant largement prescrites en France. » Dans les UJ d’origine mixte (IPS entre 0,6 et 0,8), une compression par bandes inélastiques type Comprilan ou Rosidal K est de mise.

La peau sous-jacente doit être protégée par un système tubulaire coton ou un bandage coton ou Velpeau usuel.

Y a-t-il une autre étiologie en cause ?

Tous les ulcères de jambe ne sont pas d’origine vasculaire. Face à un UJ ne cicatrisant pas malgré un traitement qui paraît adapté, il faut rechercher une autre étiologie, comme une angiodermite nécrotique, qui serait en cause dans 10 % de ces cas. Il s’agit d’une plaie nécrotique, extensive et superficielle, en lien avec une artériosclérose des vaisseaux du derme, due à une hypertension artérielle ou un diabète.

Il faut également éliminer un cancer ulcéré, qui représenterait 10 % des UJ ne cicatrisant pas. Des biopsies cutanées doivent ainsi être réalisées systématiquement en l’absence d’amélioration après trois à six mois de traitement bien conduit ou en cas de suspicion clinique de cancer cutané (bourgeon anormal, saignement) ou d’une autre étiologie (vascularite, Pyoderma gangrenosum).

Exergue : « Il n’y a pas de place en première intention pour les bandes élastiques simples type Biflex, pourtant largement prescrites en France »

Communication des Drs Patricia Senet (Paris) et Marc Bayen (Guesnain)

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Le Quotidien du médecin