Le poids de la mémoire adipocytaire

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Publié le 28/03/2025
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Difficulté de perte de poids, reprise après amaigrissement ou rechute : la mémoire épigénétique du tissu adipeux pourrait être en cause dans ces échecs thérapeutiques.

L’explication de l’effet yoyo »

L’explication de l’effet yoyo »
Crédit photo : VOISIN/PHANIE

La réduction du poids corporel est un objectif dans la prise en charge des états d’obésité et de leurs comorbidités. Quelle que soit la méthode (diététique, médicaments, chirurgie bariatrique), le maintien du poids atteint après l’amaigrissement reste un défi. Le corps semble conserver une mémoire obésogène, une défense contre les changements de poids corporel à long terme. Les mécanismes qui sous-tendent ce phénomène demeurent en partie méconnus.

Un mécanisme épigénétique

Un travail récemment publié vient apporter une explication (1) : après une perte de poids significative chez des souris obèses, un séquençage spécifique (ARN « à simple noyau ») montre que les tissus adipeux conservent des changements transcriptionnels. Une partie de cette recherche menée chez l’humain le confirme.

Ces altérations persistantes transcriptionnelles, stables dans les adipocytes, et induites par l’état d’obésité dans leur épigénome, affectent négativement leur fonction et leur réponse aux stimuli métaboliques. Les souris présentent ainsi un rebond accéléré de reprise de poids après l’amaigrissement.

Ces résultats soutiennent l’existence d’une mémoire obésogène, largement fondée sur des changements épigénétiques dans les adipocytes, et probablement dans d’autres types de cellules. Ces changements semblent préparer les cellules à des réponses pathologiques dans un environnement obésogène, contribuant à l’effet « yoyo », observé après le suivi de la totalité des régimes restrictifs et obstacle au maintien pondéral. Cibler ces changements épigénétiques pourrait à l’avenir améliorer la gestion du poids et les résultats à long terme.

Tout clinicien est confronté aux rechutes

Pr Serge Halimi

Une voie de recherche porteuse

Cette étude fait écho au constat que tout clinicien a rencontré,quelle que soit l’approche utilisée pour perdre du poids : la rechute pondérale. Une difficulté souvent attribuée à la perte de masse maigre  ; ce tissu comptant le plus dans la dépense énergétique, le métabolisme basal est en effet réduit d’autant.

Mais cette explication se heurte au constat que des rechutes pondérales peuvent survenir malgré la lutte contre la perte de masse maigre (qui cependant réduit, mais sans l’éviter, l’amplitude de la rechute pondérale).

Ces rechutes, voire ces rebonds pondéraux, se produisent aussi avec les nouvelles molécules très puissantes (incrétinomimétiques), après l’arrêt de leur administration. Mieux comprendre cette empreinte épigénétique dans l’adipocyte constitue une voie de recherche très porteuse pour favoriser la durabilité des amaigrissements.

Professeur Émérite, Université Grenoble-Alpes
(1) Hinte LC, et al Adipose tissue retains an epigenetic memory of obesity after weight loss. Nature 2024 Dec;636(8042):457-65

Pr Serge Halimi, Professeur Émérite, Université Grenoble-Alpes

Source : Le Quotidien du Médecin