POURSUIVIE pour homicide/blessures involontaires et complicité de tromperie aggravée, le Dr Elisabeth Mugnier, 61 ans, pédiatre aujourd’hui à la retraite, est accusée d’avoir cherché à multiplier le nombre d’hypophyses prélevées « au détriment de la qualité et de la sécurité », accumulant « négligences et imprudences ». Elle tient à préciser qu’elle n’avait pas de rôle coordinateur des prélèvements dans toute la France mais était seulement chargée de la collecte dans la région parisienne. Rappelant qu’il fallait 50 hypophyses pour traiter un enfant pendant un an, elle assure n’avoir exercé aucune pression sur les employés des morgues hospitalières pour qu’ils multiplient les extractions, tout en reconnaissant qu’il y avait parmi eux et les médecins « un certain manque de motivation » pour réaliser cette opération. La rémunération directe des prélèvements, à un tarif fixé entre 5 et 35 F (entre 80 centimes et 5 euros) n’était pas une pratique exceptionnelle, explique-t-elle, et « c’était beaucoup moins d’argent » que pour d’autres tâches réalisées dans les morgues. Non, se défend le médecin, elle ne se souvient pas avoir mélangé des hypophyses saines et d’autres douteuses ; oui, elle a régulièrement rappelé aux hôpitaux les règles à respecter pour les prélèvements. « Tout le monde, à France Hypophyse, essayait de faire de son mieux, plaide-t-elle. Ce n’était pas comme une entité privée où on avait un objectif à atteindre. »
Le biochimiste Fernand Dray, 88 ans, dirigeait l’unité de recherche en immuno-analyse (URIA) de l’Institut Pasteur et était responsable de l’extraction et de la purification de l’hormone. Il est poursuivi pour homicide involontaire et tromperie aggravée, l’accusation soutenant que, dans son laboratoire, « les règles élémentaires de prudence faisaient défaut ». Devant la cour, il précise que, contrairement à ce qu’indiquent certains rapports d’expertise, l’URIA n’était pas « le producteur » de l’hormone. C’est la Pharmacie centrale des hôpitaux (PCH) qui la transformait en médicament et qui était aussi responsable des contrôles – le directeur scientifique de la PCH, Marc Mollet, avait comparu en première instance, il est décédé l’an dernier.
Jusqu’en mai 1985.
Mais, surtout, Fernand Dray souligne le manque de connaissances scientifiques sur les risques de contamination de l’hypophyse à l’hormone. « Il y a une période où on ne savait pas, où on essayait juste d’être le plus efficace en travaillant proprement, a-t-il souligné. Il n’y avait pas de sentiment de dangerosité. » C’est d’ailleurs ce qui a motivé la relaxe en première instance : les juges ont estimé qu’il n’était pas possible d’affirmer que « les pédiatres, biologistes et pharmaciens qui participaient au cycle d’élaboration et de distribution » de l’hormone « avaient conscience, à partir de 1980 (...) d’exposer les malades traités par ce médicament au risque de contamination par la MCJ ».
La « période où on ne savait pas » s’achève en mai 1985, lorsque sont révélés à l’étranger les premiers cas de contamination. De nombreux pays ont alors suspendu la distribution de l’hormone ainsi fabriquée, remplacée par une hormone de synthèse. La France l’a poursuivie jusqu’en 1988.
Plus de 30 témoins et experts doivent venir témoigner au procès, parmi lesquels les prix Nobel Luc Montagnier, Françoise Barré-Sinoussi et Stanley Prusiner, le spécialiste des prions.
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