LE QUOTIDIEN : Qu’est-ce qui vous a donné envie de réaliser le documentaire « Paysans du ciel à la terre » ?
HERVÉ PAYEN : Petit-fils de paysan, je suis toujours resté en contact avec le monde agricole, intéressé notamment par le maraîchage, la permaculture. Travaillant dans l’enseignement, j’ai animé des formations, des cinés-débats. Mais un jour j’ai eu envie de parler des grandes cultures. À petite échelle, on peut agir, mais comment faire pour les immenses surfaces ? C’est à ce moment-là que Philippe Frutier m’a parlé de ses questionnements sur les coulées de boue, qui emportent la terre fertile des champs et font peser une menace sur l’activité agricole.
Nous avons alors décidé de nous lancer dans ce film, pour tenter de comprendre ce que signifient ces coulées, ce qu’elles disent de nos sols. Notre objectif, modestement, était de montrer ce qui se passe dans les sols et de donner la parole à des agriculteurs qui ne s’expriment jamais dans les médias. Pour entendre leur vision de leur travail, sans idée préconçue. Le film est d’ailleurs construit comme une enquête qui avance pas à pas, avec une certaine dose d’ingénuité. Notre souhait n’était pas de prendre un parti.
Justement, les avis et méthodes divergent quant à la façon d’exercer le métier d’agriculteur aujourd’hui. Le sujet est parfois sensible : avez-vous rencontré des difficultés dans le cadre de ce travail ?
Outre le fait que nous n’étions « personne » dans le monde du cinéma, je ne dirais pas que nous avons rencontré des difficultés ! En revanche, nous avons veillé à donner la parole à des intervenants aux pratiques et parcours variés pour conserver l’âme du film, et pour garder notre indépendance. Dans le cadre de l’enquête, de nombreuses personnes avaient des choses à dire sur la vie des sols, sur ce qu’ils font. Or, ce sont généralement des gens qui restent dans l’ombre, qui communiquent peu. Notre défi était de transmettre leur passion, leur savoir-faire.
Pour moi, tout le monde doit tendre vers une agriculture raisonnable. S’occuper de la vie de sols (lire p. 11) est un premier pas, que l’on choisisse la bio ou pas, que l’on se passe totalement d’intrants ou pas. Nous avons essayé de placer le débat sur cette question des sols, pour éviter les querelles de chapelle et parler des solutions.
Certaines rencontres, certains développements vous ont-ils particulièrement surpris ?
L’une des surprises du film se trouve finalement du côté des industries. En effet, nous avons découvert que certaines se mettent à faire elles aussi la promotion de la vie des sols auprès des agriculteurs. Elles payent pour régénérer les sols et sont prêtes à aider les agriculteurs dans cette démarche. Elles ne le font pas pour se donner bonne conscience, mais parce que les terres sont à bout. Si on ne prend pas des mesures pour prendre soin des sols et favoriser leur fertilité, ils ne donneront plus rien. C’est donc l’activité même de ces industries qui est menacée, sans parler des autres conséquences sur les productions.
Il ne faut pas oublier que l’objectif est de produire des aliments sains pour nourrir la population. Les liens entre vie des sols et santé humaine sont incontestables. C’est bien la biodiversité dans les sols qui conditionne non seulement les cultures agricoles, donc notre alimentation, mais également le climat, par les cycles du carbone et de l’eau. Finalement, toute vie humaine sur la planète dépend de la vie de ces micro-organismes : le sol est la clé !
Exergue : "Les liens la vie des sols et la santé humaine sont incontestables"
* Pour en savoir plus sur le documentaire « Paysans du ciel à la terre » : paysansducielalaterre.fr
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