L’immunothérapie est la révolution thérapeutique des cancers des vingt dernières années. Les cancers colorectaux y sont malheureusement peu sensibles, excepté en cas d’instabilité microsatellitaire (statut MSI). Ce statut concerne 15 % des patients avec cancer colorectal localisé et 5 % des patients avec cancer colorectal métastatique. Au vu de la fréquence des cancers colorectaux en France, cette situation n’est donc pas rare.
Les résultats spectaculaires de l’immunothérapie
Chez les patients avec cancer colorectal métastatique, le statut MSI confère une sensibilité à l’immunothérapie, prouvée scientifiquement, avec des résultats spectaculaires, bien supérieurs à ceux de la chimiothérapie (1). Le pembrolizumab est remboursé en France dans cette situation et doit être prescrit dès la première ligne de traitement. Le traitement par l’association de molécules nivolumab-ipilimumab est en cours d’évaluation, avec des résultats préliminaires très prometteurs (2).
Dans les cancers du rectum localement avancés, des essais cliniques montrent une situation proche de la guérison
Chez les patients avec cancer du rectum localement avancé, des essais cliniques montrent un taux élevé de réponse complète, soit une situation proche de la guérison (3). Cependant, l’absence d’essai comparatif et le moindre recul ne permettent pas encore de rembourser les molécules dans cette situation, qui peut être guérie par une chirurgie.
Comment le traitement fonctionne
Le statut MSI indique que la séquence d’ADN contient de nombreuses mutations non corrigées, soit une charge mutationnelle élevée. Les cellules tumorales contenant de nombreuses protéines mutées génèrent des antigènes, qui vont stimuler le système immunitaire.
Une des stratégies de résistance de ces cellules tumorales est d’exprimer à leur surface des molécules inhibitrices, reconnues par les lymphocytes T, qui possèdent les molécules complémentaires à leur surface membranaire. Les traitements actuels d’immunothérapie sont des inhibiteurs de ces points de contrôle immuns. Il en résulte une activation efficace du système immunitaire par les antigènes tumoraux produits par les cellules tumorales MSI.
Cette réactivation de la réponse immune permet d’obtenir une destruction tumorale rapide et efficace.
Quatre protéines MMR
Le statut MSI est le signal, le symptôme génétique d’un défaut d’un système de réparation de l’ADN, ou plus exactement de l’une des quatre protéines chargées de corriger les mutations survenues au cours de la réplication de l’ADN. On parle de protéines mismatch repair (MMR). Le système est dit déficient lorsqu’au moins une protéine est absente (statut MMRd) ou proficient lorsque les quatre sont présentes (statut MMRp).
La recherche du statut MMR se fait par immunohistochimie en anatomopathologie. Lorsqu’une des protéines est absente, il est recommandé d’envoyer un bloc tumoral en biologie moléculaire pour confirmer le statut MMRd histologique par une étude de la stabilité des microsatellites. Si ces séquences répétitives d’ADN non codant ont une longueur fixe attendue, on parle de stabilité des microsatellites (statut MSS). Si les microsatellites s’avèrent de longueur variable, on parle d’instabilité des microsatellites (statut MSI).
Ce défaut du système MMR peut être d’origine sporadique ou germinale. Les cas sporadiques sont souvent liés à des modifications épigénétiques à type d’hyperméthylation d’une des protéines MMR, MLH1. En l’absence d’hyperméthylation de MLH1, une mutation germinale doit être recherchée.
Orientation oncogénétique
Si les analyses orientent vers un statut MSI lié à une mutation germinale, le patient doit bénéficier d’une consultation d’oncogénétique. En cas de confirmation, on fait face à une prédisposition familiale génétique à plusieurs cancers, appelée syndrome de Lynch, qui doit mener à un suivi rapproché notamment sur le plan digestif et gynécologique car les cancers, notamment colorectaux et de l’endomètre, sont très fréquents en cas de syndrome de Lynch avéré.
(1) André T et al. N Engl J Med. 2020 Dec 3;383(23):2207-18
(2) André T et al. ASCO GI 2024, LBA768
(3) Cercek A et al. N Engl J Med. 2022 Jun 23;386(25):2363-76
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