Modèles hépatiques : de la toxicité médicamenteuse à la greffe, de nombreux espoirs

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Publié le 08/09/2020
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Organoïdes hépatiques obtenus après 32 jours de culture par auto-assemblage de cellules iPSChumaines différenciées.

Organoïdes hépatiques obtenus après 32 jours de culture par auto-assemblage de cellules iPSChumaines différenciées.
Crédit photo : © Antonietta Messina, U1193

Les organoïdes hépatiques sont parmi les plus perfectionnés aujourd'hui. Leurs applications potentielles sont prometteuses. « Le foie effectue un nombre incroyable de fonctions : plus de 500 ont été identifiées, indique Anne Dubart-Kupperschmitt, directrice de recherche INSERM. Nous parvenons à reproduire nombre d'entre elles avec les organoïdes à des niveaux plus ou moins proches de la physiologie ».

Toxicité médicamenteuse

Pour maintenir le plus longtemps possible l'organoïde en culture, celui-ci doit être constitué de plusieurs types cellulaires : en premier lieu les hépatocytes qui effectuent les fonctions métaboliques essentielles et les cellules endothéliales indispensables pour l'approvisionnement en nutriments et en oxygène via le milieu nutritif de culture. Peuvent se retrouver également des cholangiocytes qui jouent un rôle dans le drainage de la bile, des cellules étoilées qui interviennent dans le processus de régénération hépatique, et les cellules de Kupffer, ce type de macrophages spécifiques du foie.

Pour évaluer des médicaments, il est intéressant d'inclure tous ces types cellulaires, car la toxicité médicamenteuse peut se manifester à différents niveaux. « Les organoïdes hépatiques sont très intéressants dans cette indication (1), car le foie est l'organe responsable de la détoxification de toutes les drogues », souligne le Pr Jean-Charles Duclos-Vallée, hépatologue au centre hépatobiliaire de l'hôpital Paul Brousse de Villejuif.

Différentes sources cellulaires peuvent être utilisées pour constituer les organoïdes hépatiques : des hépatocytes primaires (les cellules fonctionnelles du foie), certaines lignées cellulaires hépatiques (généralement dérivées de cellules tumorales) ou bien des cellules souches pluripotentes — embryonnaires (ESC) ou induites (cellules iPS).

Du fait de leur constitution par des cellules humaines, les organoïdes représentent des modèles complémentaires aux modèles animaux : « l'activité des molécules et les toxicités peuvent être complètement différentes d'une espèce à l'autre, ce qui est une grande cause d'échec des candidats médicaments », relève la chercheuse.

Des organoïdes hépatiques commencent également à être utilisés pour modéliser des maladies héréditaires comme l'hypercholestérolémie familiale et l'hémophilie B, mais aussi des pathologies hépatiques telles que certaines hépatites médicamenteuses et des maladies métaboliques comme la NAFLD ou le diabète de type 2. « Au-delà d'une meilleure compréhension des mécanismes physiopathologiques des maladies, ces modélisations visent aussi à effectuer des criblages pour identifier de nouvelles cibles thérapeutiques », souligne Anne Dubart-Kupperschmitt.

Bioréacteur

Les organoïdes hépatiques représentent également une alternative potentielle à la transplantation d'organes, même si des obstacles restent à franchir avant d'envisager des essais chez l'homme, notamment en termes sécuritaires. Greffe totale ou aide transitoire pour pallier la défaillance d'un foie malade le temps que celui-ci régénère ou dans l'attente d'une greffe, les organoïdes hépatiques suscitent l'espoir dans un contexte de pénurie de greffons. « Une étude sur des souris modèles d’insuffisance hépatique aiguë a montré que les animaux transplantés avec des cellules hépatiques dérivées de cellules souches pluripotentes survivaient mieux que des animaux non transplantés », rapporte Anne Dubart-Kupperschmitt (2,3).

Le recours à un bioréacteur est également étudié. « Cela consiste à inclure un organoïde hépatique dans un système artificiel d'épuration externe du sang afin d'éliminer les déchets toxiques que le foie défaillant n'est plus capable d'épurer, explique Anne Dubart-Kupperschmitt. Nous travaillons avec une équipe de l'Université technologique de Compiègne sur ce type de minibioréacteur (4), que nous espérons pouvoir tester prochainement chez le rat ».

(1) C. Bell et al., Sci Rep, doi: 10.1038/srep25187, 2016.
(2) Y. Nagamoto et al., J Hepatol, doi: 10.1016/j.jhep.2016.01.004, 2016.
(3) L. Tolosa et al., Stem Cell Res Ther, doi: 10.1186/s13287-015-0227-6, 2015.
(4) M. Pasqua et al., Tissue Eng Part A, doi: 10.1089/ten.TEA.2019.0262, 2020.

C.C.

Source : Le Quotidien du médecin