Un tournant pour les Mici

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Publié le 14/03/2024
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De nombreuses études en cours, de nouvelles molécules attendues prochainement… 2024 marque un tournant dans la prise en charge des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (Mici), au point que la biothérapie est remplacée par la « thérapie avancée », englobant les anticorps monoclonaux et les petites molécules orales comme les anti-JAK.

Les pratiques évoluent rapidement

Les pratiques évoluent rapidement
Crédit photo : VOISIN/PHANIE

Dans la rectocolite hémorragique (RCH), des essais de phase 3 concluants menés depuis 2020 ont conduit à l’obtention d’une AMM européenne pour plusieurs nouvelles molécules. Depuis fin 2023, il est possible de prescrire en France la thérapie ciblée filgotinib, un inhibiteur sélectif de Janus kinase-1 (JAK1). Dans la foulée, l’upadacitinib, inhibiteur des JAK1 et JAK1/3 h, est attendu pour le premier trimestre 2024. Les inhibiteurs JAK1 se distinguent par leur sélectivité accrue par rapport au tofacitinib, un anti-JAK1 et 3. Le périmètre de remboursement de l’ensemble des anti-JAK est prévu en troisième ligne, après échec de deux biothérapies.

Plusieurs nouvelles classes

Seconde famille de molécules prometteuses, les modulateurs des récepteurs de la sphingosine-1-phosphate (S1P, voie orale). « Si son chef de file, l’ozanimod, a reçu un avis défavorable de remboursement par la HAS, l’étrasimod, modulateur sélectif des récepteurs 1, 4 et 5 de la S1P, en cours de développement, a démontré son efficacité dans des essais de phase 3, sur une durée de traitement jusqu’à 52 semaines (UC-Elevate 12-52) (1) », indique le Pr David Laharie (CHU de Bordeaux).

Les premiers remboursements sont déjà effectifs

Quant à la famille des anti-IL-23, parfois appelés anti-p19 en raison de leur affinité pour la sous-unité p19, ils adoptent une approche plus ciblée sur l’interleukine-23, par comparaison avec l’ustékinumab, ciblant la sous-unité p40 commune aux interleukines-12 et 23. « En cours de négociations tarifaires, l’anti-IL-23 mirikizumab devrait être le premier à accéder au marché français, ajoute le spécialiste, suivis par le risankizumab et le guselkumab (déjà indiqués dans le psoriasis et le rhumatisme psoriasique). »

Des essais de stratégie

Au-delà des nouvelles molécules, deux essais du Groupe d’étude thérapeutique des affections inflammatoires du tube digestif (Getaid) sont présentés au cours de ces JFHOD 2024, dont Active, dans la colite aiguë grave. Cet essai auprès de 63 patients a comparé, sur 12 mois, en ouvert, l’infliximab associé à l’azathioprine et l’azathioprine en monothérapie chez des malades corticosensibles. Environ 55 % des patients traités avec la bithérapie ont connu un échec, contre 82 % avec l’azathioprine seule. Cette constatation conduit à envisager l’association infliximab et azathioprine, une approche déjà adoptée chez les patients corticorésistants.

Quant à l’essai interventionnel multicentrique In-Target, il posait la question suivante : quels patients en rémission profonde à un an sous anti-TNFalpha, en l’occurrence le golimumab, peuvent bénéficier d’une désescalade thérapeutique ? Un tiers des patients avec une RCH ont obtenu une réponse clinique continue associée à une rémission endoscopique à un an grâce à un traitement par golimumab optimisé. Après désescalade de celui-ci, 60 % des patients en rémission à un an l’ont maintenue à deux ans.

Un doublement de rémissions

Jusqu’à présent, les options thérapeutiques étaient plus limitées dans la maladie de Crohn (MC), avec deux anti-TNF, l’infliximab et l’adalimumab, ainsi que deux autres biothérapies, le védolizumab et l’ustékinumab. Deux traitements devraient s’ajouter en 2024 : l’upadacitinib et le risankizumab (anti-IL-23 sélectif de la sous-unité p19), attendus pour le second semestre 2024.

L’essai Sequence, présenté aux JFHOD 2024 (2), a évalué le risankizumab versus ustekinumab en seconde ligne de traitement dans la MC modérée à sévère. Le premier objectif, la non-infériorité à la semaine 24, est démontré, tout comme le second : la supériorité à la semaine 48 sur le critère de la rémission endoscopique, avec un taux de 16,2 vs 31,8 % de rémission en faveur du risankizumab, soit le double. « Par conséquent, après un échec des anti-TNF, lesquels resteront en première ligne, Sequence pourrait faire changer les pratiques en faveur du risankizumab, commente le Pr Laharie. L’upadacitinib offrira rapidement une option supplémentaire, lui aussi en seconde ligne. Mais aujourd’hui, les données comparatives en faveur de l’un ou de l’autre font défaut. »

(1) Sandborn WJ et al. Lancet. 2023 Apr 8;401(10383):1159-71

(2) UEGW2023/LB01 Risankizumab versus ustekinumab for patients with moderate to severe Crohn’s disease: results from the phase 3b sequence study


Source : Le Quotidien du Médecin