Au Royaume-Uni, le manque de protection rajoute au stress de la gestion de la crise

Publié le 24/04/2020

Les hôpitaux britanniques semblent gérer l’arrivée de patients graves, sans remplir les hôpitaux de campagne prévus. Les craintes concernent la protection du personnel médical et ses conditions de travail.

Les Britanniques -dont le Premier ministre et le ministre de la Santé ont été contaminés- remercient à leur façon leurs soignants

Les Britanniques -dont le Premier ministre et le ministre de la Santé ont été contaminés- remercient à leur façon leurs soignants
Crédit photo : AFP

La première réaction du gouvernement britannique a été de laisser se répandre le coronavirus pour construire une « immunité collective ». Mais alors que le NHS, le service national de santé, risquait l’implosion, le gouvernement a imposé le confinement à partir du 23 mars. Aujourd’hui, le nombre de personnes testées positives au Covid-19 s’élève à plus de 120 000 et le gouvernement rapporte plus de 16 000 morts au sein des hôpitaux. Sous pression, 44 % des médecins disent souffrir de dépression, d’anxiété, de stress ou de burn-out selon une enquête menée par la British Medical Association (BMA). Le personnel médical s’inquiète aussi du manque d’équipement de protection individuelle (EPI). Selon une autre enquête lancée auprès de 2 000 médecins hospitaliers, plus de 55 % des répondants se sentent souvent ou parfois pressés d’être impliqués dans des « procédures génératrices d’aérosols » risquées, sans protection adéquate.

Protections improvisées et hôpitaux de campagne

Les médecins se plaignent aussi d’une confusion concernant les lignes de conduites officielles. « Les recommandations varient en fonction du matériel à disposition, reproche Robert Hirst, médecin au service des soins intensifs de Bristol et porte-parole de la Doctors’ Association United Kingdom. Alors que ces protections sont à usage unique, on nous a reproché de les gaspiller. » Le Collège royal des chirurgiens et le Conseil médical général ont insisté sur le fait qu’il ne fallait pas soigner de patients sans les équipements requis, mais nombreux sont les praticiens à adapter leur pratique à ce qu’ils ont sous la main. « Certains se procurent leur propre EPI et des structures comme des écoles nous ont fourni des équipements supplémentaires », poursuit Robert Hirst.

En revanche, le Royaume-Uni semble gérer l’arrivée des patients malades du coronavirus. Pour soulager la charge des établissements médicaux, sept hôpitaux de campagne ont été créés à travers le pays, mais les services de soins intensifs semblent aujourd’hui en mesure de répondre aux besoins. L’hôpital londonien construit en neuf jours dans le centre de conférence Excel n’accueillait mi-avril que 19 patients, alors que près de 4 000 lits sont à disposition. « On ne sait pas encore si ces hôpitaux serviront à quelque chose mais au début de la crise, un manque de 10 000 lits pour soins intensifs avait été identifié, rappelle le médecin. Il valait mieux se préparer pour cette éventualité. » À la connaissance du porte-parole, les médecins n’ont pas eu de choix à exercer entre les patients à soigner, le triage restant le même qu’en temps normal.

Un manque criant de tests

Concernant la pratique, il n’y a pas eu de changement dans les recommandations, si ce n’est la nécessité pour le personnel de se protéger, notamment dans le cas de réanimation. « Au début, nous avions des interrogations sur le fait d’intuber les malades de façon précoce ou d’utiliser plutôt des masques Cpap, poursuit le médecin. Nous orientons maintenant nos soins de façon plus efficace sans recourir aux techniques les plus lourdes, ce qui évite de tomber en pénurie. »

Le manque de tests au Royaume-Uni est un autre frein au travail des équipes médicales. Tout professionnel présentant les symptômes du virus ou ayant été en contact avec quelqu’un présentant ces symptômes doit s’isoler pour une période de 7 à 14 jours. « Il faut que le dépistage du personnel médical progresse, recommande le Dr Susie Bayley, directeur médical du groupe des généralistes de la région du Derbyshire, dans une publication de la BMA. Il y a beaucoup de personnes en arrêt qui n’ont pas le virus et qui n’ont pas besoin de se mettre en quarantaine. Tester ces personnes pour les remettre au travail soulagerait les équipes. »

 

Correcpondance, Chloé Goudenhooft

Source : Le Quotidien du médecin