LES NÉGOCIATIONS conventionnelles sur le secteur optionnel, bloquées depuis juillet dernier, ont peut-être abordé un tournant décisif. Alors que la loi de financement de la Sécurité sociale 2012 autorise désormais le gouvernement à traiter cette question par voie réglementaire (à défaut d’accord conventionnel, le ministère a jusqu’au 23 mars pour prendre un arrêté imposant un secteur optionnel a minima), les syndicats médicaux, l’assurance-maladie et les complémentaires santé ont enfin repris langue sur ce sujet, laissant entrevoir à nouveau la possibilité d’un compromis.
Flou sur les revalorisations.
Plusieurs faits nouveaux sont intervenus lors de la dernière réunion.
Le directeur de l’assurance-maladie, Frédéric van Roekeghem, a mis sur la table une augmentation des tarifs opposables des chirurgiens et des obstétriciens de secteur I. À quelle hauteur ? Aucun chiffre n’a été donné en séance même si, de source syndicale, la hausse des tarifs pourrait atteindre 10 % pour une période de trois ans (le temps de rodage du secteur optionnel). Quid des tarifs des anesthésistes (la troisième spécialité concernée par l’accord sur le secteur optionnel) ? Leur situation est moins urgente que celle des chirurgiens et des obstétriciens, a expliqué en substance le patron de l’assurance-maladie au « Quotidien » à l’issue de cette réunion.
De son côté, l’Union nationale des organismes complémentaires santé (UNOCAM, qui réunit les trois familles du secteur - mutuelles, institutions de prévoyance et assurances privées) - a posé
« trois conditions » fermes pour un éventuel accord. La première était, précisément, une revalorisation des tarifs opposables des chirurgiens et des obstétriciens, condition qui serait dès lors remplie. La seconde requête est un plafonnement strict des dépassements de secteur II. La troisième demande est la garantie écrite que la liberté contractuelle des organismes complémentaires sera préservée dans tous les cas, ce qui, pour l’UNOCAM, nécessite une modification législative. Dans cette hypothèse, chaque mutuelle, assurance, ou institution de prévoyance garderait la liberté de rembourser les nouveaux compléments d’honoraires encadrés (sans risque de sanction financière ou fiscale).
À ce stade des discussions, le périmètre du secteur optionnel n’a pas changé : il serait réservé aux praticiens de plateaux techniques de secteur II et aux médecins « titrés » de secteur I (dans ces mêmes spécialités). Quant au taux de dépassement autorisé (50 % des tarifs remboursés), il deviendrait évidemment plus avantageux si les tarifs chirurgicaux opposables sont relevés, observe avec malice un leader syndical.
La CNAM veut contourner l’Ordre.
Ce n’est pas tout. Pour donner des gages aux complémentaires et aux assurés, la CNAM a lancé une offensive sur le thème de l’efficacité des sanctions contre les praticiens de secteur II qui pratiquent des dépassements excessifs. Le directeur a demandé que les spécialistes qui bafouent la règle « du tact et mesure » puissent être pénalisés conventionnellement. Aujourd’hui, la CNAM doit attendre le signalement (très rare) de l’Ordre des médecins avant de sanctionner une dérive tarifaire. « Le dispositif est inopérant ou très lent », explique Frédéric van Roekeghem au « Quotidien ». En clair, la CNAM veut se passer du signalement ordinal et riposter directement lorsqu’elle constate qu’un spécialiste ne respecte pas la règle du tact et mesure, au sens du conseil d’État (dépassements excessifs au regard de la notoriété du praticien, de la technicité de l’acte, de la situation sociale du patient mais aussi de la moyenne régionale constatée...). Quelles sanctions ? « On peut imaginer une sanction financière allant jusqu’au déconventionnement temporaire ou total », nousprécise le patron de la CNAM.
Une nouvelle réunion tripartite est programmée vendredi matin. Les partenaires peuvent-ils s’entendre ? « Cela dépendra beaucoup des complémentaires, analyse Frédéric van Roekeghem, qui estime avoir fait sa part du chemin. Moi je joue la possibilité d’un accord au début du mois de février ».
Prudence.
Du côté des syndicats médicaux, la prudence est de mise. « Il y a de nouveau un espace de négociation », diagnostique le Dr Chassang.Sanctionner les entorses au tact et mesure ? « Nous ne sommes pas contre », déclare-t-il, sous réserve de la négociation des modalités. La réunion de vendredi devrait aborder cette question sensible.
Quant à l’engagement des complémentaires à solvabiliser les nouveaux dépassements, la CSMF et le SML se rangent à l’idée que le secteur optionnel (pour les praticiens) puisse aussi être...optionnel pour les complémentaires. De toute façon, souligne le Dr Chassang, « le bloc des complémentaires s’est fissuré entre d’un côté le CTIP (institutions de prévoyance) et la FFSA (assurances privées) et de l’autre la Mutualité française ». Certains syndicats étaient même prêts à signer un accord avec une partie des complémentaires (FFSA, CTIP et certaines mutuelles). Mais l’assurance-maladie juge indispensable le paraphe de la Mutualité, qui représente la quasi-totalité des mutuelles santé. « Pour que ça marche, il faut un accord large », résume Frédéric van Rœkeghem.
Rien n’est acquis. Au Syndicat des médecins libéraux (SML), on parle de « climat sérieux avec des acteurs souhaitant manifestement tous aboutir ». Mais le syndicat prévient qu’il n’acceptera « jamais le plafonnement du secteur II ». À la Fédération des médecins de France (FMF), on déplore l’absence de proposition pour revaloriser les actes d’urgence. À noter enfin que la délégation de la FMF abritait un représentant du BLOC (syndicat non-signataire de la convention et non invité aux négociations), le Dr Xavier Gouyou Beauchamps. Ce dernier n’a pas été convaincu par la tournure des discussions. « On ne règle toujours pas la question de l’injustice tarifaire entre les différents spécialistes du bloc opératoire. Et 10 % de hausse de certains tarifs, ce ne serait même pas un début de rattrapage ! ».
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