« Les patients et les professionnels de santé continuent d'être exposés à un gaz dont on sait désormais qu'il est dangereux à de multiples égards (…), la plupart des interventions chirurgicales actuelles impliquant au moins un instrument ou un implant stérilisé à l’oxyde d’éthylène (EO) », écrit une équipe brestoise dans une lettre (1).
Ce gaz est cancérogène, mutagène, reprotoxique et neurotoxique selon la dose. L'Agence européenne des produits chimiques classe l’EO comme substance extrêmement préoccupante. « Je m’inquiète pour les personnes au contact quotidien de ces stocks, en particulier si une femme enceinte devait être affectée à un tel poste », confie le Pr Douraied Ben Salem, neuroradiologue au CHU de Brest.
Qu’une femme enceinte puisse travailler au contact quotidien de ces stocks m’inquiète particulièrement
Pr Douraied Ben Salem, neuroradiologue au CHU de Brest
Au-delà des seuils recommandés
Des réactions allergiques rares mais graves ont été signalées après exposition répétée chez des patients et des professionnels de santé. Par ailleurs, « une exposition cumulée à l'EO de 3 650 mg/l et par jour – équivalent à dix ans d’exposition à un taux journalier de 1 mg/l – est associée à une multiplication par plus de trois de la mortalité par cancer du sein chez les professionnels », poursuit-il.
Selon le neuroradiologue, la surveillance de l'air ambiant indique que le personnel peut être exposé à des concentrations d'EO pondérées dans le temps d'environ 0,23 à 0,56 mg/l lors de la manipulation de dispositifs récemment stérilisés, dépassant la limite d'exposition recommandée de 0,1 mg/l sur dix heures. « Une exposition aiguë provoque une irritation respiratoire, dont les symptômes sont observés à des concentrations aussi faibles que 5 mg/l », souligne-t-il.
Des neuropathies chez les soignants
Des effets neurologiques, notamment une neuropathie périphérique, ont été observés après une exposition chronique supérieure à 0,5 mg/l, selon l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS Santé et sécurité au travail).
En 1995, lors du 47e congrès de l’Académie américaine de neurologie à Seattle, une équipe de professeurs de médecine a présenté des cas d’école : « 12 infirmières et techniciens de bloc opératoire ayant développé des symptômes après une exposition de cinq mois à des niveaux élevés d'EO et de CE (sous-produit de l’EO, NDLR) sur des blouses chirurgicales jetables » (2).
Le chlorhydrine d'éthylène (CE) est hautement toxique. « Tous les patients ont signalé une éruption cutanée au poignet au contact des blouses, des maux de tête et un engourdissement des mains avec faiblesse, expliquent les médecins dans leur article. Dix patients sur 12 se sont plaints de pertes de mémoire. L'évaluation neurologique a révélé une neuropathie à l'examen chez neuf sur 12, un seuil de vibration élevé chez quatre sur neuf, un seuil de pression anormal chez 10 sur 11, une atrophie à l'IRM cérébrale chez trois sur 10 et une neuropathie aux examens de conduction chez quatre sur 10 ».
La biopsie du nerf sural chez le patient le plus gravement atteint a révélé une lésion axonale. Alors que les patients ont présenté des signes de dysfonctionnement périphérique et du système nerveux central (…), les mécanismes possibles de neurotoxicité pourraient être une exposition directe des nerfs périphériques par absorption cutanée et l'atteinte centrale par inhalation et dissémination vasculaire.
(1) J. Ognard et al. Diagnostic & Interventional Imaging, 5 mai 2025. DOI : 10.1016/j.diii.2025.05.002
(2) Brashear A et al., Neurology, 1996 ;46(4):992-8
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