Manque de professionnels formés, démarches administratives trop complexes pour les familles, absence de compétences médicosociales dans les écoles… En dépit d'améliorations récentes, le parcours des familles d'enfants atteints de troubles du neurodéveloppement (TND) reste semé d'embûches, selon un rapport d'information rendu public par la commission des affaires sociales, et dirigé par les sénateurs Jocelyne Guidez (UC, Essonne), Laurent Burgoa (LR, Gard) et Corinne Féret (SER, Calvados).
Ce rapport entend guider le gouvernement alors qu'il doit bientôt annoncer une nouvelle étape de la stratégie nationale pour l’autisme et autres TND. Pour les sénateurs, l’extension de cette politique publique à l’ensemble des TND « se heurte à des difficultés bien identifiées auxquelles il faut enfin se donner les moyens de répondre » : crise de la démographie médicale, offre médico-sociale insuffisante, articulation avec l’Éducation nationale et difficultés des familles à faire reconnaître le handicap.
Une stratégie 2017-2022 à poursuivre
Les auditions ont permis de dresser un bilan de la stratégie 2017-2022. Cette dernière a notamment permis la mise en place de plateformes de coordination et d’orientation (PCO) et réunissant des acteurs tels que des professionnels libéraux, des structures sanitaires et médico-sociales autour d’une convention constitutive les invitant à structurer et organiser l’accompagnement des enfants porteurs de TND.
Selon les sénateurs, ces plateformes (une par département depuis le début de 2023) constituent une réelle avancée et permettent une intervention pluridisciplinaire immédiate dès le repérage des premières difficultés du jeune enfant de moins de 6 ans. Toutefois, le déploiement de plateformes dédiées aux enfants de 7 à 12 ans semble plus complexe. La première difficulté est le manque de certains spécialistes, et en particulier d'orthophonistes. Ensuite, les tarifs proposés aux professionnels libéraux dans le cadre des conventions avec les plateformes sont, selon les sénateurs, très peu attractifs.
L'autre nouveauté introduite par la stratégie 2017-2022 est le forfait d’intervention précoce, dont l'objectif est d’identifier le plus tôt possible les TND afin d’initier une prise en charge et des bilans qui conduiront à un diagnostic. Les sénateurs estiment toutefois qu'à l'issue de ce forfait, les patients se retrouvent pris dans un goulot d'étranglement induit par l'engorgement des dispositifs tels que les centres d'action médico-sociale précoce, les centres médico-psycho-pédagogiques, les Sessad, etc. Les sénateurs plaident donc pour un élargissement de ce forfait (montant, durée, bénéficiaires), ce qui ne pourra se faire sans une négociation conventionnelle entre l’Assurance-maladie et les professionnels de santé.
Ainsi, les sénateurs critiquent les difficultés administratives d'accès aux maisons départementales pour les personnes handicapées (MDPH), victimes de complexités administratives et de délais d’instruction anormalement longs. « Plus de la moitié des familles n’auraient pas accès à leurs droits, soit par renoncement à la démarche, soit par incapacité à compléter le dossier », précisent les sénateurs, rappelant toutefois les améliorations en vue. À partir de 2024, les personnes s’adressant à la MDPH pour la première fois seront assurées d’avoir un rendez-vous initial avec un interlocuteur dédié et formé. À ce sujet, ils formulent un certain nombre de propositions visant à homogénéiser le traitement des dossiers, et à mettre en place des aides administratives pour remplir les dossiers.
12 recommandations
Pour améliorer la situation, les sénateurs formulent 12 recommandations, à commencer par la poursuite d'une stratégie visant à prendre en charge tous les
TND, mais aussi le développement des réseaux de périnatalité d’aval dans toutes les régions ainsi que l'élargissement du suivi à tous les enfants nés avant 37 semaines d’aménorrhée.
Les sénateurs estiment également que l'État doit élaborer une politique de recueil des données. Pour l'instant, les données relatives à la prévalence « sont extrapolées à partir d’études internationales, les données des maisons départementales pour les personnes handicapées, des centres d'action médico-sociale précoce ou encore des services du ministère de l’Éducation nationale sont peu ou pas exploitées ».
Pour les sénateurs, le modèle des PCO doit être pérennisé et sa volumétrie adaptée à la prévalence des TND. En l'occurrence, ils estiment qu'il faudrait doubler le nombre de places dans les plateformes dédiées aux enfants de moins de 6 ans.
Ils proposent aussi de former spécifiquement au repérage et à la prise en charge des TND les professionnels de la petite enfance et de l’Éducation nationale. « Ce point pourrait être intégré dans les conventions entre ARS et rectorats », ajoutent les sénateurs, qui évoquent des échanges et des formations conjointes entre les enseignants, les AESH et les professionnels médico-sociaux pour « faire culture commune ». Ils proposent aussi l’installation de plateaux techniques médico-sociaux dans les établissements scolaires, en profitant de l’actuelle baisse de la démographie scolaire pour libérer des locaux, ou à l’occasion de la construction de nouveaux établissements. Toutes ces mesures visent à améliorer la capacité des enfants en situation de handicap à suivre une scolarité dans un établissement classique.
S’occuper enfin des adultes !
Si la prise en charge des enfants a fait l'objet d'une stratégie dédiée, ce ne fut pas le cas de celle des adultes qui doivent, selon les sénateurs, faire l'objet d’un rattrapage à l’occasion de la prochaine stratégie.
Les TND concernent près de 100 000 enfants par an. Parmi ces troubles, le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) est l'un de ceux dont la prévalence est la plus importante, il concerne entre 3 % et 6 % des enfants, les troubles dys concerneraient 4 à 5 % d’une classe d’âge.
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