DE NOTRE CORRESPONDANTE
CAUSE MAJEURE de cécité, la rétinopathie débute par une perte de vaisseaux sanguins dans la rétine ; celle-ci, privée d’oxygène, envoie alors des signaux qui stimulent une angiogenèse rétinienne pathologique, avec des vaisseaux malformés et trop nombreux. Cette néovascularisation est la principale manifestation destructrice dans la rétinopathie diabétique, la rétinopathie du prématuré, et dans la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) humide.
Les acides gras oméga-3, hautement concentrés dans la rétine, sont souvent insuffisants dans l’alimentation occidentale, déséquilibrée en faveur des acides gras oméga-6.
Réduction de la néovascularisation rétinienne.
L’équipe du Dr Lois Smith (Harvard Medical School, Boston) démontrait il y a trois ans qu’une alimentation enrichie en acides gras oméga-3 (DHA et EPA), comparée à une alimentation riche en oméga-6, réduisait de 50 % la néovascularisation rétinienne dans un modèle murin de rétinopathie induite par l’oxygène. Ce bénéfice était médié en partie par une production diminuée de la cytokine inflammatoire TNF-alpha dans la rétine.
Pour mieux comprendre l’effet protecteur antiangiogénique des oméga-3, Sapieha, Smith et coll. ont cherché à savoir quelles voies lipidiques en sont responsables. Leur étude, publiée dans « Science Translational Medicine », éclaire le mécanisme sous-jacent.
Les chercheurs ont étudié quatre lignées de souris K. O., chacune étant déficiente en une des quatre enzymes clé du métabolisme lipidique (cyclooxygénase 1 ou 2, ou lipoxygénase 5 ou 12/15), afin de voir si elles sont protégées par un régime riche en oméga-3 contre la rétinopathie induite par l’oxygène.
Le déficit en 5-lipoxygénase (5-LOX) uniquement abolit la protection des oméga-3 contre la rétinopathie.
Les chercheurs montrent que l’effet protecteur des oméga-3 est dû à l’oxydation de l’acide docosahexaénoïque (ou DHA, trouvé dans les algues et les poissons gras) par l’enzyme 5-LOX, qui produit le 4-HDHA (4 hydroxy-docosahexaénoique).
Ils montrent aussi que le métabolite 4-HDHA inhibe directement la prolifération des cellules endothéliales et l’angiogenèse bourgeonnante, à travers son activation du récepteur PPAR-gamma (Peroxisome Proliferator-Activated Receptor gamma) et indépendamment de ses effets anti-inflammatoires.
Des implications cliniques dans les rétinopathies et le cancer.
« Notre étude suggère que les acides gras polyinsaturés oméga-3 pourraient être utilisés en supplément ou en alternative au traitement actuel par anti-VEGF (Vascular Endothelial Growth Factor) dans la rétinopathie proliférative, et souligne le potentiel thérapeutique des acides gras oméga-3 et de ses métabolites dans d’autres maladies avec prolifération vasculaire comme le cancer », concluent les chercheurs.
Les oméga-3 offriraient une alternative avantageuse étant donné leur moindre coût, 10 $ par mois, comparé à jusqu’à 4 000 $ par mois pour un traitement par injections intra-oculaires de VEGF.
L’étude suggère en outre que les inhibiteurs de la cyclooxygénase (COX) tels que l’aspirine et l’ibuprofène, mais non les inhibiteurs de la 5-lipooxygenase, pourraient être utilisés par les patients sans perdre le bénéfice antiangiogénique des acides gras oméga-3. C’est important pour les patients diabétiques, ou les sujets âgés atteints de DMLA, qui sont souvent traités par aspirine en prévention de la maladie cardiaque.
Une étude multicentrique randomisée de phase III (AREDS2), conduite par le National Eye Institute en collaboration avec le Dr Smith, évalue actuellement une supplémentation orale par oméga-3 en traitement de la DMLA. L’étude évaluera également l’utilisation de l’aspirine et des AINS, et se poursuivra jusqu’en 2013. Une précédente étude rétrospective (AREDS1) avait suggéré qu’un apport élevé en poisson était associé à un plus faible risque de DMLA.
De plus, une autre étude clinique évalue les acides gras oméga-3 chez les prématurés, qui sont souvent déficients en oméga-3 et développent une rétinopathie.
Enfin, l’étude démontre que l’enzyme 5-LOX agit en activant le récepteur PPAR gamma, le même récepteur ciblé par les thiazolidinediones antidiabétiques et insulinosensibilisants. L’AMM de la rosiglitazone a été suspendue en France et en Europe en septembre 2010, en raison d’importants risques cardio-vasculaires. Puisque les acides gras oméga-3 abaissent le risque de maladie cardio-vasculaire, ils pourraient offrir une alternative aux agonistes PPAR-gamma pour améliorer la sensibilité à l’insuline chez les patients diabétiques ou prédiabétiques. « Une étude clinique est nécessaire dans le diabète », estime le Dr Lois Smith.
Science Translational Medicine, 9 février 2011, Sapieha et coll.
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