PAR LE Pr JEAN-PIERRE LAVIEILLE*
LES PROTHESES implantables de l’oreille moyenne, ou implants d’oreille moyenne (IOM), sont des aides auditives implantables, dont l’interface acoustique avec le patient est mise en place chirurgicalement. Elles diffèrent en cela des prothèses conventionnelles qui comportent un haut-parleur dans le conduit auditif externe et des implants cochléaires qui vont stimuler les fibres du nerf auditif par la mise en place d’électrodes dans la cochlée. Les IOM comportent un système vibratoire fixé directement sur la chaîne ossiculaire pour transmettre une stimulation acoustique à l’oreille interne de façon physiologique.
Historiquement, les IOM ont été proposés dans les surdités neurosensorielles modérées à sévères de type presbyacousie en cas de bénéfice insuffisant des appareils classiques. Leur cahier des charges comprend évidemment une amélioration de la perception sonore par rapport aux prothèses classiques, avec un implant bien toléré, sans morbidité chirurgicale ou auditive, avec un coût acceptable.
Deux systèmes vibratoires.
Tous les IOM, comme les appareils auditifs, comportent un microphone, une batterie (ou piles), un processeur de traitement des sons. La transduction sonore utilise un vibrateur qui est fixé au système tympano-ossiculaire (figure 1a et figure 2). Deux systèmes vibratoires existent :
– dans les implants électromagnétiques, un barreau aimanté est placé dans une bobine électrique. Il se déplacera en va-et-vient en fonction du champ électromagnétique créé par le passage du courant alternatif dans la bobine (figure 1b) ;
– dans les implants piézoélectriques, un cristal soumis à un courant électrique se déforme et induit donc une vibration. Réciproquement, la déformation du cristal produit un courant électrique.
Certains IOM sont semi-implantables car ils comportent un processeur externe qui comprend le microphone, le processeur et la batterie (figure 1c). Il est maintenu dans les cheveux en regard de l’antenne de l’implant proprement dit par un aimant. Le signal microphonique du processeur externe est transmis au processeur interne par induction à travers la peau. Deux IOM de type électromagnétique sont semi-implantables : le Vibrant Soundbridge (VSB) de Vibrant Medel et le MET de Otologics. Ils permettent un « up-grading » du processeur en fonction des avancées technologiques et une maintenance aisée avec une bonne fiabilité.
Deux IOM sont totalement implantables : Carina de Otologics (électromagnétique) et Envoy de Esteem (piézo-électrique). La batterie, le microphone et le processeur sont directement inclus dans l’implant (figure 3). Ces deux systèmes sont encore en cours d’évaluation clinique, en particulier pour la batterie et le microphone.
Avantages et inconvénients.
Avantages des IOM : le conduit auditif externe (CAE) est libre, ce qui supprime l’effet d’occlusion, les complications cutanées (eczéma…), l’effet larsen et les distorsions parfois liés aux embouts des prothèses classiques. On peut utiliser les IOM dans les cas de sténose, malformation, ou absence du CAE. L’amplification des fréquences aiguës est améliorée, ce qui améliore l’intelligibilité de la parole.
Inconvénients : ils comprennent le risque anesthésique et le risque chirurgical d’atteinte de l’audition et de l’oreille moyenne. Le coût reste important, sans prise en charge actuellement. Une panne, une mobilisation de l’implant peuvent imposer une chirurgie de révision ou de changement de l’IOM. Les examens par IRM sont contre-indiqués après IOM, du fait de la présence d’aimant dans l’implant.
Indications.
Les IOM ont deux grands domaines d’indications :
– les surdités de perception comme la presbyacousie, en cas de contre-indication au port d’une aide auditive (atteinte du CAE), de refus (esthétique, social ou professionnel), ou en cas de bénéfice insuffisant d’une aide conventionnelle. Ces indications ont été très développées depuis dix ans et sont actuellement en recul devant les progrès techniques et esthétiques des aides auditives récentes. Les surdités touchant surtout les fréquences aiguës (audiogramme en pente de ski) restent une excellente indication des IOM après essai infructueux des aides classiques ;
– les surdités de transmission ou mixtes, par atteinte du CAE, de l’oreille moyenne et du système tympano-ossiculaire. Certaines de ces surdités ne peuvent être corrigées par les appareils classiques ou à ancrage osseux (BAHA) ni par la chirurgie otologique.
Ce nouveau concept de traitement des surdités par stimulation vibratoire active de l’oreille moyenne (Vibroplastie) semble être le plus prometteur car il permet de réhabiliter une surdité sans solution conventionnelle. Il permet de courcircuiter le CAE, le tympan voire la chaîne des osselets pour apporter l’énergie vibratoire acoustique directement aux liquides de l’oreille interne. On peut ainsi placer le transducteur sur l’enclume par voie mastoïdienne en cas de sténose acquise ou d’agénésie du CAE ou sur l’étrier ou une prothèse d’osselet en cas de chaîne ossiculaire interrompue ou malformée. Le vibrateur peut être placé directement dans la fenêtre ronde en cas de chaîne ossiculaire absente. L’indication est posée sur l’audition en conduction osseuse. Les séquelles auditives d’otite chronique ou d’otospongiose opérées de manière itérative peuvent être ainsi enfin corrigées avec de bons résultats.
Les résultats.
Plusieurs études ont mis en évidence une morbidité opératoire quasi nulle et un résultat auditif stable dans le temps, en particulier depuis dix dans la presbyacousie pour le VSB, et les surdités sévères pour le MET. Des études françaises ont démontré le bénéfice obtenu par les IOM par rapport à une aide auditive utilisant le même processeur, avec une amélioration de la discrimination vocale. Les premiers résultats dans les surdités de transmission ou mixtes sans solution actuelle sont très prometteurs mais doivent validés à plus long terme. Les investigations sont en cours dans les aplasies d’oreille, dans le but de corriger la surdité en diminuant la morbidité et les échecs des reconstructions chirurgicales classiques. Le VSB vient ainsi d’obtenir le marquage CE pour les enfants.
En conclusion, les implants d’oreille moyenne sont une technologie récente et efficace de correction des surdités d’étiologie différentes. Les risques potentiels opératoires et de fiabilité au long cours semblent faibles après une dizaine d’années d’expérience. Leurs bénéfices sont déjà validés, en particulier dans la presbyacousie. La correction des surdités de transmission malformatives ou postchirurgicales semble être un champ d’indication large, chez des patients sans alternative thérapeutique. Un IOM totalement implantable fiable et performant est, bien sûr, le but recherché pour une utilisation permanente (douche, baignade, etc.), une dissimulation et un confort parfaits.
* CHU Marseille.
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