« Cet outil vise un objectif similaire à celui d'un thermomètre - permettre aux parents de surveiller les symptômes de leur enfant au fil du temps et les guider sur les mesures à prendre pour leur enfant. Il pourrait être ainsi utile pour éviter une visite superflue chez le médecin. Pour les professionnels de santé, cet outil pourrait être pratiqué en plus de l'examen clinique pour décider de prescrire ou non des antibiotiques », explique au « Quotidien » Justin Chan, ingénieur en informatique a l’université de Washington à Seattle, et premier signataire de l’étude publiée dans la revue Science Translational Medicine.
« Notre application fonctionne déjà en temps réel sur un smartphone et nous prévoyons d'obtenir l'approbation de la FDA (Food and Drug Administration) d’ici la fin de l'année. Nous avons fondé une entreprise de soins de santé, Edus Health, qui s’appliquera à former des partenariats avec des organismes de santé en particulier dans les pays en voie de développement pour s’assurer que notre technologie ait une portée mondiale. »
Poser le diagnostic via un androïde
« Etant donnée l’omniprésence des smartphones, la conception de cet outil de dépistage précis peut changer la donne pour les parents, ainsi que pour les professionnels de santé dans les régions aux ressources limitées. Un atout majeur de notre technologie est qu'elle ne nécessite aucun matériel supplémentaire à l'exception d'un morceau de papier et d'une application logicielle installée sur le smartphone», souligne dans un communiqué le Pr Shyam Gollakota, ingénieur en informatique à l’université de Washington à Seattle, qui a co-dirigé ce travail.
La présence de liquide dans l’oreille moyenne est le principal marqueur diagnostique dans l’otite moyenne aiguë et l’otite séreuse, les deux affections pédiatriques de l’oreille les plus fréquentes. Ces 2 otites sont diagnostiquées par l’otoscope pneumatique, qui n’est utilisé que par 7 à 33% des médecins traitants, ou bien par tympanométrie, un examen réalisé par l’audiologue et nécessitant un équipement coûteux.
«Nous voulions développer une technologie utilisable par tous sur le terrain », explique Chan. La solution offerte par l’équipe: utiliser le haut-parleur et le microphone du smartphone pour détecter le liquide de l'oreille moyenne en évaluant la mobilité du tympan.
« Notre but est de révéler avec un smartphone la présence de liquide dans l'oreille moyenne qui s’accumule lors des infections de l'oreille. Notre logiciel envoie un signal acoustique dans le canal auditif avec l’aide d’un petit entonnoir en papier. En fonction de la présence de fluide dans l'oreille, le tympan vibre différemment et les réflexions sonores captées par le microphone du smartphone sont différentes. » L’application utilise l’apprentissage automatique pour classifier les signaux sonores renvoyés au téléphone et détecter la présence de liquide.
Une précision diagnostique de 85 %
L’équipe a d’abord entrainé l’algorithme dans une étude clinique sur 98 oreilles de patients (âgés de 9 mois à 17 ans) dans un centre chirurgical pédiatrique de Seattle. La moitié de ces patients subissaient la pose d’un drain transtympanique, une opération courante chez les enfants ayant une otite séromuqueuse chronique ou une otite moyenne aiguë récurrente; l’autre moitié subissait une ablation des amygdales sans aucun symptôme auriculaire.
Peu avant la chirurgie, avec le consentement des parents, tous les patients étaient testés avec deux modèles de smartphones (iPhone 5S et Galaxy S6) et les appareils acoustiques conventionnels. Dans un deuxième temps, la performance de l’algorithme a été évaluée sur une autre cohorte d’enfants plus jeunes, agés au maximum de 18 mois (n=15 oreilles de patients) .
« Nos résultats montrent que ce test sur smartphone a une précision de 85% (sensibilité de 85%, spécificité de 82%), ce qui est comparable aux résultats observés avec des outils non invasifs comme l'otoscope pneumatique et la tympanométrie utilisés par les spécialistes », précise Chan. Enfin, de façon importante, lorsque le test sur smartphone est réalisé par les parents des enfants (n=25 oreilles), la performance est tout aussi bonne qu’avec des cliniciens entrainés. En outre, le signal acoustique du smartphone, très similaire à un léger gazouillement, faisait sourire ou rire de nombreux enfants.
« La capacité de savoir avec quelle fréquence et depuis combien de temps le liquide est présent dans l’oreille pourrait nous aider à prendre les meilleures décisions avec les patients et les parents. Cela pourrait également aider les médecins à savoir quand il faut orienter vers un spécialiste », souligne le Dr Randall Bly (otolaryngologie-chirurgie de la tête et du cou au Children's Hospital de Seattle).
J. Chan et al., Science Translational Medicine, 10.1126/scitranslmed.aav1102, 2019
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