BPCO et asthme : oui au repérage précoce en population

Par
Publié le 07/06/2024
Article réservé aux abonnés

Les patients atteints d’asthme et de BPCO sont encore trop peu diagnostiqués. Une étude canadienne, publiée dans le NEJM, montre les bénéfices d’une bonne prise en charge, en particulier lorsqu’elle est réalisée par des spécialistes.

Crédit photo : GARO/PHANIE

Encore aujourd’hui, de nombreux adultes souffrant d’asthme ou de BPCO ne sont pas diagnostiqués, leurs symptômes respiratoires restant largement non traités. Or, repérer ces sujets au sein d’une communauté et traiter ces patients nouvellement diagnostiqués, améliore leur fonction respiratoire et leur qualité de vie. C’est ce qu’a confirmé une étude canadienne, étude UCAP, dont les résultats étaient présentés lors de l’ATS simultanément à leur publication dans le NEJM (1, 2). Cet essai montrant d’ailleurs qu’une prise en charge en pneumologie, faite par un pneumologue ainsi qu’un éducateur asthme ou BPCO, fait mieux qu’une prise en charge standard, en médecine générale (MG). Leurs paramètres respiratoires s’améliorent plus et les patients font moins d’évènements, ce qui induit une réduction de recours aux soins.

Repérage en population sur symptômes respiratoires puis spirométrie

Cet essai, mené en en 2017-2023, a impliqué 17 sites canadiens. Les auteurs sont partis d’une liste commerciale pour contacter les adultes vivants dans les 50 km autour de ces sites. Le recrutement initial s’est fait sur contact téléphonique. Les répondants ont été soumis à des questionnaires explorant leurs symptômes respiratoires. Ceux ayant un score supérieur à 6 dans le questionnaire ASQ (asthma screening questionnaire, scores 0 à 20) et ceux ayant un score supérieur à 20 dans le questionnaire BPCO (CODP diagnostic questionnaire, scores 0 à 38) ont ensuite été conviés à une spirométrie.

Au total, 508 adultes présentant un asthme (250 patients) ou une BPCO (258 patients), non précédemment diagnostiqués, ont été identifiés. Ce sont des sujets de 63 ans d’âge moyen, 65 % sont des hommes, leur IMC moyen est de 30 kg/m². Parmi eux, un quart n’a jamais fumé, un quart est fumeur actif et la moitié sont d’ex-fumeurs.

Ils ont été randomisés en deux groupes : l’un pris en charge de façon standard en MG (groupe contrôle). L’autre (groupe intervention) pris en charge par un pneumologue plus un éducateur, avec enseignement sur la maladie, l’usage des inhalateurs, un plan d’action et une aide au sevrage tabagique.

Les patients ont été suivis 12 mois avec une nouvelle spirométrie à 6 mois et 12 mois. Le critère primaire est le recours aux soins pour cause respiratoire : consultations auprès d’un infirmier, d’un MG, d’un spécialiste, aux urgences et hospitalisations.

L’évolution de la qualité de vie globale évaluée au moyen du questionnaire respiratoire du St-George’s Hospital (SGRQ scores : 0 à 100), l’évolution du score CAT pour la BPCO (scores 0-40) et l’évolution de la FEV1, constituent les critères secondaires.

Prise en charge et évolution : avantage à la prise en charge initiale spécialisée

Au cours des 12 mois de suivi, 92 % des patients du groupe intervention et 60 % du groupe contrôle ont été mis sous un nouveau traitement médicamenteux. Mais seulement 14 % des sujets du groupe intervention, contre quasi 50 % des sujets du groupe contrôle, n’ont pas reçu de médicament respiratoire, ou seulement un bêta agoniste. « Manifestement, le groupe contrôle a été largement sous-traité par comparaison au groupe intervention, soulignent les auteurs. Ce qui explique sûrement en bonne partie les résultats. »

Le critère primaire, soit le taux annualisé de recours aux soins respiratoires, est significativement plus bas dans le groupe intervention que dans le groupe contrôle. Respectivement à 0,53 versus 1,1 évènements années patients (RR = 0,48 [0,36-0,63] p < 0,001).

Les critères secondaires sont eux aussi meilleurs dans le groupe intervention. À 12 mois, le score de qualité SGRQ a baissé en moyenne de 10,2 points dans le groupe intervention, contre une baisse de 6,8 points dans le groupe contrôle (différence significative). Les scores de BPCO suivent la même tendance. Le CAT moyen a régressé de 3,8 points dans le groupe intervention, contre une baisse de 2,6 points dans le groupe contrôle.

Enfin, la FEV1 moyenne a progressé de 119 ml dans le groupe intervention versus une progression restreinte à 22 ml dans le groupe contrôle.

Pour les auteurs, « cette étude montre la faisabilité de repérer asthme et BPCO en population générale, en partant de la symptomatologie respiratoire. Elle montre aussi que ceux traités sous la houlette d’un pneumologue bénéficient bien plus de la prise en charge, même si ceux pris en charge en MG en tirent aussi bénéfice. »

(1) S Aaron et al. UCAP: Identify and treat undiagnosed COPD or asthma ; ATS 2024
(2) S Aaron et al. NEJM 2024 ; doi: 10.1056/NEJMoa2401389

Pascale Solère

Source : lequotidiendumedecin.fr