LA CHINE doit faire face à une problématique nouvelle : la prise en charge de ses patients psychiatriques. Le besoin explose sous l’effet conjugué des conflits sociaux, de la pression économique, et du bouleversement des structures familiales.
En quatre décennies, le taux de morbidité psychiatrique est passé de 2,7 % à 13,47 %. La psychiatrie, dernière roue du carrosse, reste réservée à une élite : une majorité de Chinois ne se fait pas soigner. Seize millions de Chinois sont actuellement suivis – dont une moitié de schizophrènes – alors que sont concernées plus de cent millions de personnes. Neuf dépressifs sur dix ne consultent jamais.
Seize mille psychiatres en Chine, c’est trois fois moins qu’ailleurs dans le monde en terme de densité. Stigmatisée, source de préjugés, la psychiatrie n’attire pas les jeunes médecins. Pas davantage les infirmiers. L’offre, de surcroît, est inégalement répartie. Le Tibet ne compte qu’un seul psychiatre, et zéro lit de psychiatrie. Le parc hospitalier dans son ensemble fait plutôt grise mine.
C’est dans ce contexte peu reluisant que le Dr Philippe Cléry-Melin a visité, en marge du déplacement l’été dernier de la FHP en Chine, la clinique psychiatrique de Wenzhou. Il partait sans a priori négatif. « Une de mes patientes psychotiques, hospitalisée à plusieurs reprises en Chine dans les années 1980, avait reçu tous les soins et les médicaments nécessaires. Je savais que ce n’était pas une médecine de brousse, dit-il. La clinique de Wenzhou m’a néanmoins surpris. » Agréablement. L’établissement se veut moderne. Une vitrine de ce que la Chine offre de mieux en matière de psychiatrie.
Visite guidée.
Une bâtisse à l’allure vieillote, des barreaux aux fenêtres, des chambres à trois ou quatre lits : l’établissement ne brille pas par son architecture, mais par la qualité de ses prises en charge. « J’ai rencontré une psychiatrie moderne inspirée de méthodes anglo-saxonnes, raconte le Dr Cléry-Melin. Consultations, psychothérapies comportementales et psychanalytiques d’inspiration lacanienne, ateliers, réinsertion sociale, contrôle de l’observance, et même recherche épidémiologique en lien avec le CDC d’Atlanta : les pratiques sont variées. La pharmacopée est moderne, et le personnel, de qualité. » Bientôt, l’hôpital passera de 940 lits à 2 000 lits, puis à 4 000 lits. Une croissance exponentielle à l’image de la demande.
La clinique de Wenzhou prend en charge des pathologies aiguës : décompensation dépressive, décompensation délirante, psychoses, trouble bipolaire. La gymnastique intervient dans le soin via le « qi gong » (littéralement le travail du souffle, une méthode de contrôle de soi). La spiritualité également. « Les psychiatres m’ont décrit une thérapie de l’esprit, relate le Dr Cléry-Melin. Une cadre infirmière m’a parlé de sa religion, le catholicisme [20 % des habitants de Wenzhou sont chrétiens, NDLR]. Cela se ressent dans le soin. Cela m’a surpris car la Chine n’est pas réputée pour sa tolérance religieuse. »
Tolérante, la Chine ne l’a pas toujours été avec ses patients psychiatriques. « La psychiatrie chinoise a beaucoup pâti du régime politique, comme en URSS, rappelle Philippe Cléry-Melin. Elle a connu les dérives d’un régime totalitaire, et a été utilisée à des fins répressives jusque récemment. Il y a eu des internements abusifs. » Les temps ont changé. Même si les provinces centrales sont à la traîne, la modernisation de la psychiatrie chinoise est en marche. Philippe Cléry-Melin ne compte pas en rester là. Il veut proposer à la clinique de Wenzhou de devenir le partenaire de ses travaux de recherche, dans le cadre du projet fondaMental* dont il est coresponsable en Europe.
* La présentation de la fondation fondMental est en ligne sur http://www.fondation-fondamental.org/
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