Prévalence
Le trouble déficit de l’attention de l’enfant est maintenant reconnu et conceptualisé comme une atteinte des fonctions exécutives dont l’expression varie selon les étapes du développement et pour lequel une approche éducative, comportementale et médicamenteuse doit être discutée.
Depuis quelques années de nombreuses études ont montré que dans plus de deux tiers des cas, le trouble persiste chez l’adulte sous une forme plus ou moins complète mais toujours invalidante avec un lourd retentissement clinique et psychosocial.
La prévalence du TDAH chez l’adulte a été évaluée à partir d’études transversales et longitudinales prospectives ; elle est voisine de 4 % de la population générale adulte.
Du fait de l’importance des comorbidités associées, cette prévalence est beaucoup plus élevée (20 % voire plus) dans certaines populations (consultations d’addictologie, patients avec troubles anxio/dépressifs, troubles de la personnalité…).
Présentation
Présentation clinique chez l’adulte.
Le TDAH est un trouble du développement, son expression varie donc au cours du temps en fonction de l’évolution des capacités cognitives et affectives mais aussi des stratégies mises en place par le sujet, des exigences de son environnement et des comorbidités associées. La triade symptomatique bien connue chez l’enfant (hyperactivité motrice, difficultés attentionnelles, impulsivité) va évoluer et se transformer chez l’adulte.
L’impulsivité tend à être essentiellement verbale et de mieux en mieux contrôlée, l’interrogatoire permet de retrouver une tendance à l’impatience, des décisions irréfléchies (démissions, ruptures sentimentales), une recherche excessive de sensations fortes.
L’hyperactivité motrice évolue vers un sentiment subjectif de tension interne, l’adulte ne grimpe plus partout mais parle souvent beaucoup, a du mal à rester longtemps assis dans certaines situations (réunions, repas de famille.) il est rarement détendu et a souvent besoin de bouger les mains, les jambes, de tripoter des objets.
Le déficit attentionnel et plus généralement des fonctions exécutives est l’élément central du tableau. L’adulte présentant un TDAH est très facilement distractible, désorganisé, a du mal à prioriser et planifier ses tâches, il s’ennuie facilement et a du mal à soutenir sa motivation dans le temps, procrastine beaucoup et n’est souvent efficace que dans l’urgence ou au dernier moment. Il égare souvent des objets et passe beaucoup de temps à les rechercher (clefs, cartes de crédit.). Il commence souvent plusieurs tâches à la fois et en termine très peu.
Des difficultés de régulation émotionnelle sont fréquentes et se traduisent par des variations très rapides de l’humeur au cours de la journée, voire d’une heure à l’autre et des colères qu’il a souvent du mal à maîtriser.
Évoquer
L’évocation d’un TDAH chez l’adulte.
- Un diagnostic de TDAH peut avoir été porté dans la famille du patient : ce trouble présente un très fort coefficient d’héritabilité (80 %). Un TDAH est présent chez plus de 20 % des parents d’un enfant hyperactif. Le repérage et la prise en compte du trouble chez le parent vont lui permettre d’adopter des attitudes éducatives plus adaptées.
- Le diagnostic d’une autre affection souvent comorbide a été posé chez le patient : dans de nombreux cas, c’est une des comorbidités qui va être reconnue et en quelque sorte masquer le TDAH sous jacent. Comme chez l’enfant, la comorbidité est la règle ; 75 % des patients présentent un autre trouble (et en moyenne trois autres diagnostics). Le TDAH est souvent associé à un trouble de l’humeur, un trouble anxieux, un trouble du sommeil, un trouble de la personnalité, un trouble spécifique des apprentissages, un abus de substances.
- Le patient présente un profil particulier et évoque des conséquences négatives sur sa vie professionnelle, sociale et affective : Ces adultes peuvent être perçus comme paresseux, inconstants, agressifs, immatures et n’ayant pas véritablement de trouble nécessitant un traitement. Mais, au cours du suivi, leur évolution est préoccupante : ces patients ont en effet beaucoup de mal à avoir un emploi stable, démissionnent souvent sur un coup de tête ou sont licenciés. À capacité intellectuelle égale, ils ont souvent interrompu prématurément leurs études plus tôt que d’autres, sont sous-employés par rapport à leur diplôme. Leurs relations affectives sont difficiles, leur conjoint se plaint de ne pas être écouté, de leur désordre, de leur impossibilité à respecter leurs engagements, de leurs variations d’humeur. Les divorces sont plus fréquents qu’en population générale.
La conduite automobile est souvent problématique, conduire impliquant une mobilisation de fonctions exécutives telles que l’attention soutenue, l’attention divisée, la flexibilité attentionnée particulièrement défaillante chez les sujets présentant un TDAH. Les accidents sont très fréquents chez l’adulte jeune ; de nombreux patients plus âgés trouvent des stratégies adaptatives pouvant aller jusqu’à l’évitement de la conduite.
Ces adultes ont également souvent des conduites à risque (relations sexuelles non protégées, tabagisme, consommation abusive d’alcool), des troubles du sommeil avec retard de phase et décalage. Enfin, les conduites délictuelles ne sont pas rares.
Conduite à tenir
Conduite à tenir devant une suspicion de TDAH.
Dans un premier temps, il importe de chercher par l’interrogatoire la triade symptomatique décrite plus haut et d’affirmer sa persistance depuis l’enfance. L’utilisation d’auto questionnaires en français disponibles sur le site de l’association française de psychiatrie biologique www. afpb. asso.fr (rubrique DAH.A) comme l’échelle d’auto-évaluation des troubles déficitaires de l’attention avec hyperactivité de l’adulte l’ASRS (Adult ADHD Self-Report Scale (ASRS) Symptom Checklist) et un questionnaire rétrospectif reconnu internationalement et permettant un repérage rétrospectif des difficultés de l’enfance pour l’adulte, la Wurs (Wender Utah Rating Scale) facilitent cette recherche.
Il est très souvent utile, voire nécessaire, d’obtenir également des informations d’un proche (conjoint ou parents) permettant de mieux évaluer le retentissement des troubles, souvent sous-évalués, par le patient.
L’analyse des bulletins scolaires depuis le primaire peut permettre de découvrir des commentaires précieux pour affirmer la persistance de troubles et comprendre les difficultés actuelles du patient. Cette relecture, avec le patient permet souvent à celui-ci de revenir sur son parcours, de mieux comprendre l’origine de sa mauvaise estime de lui-même et a en soi un effet thérapeutique.
Apprécier l’importance du retentissement.
Certains patients ont su adapter leur environnement à leurs difficultés (choix d’une vie privée et professionnelle adaptée et compatible avec le TDAH : situations renouvelées, action dans l’urgence, assistance par une secrétaire… choix d’un conjoint tolérant et aimant organiser et planifier la vie quotidienne) ou développer des stratégies facilitatrices (tenue rigoureuse de plannings, utilisation des outils informatiques, mise en place de rituels pour éviter les pertes d’objets important). Néanmoins, la plupart des patients sont handicapés dans plusieurs secteurs de la vie quotidienne (travail, loisirs, vie relationnelle et affective).
Rechercher les comorbidités et les antécédents familiaux.
La comorbidité étant la règle dans le TDAH, l’anamnèse et la clinique actuelle des troubles anxieux, des troubles du sommeil, des troubles de l’humeur, des abus de substance doivent être analysées. L’ensemble des traitements psychotropes éventuellement déjà prescrits et leurs effets seront recueillis ainsi que les antécédents médicaux et chirurgicaux.
Le caractère fortement héritable du trouble fait qu’il n’est pas rare de retrouver un parent, un frère, un cousin, un grand-parent décrit comme caricaturalement distrait, instable, colérique.
La recherche d’une pathologie psychiatrique ou somatique permet de mieux rendre compte des symptômes observés. Les diagnostics différentiels possibles doivent être systématiquement évalués (trouble bipolaire, trouble obsessif compulsif, personnalité borderline, trouble anxieux, abus de substance, pathologie organique…) à la recherche d’une étiologie permettant de mieux rendre compte du tableau clinique.
Conduite à tenir après évocation du diagnostic.
Le patient devra être adressé à un psychiatre hospitalier pour confirmation du diagnostic et instauration d’un traitement médicamenteux si nécessaire.
L’annonce du diagnostic a en elle-même un effet thérapeutique, une approche psycho éducative réalisable en médecine générale permet au patient de mieux comprendre son fonctionnement et de mettre en place certaines stratégies ; une thérapie comportementale et cognitive est particulièrement efficace chez ces patients mais il n’existe malheureusement que très peu de centres offrant ce type de prise en charge en France. Le seul traitement ayant l’AMM en France est aujourd’hui le méthylphénidate dont la primoprescription doit selon la législation être hospitalière. Cette prescription est valable un an. L’ordonnance sécurisée peut être renouvelée tous les 28 jours par le médecin traitant. Après un bilan cardiologique, le traitement est instauré à dose progressivement croissante sans dépasser 1 mg/kg/jour. La surveillance annuelle comporte un avis cardiologique et une réévaluation de l’efficacité du traitement.
Les effets secondaires, bien connus chez l’enfant, sont limités ; les plus fréquents apparaissent en début de traitement : céphalées, douleurs abdominales disparaissant au bout de quelques jours, diminution de l’appétit, recrudescence anxieuse des troubles du sommeil.
L’efficacité peut être évaluée assez rapidement ; le traitement est efficace chez 70 à 80 % des patients qui s’estiment moins distractibles, plus maîtres de leurs actions.
Quelques outils et références utiles :
ASRS 6 items
Le site de l’afpb, club DAH.A
Comprendre et traiter l’hyperactivité de l’adulte (seul ouvrage français de référence) François Bange 2e édition chez Dunod.
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