Par Mathilde Ciron *
DU FAIT de la diversité des troubles rencontrés, les indications de prises en charge à médiation corporelle en CMP sont nombreuses. Elles se font sur prescription médicale par le psychiatre référent du patient. Mais si la demande de travail corporel émane du médecin, le projet thérapeutique et la médiation sont définis par le psychomotricien à la suite d’entretiens avec le patient et d’une observation psychomotrice. Pour autant, le rôle du médecin et de l’institution n’en demeure pas moins important car, dans la rencontre corporelle du thérapeute et du patient, et c’est de cela dont il s’agit en thérapie psychomotrice, la référence médicale et institutionnelle permet d’introduire du tiers.
Lorsque l’on s’adresse à des patients adultes ne présentant pas de véritables troubles au sens instrumental du terme (trouble de la latéralité, du schéma corporel, dyspraxie…), il n’est pas toujours aisé de mener un bilan psychomoteur. Peu d’épreuves et de bilans standardisés existent pour les adultes et la demande du patient et de son médecin se situe ailleurs que dans le simple traitement des troubles psychomoteurs proprement dits.
On s’appuie préférentiellement sur une observation psychomotrice basée sur la présentation du sujet, sur l’adéquation de ce qu’il verbalise et de son ressenti avec ce que l’on peut en percevoir (son état tonique par exemple), ainsi que sur la connaissance de son schéma corporel. En activité spontanée, on observe sa démarche, son aisance corporelle à passer d’une position à une autre, son rythme…
Dans le cadre de séances individuelles de psychomotricité en psychiatrie adulte, la relaxation fait figure de proue dans les médiations corporelles proposées.
Dépassant une conception trop restrictive de simple méthode anxiolytique, la relaxation offre au patient un cadre rassurant, sécurisant et contenant qui permet de mettre le corps en situation d’expériences sensorimotrices. Quelle que soit la méthode utilisée (elles sont nombreuses), elle devra être adaptée et pratiquée dans le respect du patient, de ses limites, de ses défenses et de ce qu’il peut supporter lorsqu’il met son corps au cœur de la relation avec le thérapeute. En effet, les éprouvés corporels suscités lors d’une séance de relaxation peuvent favoriser l’émergence d’émotions, parfois de souvenirs vecteurs d’affects qu’il faudra alors accueillir.
Deux indications majeures.
Deux pathologies psychiatriques font essentiellement l’objet d’une prescription médicale en thérapie psychomotrice : les troubles anxio-dépressifs et la schizophrénie.
• Les troubles anxio-dépressifs
Si, dans la dépression, les symptômes tels que la tristesse de l’humeur, la perte de tout plaisir sont facilement identifiés, on reconnaît moins souvent les perturbations de la perception du corps, qui vont bien au-delà du ralentissement psychomoteur.
En effet, le retrait psychique induit le retrait corporel du déprimé qui vit son corps douloureusement et péniblement. Celui-ci qui n’est plus objet de plaisir et est vécu comme défaillant, il ne fournit plus d’expériences sensorielles satisfaisantes si bien qu’il peut être totalement désinvesti. Le ressenti corporel peut être anesthésié et le vécu corporel privé de tout affect.
La composante anxieuse du trouble dépressif peut s’accompagner de manifestations corporelles plus identifiables : hypertonie de fond marquée, palpitations cardiaques, difficultés respiratoires, sensations d’oppression thoracique, de boule au ventre, hypersudation…
L’attention portée au corps du déprimé dans le cadre d’une prise en charge corporelle permettra de solliciter des éprouvés corporels agréables. Cette attention, celle du patient lui-même, mais également celle du psychomotricien, inscrira de nouveau le corps dans une dimension relationnelle lui permettant de redevenir investi et considéré ; de lui redonner consistance et plaisir retrouvé.
L’angoisse pourra trouver un élément de résolution dans l’espace-temps de la relaxation grâce à un travail s’appuyant entre autres sur la prise de conscience du corps, sur la respiration de manière à permettre au patient angoissé de revivre son corps de façon plus sécure et moins anxiogène.
• La schizophrénie
Pathologie psychiatrique exemplaire du suivi de secteur, la schizophrénie s’inscrit logiquement dans une prise en charge globale et corporelle de surcroît. La discordance et la dissociation schizophrénique s’accompagnent généralement d’angoisses de morcellement de troubles de l’image du corps et du schéma corporel, d’un défaut d’enveloppe et de limites corporelles, de dysmorphophobie. À quoi s’ajoutent les troubles du tonus consécutifs aux traitements neuroleptiques et/ou constitutifs de l’angoisse psychotique.
À moins qu’un délire trop enkysté autour de toutes ces préoccupations n’entraîne une contre-indication à la prise en charge corporelle, la thérapie psychomotrice va tenter d’agir sur les difficultés d’intégration du corps vécu : au travers d’une relation de confiance, le psychomotricien accompagne le patient dans la redécouverte et l’écoute de son corps afin de le rendre plus sensible, plus humanisé et unifié. Il s’agit de lui permettre une relation plus apaisée à son propre corps.
Au sujet schizophrène, la relaxation sera davantage proposée dans le but d’une prise de conscience de son corps, de la reconnaissance et l’appropriation de ses ressentis, soutenue par un holding et un handling rassurants. La gangue tonique en place jouant un rôle de protection psychique et corporelle, il est indispensable de suivre le rythme du patient, pour ne pas précipiter une détente corporelle qui pourrait se révéler bien plus désorganisatrice que thérapeutique.
D’autres troubles psychiatriques constituent de véritables indications pour une prise en charge corporelle : les pathologies limites, les conduites addictives, la dépendance alcoolique, les troubles du comportement alimentaire… À l’inverse, perversion et troubles hystériques constituent généralement des contre-indications.
Il est toutefois important de noter qu’une pathologie repérée ne peut à elle seule constituer une indication de thérapie à médiation corporelle.
En passant par le corps de son patient, le psychomotricien s’intéresse à son tonus, à l’image et la mémoire de son corps, porteurs, comme la parole, d’une part de son histoire qui l’inscrit dans un projet thérapeutique tout à fait singulier.
Ainsi, incluse dans le maillage institutionnel, la thérapie psychomotrice trouve toute sa place et son intérêt dans la prise en charge pluridisciplinaire de patients nécessitant un suivi psychiatrique en Centre Médico-Psychologique.
*Psychomotricienne, centre hospitalier Sainte-Anne, CMP Mathurin Régnier, Paris.
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