Alors que les facteurs génétiques et épidémiologiques ont été traditionnellement utilisés pour évaluer le risque de développer une polyarthrite rhumatoïde (PR), la définition des états à haut risque a été affinée ces dernières années (présence d’anticorps anti-peptides citrullinés [ACPA] notamment…).
Les phases précliniques de la PR sont maintenant bien définies par l’Eular et identifiables, ce qui permet de développer des essais cliniques de prévention. Plusieurs études sont actuellement menées sur des traitements visant à enrayer le processus évolutif de la PR chez des sujets à risque, avant que la maladie ne se déclare. C’est un enjeu important : les récentes données de cohortes de patients à risque ont rapporté des taux de progression vers la PR supérieurs à 50 % sur 24 mois. Pour le moment, les résultats des études conduites avec l’hydroxychloroquine et le méthotrexate se sont révélés négatifs.
Les résultats d’une première étude (Ariaa), menée avec l’abatacept, étaient mitigés. Les données d’un deuxième essai « Arthritis prevention in the preclinical phase of rhumatoid arthritis » (Apippra) ont été présentées à l’Eular (1).
Retarder l’apparition de la maladie
Il s’agit d’une étude de phase 2B contrôlée, randomisée, contre placebo, menée en double aveugle. L’objectif principal était d’évaluer la faisabilité, l’efficacité et l’acceptabilité d’un traitement par abatacept (ABA) chez des sujets à haut risque de développer une PR. À l’inclusion, les participants se plaignaient d’arthralgie a priori inflammatoire. Ils étaient positifs à la fois pour les ACPA et le facteur rhumatoïde ou avaient un taux d’ACPA élevé (de trois fois la normale). Ils n’avaient pas d’antécédent d’arthrite clinique et étaient naïfs de tout traitement de fond ou corticoïdes. Les patients ont été randomisés pour recevoir 52 injections sous-cutanées hebdomadaires de placebo (n = 103) ou 125 mg d’abatacept (n = 110). Ils étaient suivis pendant une année supplémentaire après l’arrêt du traitement. Le critère principal était le moment d’apparition soit d’une synovite clinique dans au moins trois articulations, soit d’une PR selon les critères ACR/Eular 2010 (résultats confirmés par échographie). À l’inclusion, l’âge moyen était de 49 ans et 77 % des patients étaient des femmes. Au total, 93 % des sujets étaient positifs pour des ACPA à titre élevé. À un an, une nette différence était constatée entre les deux bras. En effet, la survenue du critère principal était observée chez 29 % des patients dans le groupe placebo versus 6 % sous abatacept. À deux ans, la différence est moins nette (37 % versus 25 %), mais reste statistiquement significative. La supériorité potentielle d’efficacité de l’abatacept s’observe surtout dans le sous-groupe de patients les plus à risque. Les sujets sous abatacept présentaient aussi un nombre d’articulations douloureuses et des scores de douleur inférieurs pendant la période de traitement, par rapport au placebo. Il n’y avait pas de nouveau signal de sécurité.
La désescalade thérapeutique efficace à dix ans
L’étude Dress a déjà montré que l’optimisation de la dose guidée par l’activité de la maladie (DAGDO) est une stratégie efficace et sûre chez des patients atteints de PR jusqu’à trois ans (2,3). Cependant, les études à long terme, sur cette stratégie, sont rares. L’étude présentée à l’Eular (4) a évalué l’efficacité à 10 ans du DAGDO dans la cohorte Dress, en s’intéressant aux patients ayant diminué la dose jusqu’à l’arrêt définitif des anti-TNF (adalimumab ou étanercept) à la dose standard. Ainsi, 170 sujets ont pu être inclus dans cette étude d’extension. La dose des anti-TNF a diminué : elle est passée de 97 % au départ à 49 % la cinquième année, puis est restée stable par la suite. Sur les 161 patients ayant fait au moins une tentative d’optimisation, 119 ont pu diminuer progressivement jusqu’à l’arrêt complet : 25 patients (21 %) n’ont jamais eu à redémarrer leur anti-TNF ou un autre traitement de fond biologique ou synthétique ciblé tout au long de l’étude.
Le rôle des comorbidités
Des études antérieures ont rapporté que certaines comorbidités sont associées à une probabilité plus faible de rémission chez les patients atteints de PR établie. Or, les patients atteints de PR précoce, quelles que soient les comorbidités reçoivent du méthotrexate (MTX) en monothérapie comme traitement de première ligne. L’objectif de cette étude était de savoir si les comorbidités affectaient la probabilité de rémission sous MTX chez ces patients (5). Ainsi, 11 001 patients d’un registre suédois, atteints de PR précoce, ont été inclus entre 2007 et 2020 (67 % étaient des femmes). Au total, 8 273 ont eu une visite de suivi à trois mois, 53 % de ces patients n’avaient pas atteint la rémission DAS28 après trois mois de monothérapie sous MTX. Cette non-rémission est variable en fonction des comorbidités, allant de 68 % chez les patients ayant un diagnostic psychiatrique à 48 % chez ceux ayant des antécédents de cancer. Le risque relatif de ne pas atteindre la rémission était augmenté chez les patients atteints de maladie endocrinienne (RR : 1,08), gastro-intestinale (RR : 1,16) ou ayant été hospitalisés pour une maladie infectieuse (RR : 1,21). Les comorbidités peuvent ainsi être un facteur important lors de l’évaluation des résultats du traitement dans la PR précoce.
(1) Cope A et al. Abstract OP 0130
(2) Van Herwaarden et al. BMJ 9 avril 2015;350:h1389
(3) Bouman et al. Ann Rheum Dis. 2017 oct;76(10):1716-22
(4) Van der Togt A et al. Abstract OP 0131
(5) Tidblad L et al. Abstract POS 0031
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