La chirurgie fait partie des options thérapeutiques dans l’indication des épaules douloureuses par rupture dégénérative des tendons de la coiffe des rotateurs de l’épaule (1). Elle n’est toutefois pas la seule, puisque nous disposons également du traitement conservateur (2). Celui-ci comprend la médication orale contre la douleur, les infiltrations cortisoniques et la masso-kinésithérapie. Les modalités du traitement chirurgical correspondent quant à elles à la réparation, en cas de rupture accessible à la réparation directe, dont les critères sont la réductibilité per-opératoire sans tension et une dégénérescence graisseuse des muscles de la coiffe ≤ 2 selon la classification de Daniel Goutallier (3). Dans le cas contraire, celui des ruptures massives, le débridement et l’arthroplastie par prothèse totale inversée constituent les options du traitement chirurgical.
De nombreux essais randomisés soulignent l’intérêt du traitement conservateur dans l’indication large des épaules douloureuses par tendinopathies dégénératives, sans ou avec rupture (2). L’intérêt du traitement conservateur des épaules douloureuses par rupture transfixiante des tendons de la coiffe des rotateurs a en revanche été évalué spécifiquement à travers une littérature non contrôlée pour l’essentiel. Une série indique une évolution algo-fonctionnelle favorable dans 70-90 % des cas sous traitement conservateur sans autre précision, avec un recul de treize ans. Un essai randomisé montre l’effet antalgique à court terme d’une à deux infiltrations cortisoniques intra-articulaires sous repérage clinique. Deux études de cohorte prospectives décrivent une amélioration cliniquement pertinente après masso-kinésithérapie comprenant des techniques de mobilisation et de sollicitation musculaire dans au moins 75 % des cas, à deux et cinq ans. Les patients opérés en seconde intention pour échec de la rééducation y connaissaient finalement la même évolution favorable au terme du suivi.
Pour ce qui est de la chirurgie des ruptures transfixiantes, une quarantaine d’études longitudinales non contrôlées rendent compte désormais d’une évolution clinique favorable à dix ans et plus, après réparation chirurgicale (1). Les méta-analyses des essais randomisés dont nous disposons ne sont toutefois pas concluantes (4, 5). Un manque de puissance et des délais opératoires extrêmement variables pourraient être à l’origine de cette discordance. À plus long terme, soit vingt ans, les données restent fragmentaires. Une étude rétrospective montre une amélioration du score de Constant vingt ans après réparation (6). À bien noter : le taux de rupture secondaire n’y est pas moins de 40 %, celui de dégénérescence graisseuse avancée (stade 3 ou 4) de 30 % et une omarthrose parfois évoluée, observée dans plus d’un cas sur deux.
Dans ce contexte, une étude de stratégie thérapeutique relativement récente apporte des informations éclairantes concernant l’intérêt du positionnement de la réparation en deuxième intention dans le cadre d’une approche médico-chirurgicale graduée (7). Quatre cent dix-sept patients souffrant d’une épaule douloureuse par tendinopathie de la coiffe sans autre précision ont été inclus. Ils ont suivi un programme de masso-kinésithérapie. Cent quatre-vingt-dix-sept sont restés douloureux, ont passé une arthro-IRM et ont été randomisés en deux bras. Un bras poursuivait le traitement conservateur. L’autre était traité par chirurgie et rééducation post-opératoire. La chirurgie consistait soit en une acromioplastie en absence de rupture tendineuse, soit en une réparation en cas de rupture transfixiante. À six mois, un an et deux ans, les patients ayant eu une réparation avaient de meilleurs résultats en termes de douleur et de score de Constant, comparativement au bras conservateur. Les patients ayant eu une acromioplastie n’étaient quant à eux pas améliorés comparativement au bras conservateur.
Par conséquent, les données disponibles rendent logique le positionnement en deuxième intention de la réparation chirurgicale des ruptures dégénératives de la coiffe des rotateurs, en cas d’échec du traitement conservateur et de handicap persistant. Les éléments du traitement conservateur recommandés à envisager en première intention sont aujourd’hui les suivants : médication orale contre la douleur, infiltration cortisonique (1 à 3), masso-kinésithérapie à base de mobilisations et sollicitations musculaires et prise en compte des facteurs contextuels (activité professionnelle par exemple) (8).
Références
1. Kuhn JE. Operative Techniques in Sports Medicine. 2023;31: 150978
2. Jacob L, Beaudreuil J. Actualité des traitements des tendinopathies dégénératives de la coiffe des rotateurs de l’épaule. Elsevier Masson. L’Actualité rhumatologique, 2022
3. Goutallier D et al. Clin Orthop Relat Res. 1994; 78–83
4. Karjalainen TV et al. Cochrane Database Syst Rev. 2019;12: CD013502
5. Brindisino F et al. J Shoulder Elbow Surg. 2021;30: 2648–2659
6. Collin P et al. J Shoulder Elbow Surg. 2019;28: 196–202
7. Cederqvist S et al. Ann Rheum Dis. 2021;80: 796–802
8. HAS. Conduite diagnostique devant une épaule douloureuse non traumatique de l’adulte et prise en charge des tendinopathies de la coiffe des rotateurs, 2023
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?