De nos jours, Internet est un support virtuel accessible aisément et son usage quotidien est très utile afin de rechercher des informations de tout type, être en contact avec des amis réels ou virtuels, de la famille, des collègues, par exemple. Internet est également utilisé pour des activités sexuelles en ligne, à savoir des échanges sexuels via les messageries, utiliser une webcam à but sexuel, regarder de la pornographie, chercher des partenaires adultes consentants pour des relations sexuelles hors ligne ou en ligne, participer à des jeux de rôles virtuels en 3D dans lesquels il est possible de créer soi-même son avatar sexuel idéal.
En février 2015, les sites de divertissement pour adultes représentaient 4,4 % du trafic mondial sur le web. Youporn, PornHub, XVideos éclipsaient presque tous les autres portails en termes de trafic, sauf Google et Facebook. Les sites gratuits, les plus célèbres et populaires, que sont PornHub et Youporn, génèrent un flux massif de visites et sont financés par la publicité. D’autres sites fournissent des contenus payants. Quels que soient les sites, tout est en streaming. Il suffit de taper des mots clés ou des combinaisons de mots clés qui varient en fonction des pays et du sexe. Les sites ont la capacité de profiler les personnes en fonction des visites et peuvent recommander des choses ! L’accès sur ces sites est simple, facile, rapide et gratifiant immédiatement. Les sites pornographiques amateurs sont populaires aussi ! « Jaquie et Michel » est un bel exemple de succès commercial national.
Internet est un outil triple-A
Tout le monde, dont les plus jeunes, a facilement accès à des contenus pas forcément en adéquation avec leur développement sexuel et personnel. Internet est un outil triple-A : Accessible (des millions de pages et de sites accessibles 24h/24), Abordable (sites adultes gratuits ou peu chers) et surtout Anonyme (Karila, Wery et al. 2014). Plus de 15 millions de personnes ont la possibilité de se connecter sur une même adresse URL de ces sites.
Tout est prévu au niveau marketing pour les clients et acheteurs potentiels : mise à jour, offres gratuites, payantes, promotionnelles, abonnement premium, cibles de certains thèmes appréciés, suggestions de thématiques. Le modèle économique est identique à celui des produits de la grande distribution. Les bannières publicitaires sont très visibles et différents services sont proposés. Les grandes sociétés de l’industrie américaine du sexe contrôlent tous les maillons de la chaîne du porno : production, distribution gratuite ou payante et communication. Les tubes Pornhub ou Youporn sont devenus des marques. Bien évidemment, la lutte contre la pédopornographie et d’autres déviances sexuelles illégales est prévue par ces géants du X.
Des séquelles émotionnelles et psychologiques pour les jeunes
Dans la majorité des cas, les activités sexuelles en ligne n’ont pas d’impact négatif sur la vie quotidienne. Cependant, pour différents groupes de sujets, dont les plus jeunes, l’usage du cybersexe peut devenir excessif et avoir de nombreuses conséquences sur la santé mentale et sociale (Carnes 1991, Carnes 2000, Karila, Wery et al. 2014).
Une enquête menée auprès d’un échantillon de jeunes de 14 à 24 ans, notamment par la Fondation pour l'innovation politique, publiée l’été 2018, montre que 9 % d’entre eux regardent quotidiennement du porno et 15 % des 14-17 ans, au moins une fois par semaine. Seulement 7 % des parents pensent que leur enfant regarde du porno au moins une fois par semaine.
Une exposition précoce à la pornographie peut être à l’origine de séquelles émotionnelles, psychologiques. Il s’agit d’images violentes pour un sujet non préparé. Certaines personnes parviennent à exprimer les difficultés de cette exposition tandis que d’autres non. Il y a alors un risque que d’autres troubles psychologiques se développent.
Le problème des sites pornographiques, c’est que le jeune peut voir tout type d’images, sans aucun contrôle et sans expérience sexuelle. Visionner une scène pornographique à un âge de 7-8 ans est psychiquement comparable à un abus sexuel, à cause de la violence des images. Les sujets les plus vulnérables vont mal gérer cela. Pour des jeunes adolescent-e-s, la pornographie génère une vision inappropriée de la sexualité.
Les modèles sexuels sont biaisés en raison du fait que les jeunes intériorisent des stéréotypes dégradants sur le corps, sur la violence dans la sexualité et ont une logique de performance ayant comme modèle le montage des films X. Les garçons prennent comme référence les acteurs, le nombre de partenaires sexuels, la facilité du rapport sans séduction, les pratiques sexuelles extrêmement variées.
Un risque d'addiction sexuelle
Il y a un risque d’addiction sexuelle ou de trouble hypersexuel. Ce trouble se caractérise par la répétition de l'utilisation excessive de l'activité sexuelle, la perte de contrôle, le désir persistant ou des efforts infructueux pour arrêter son activité, réduire ou contrôler ces comportements sexuels, le sevrage, la tolérance (besoin de plus d'heures d'utilisation ou de nouveaux contenus sexuels) et des conséquences négatives. Concernant les adultes, la cybersexualité et la masturbation compulsive sont les principales formes cliniques de l’addiction sexuelle. Wetterneck et ses collaborateurs suggèrent une augmentation de la prévalence du trouble depuis l’apparition d’Internet et des nombreux sites pour adultes (Wetterneck, Burgess et al. 2012).
Concernant l’exposition des jeunes filles à la pornographie, il existe pour certaines un risque de troubles du comportement alimentaire, de troubles de l’humeur, de risque sucidaire de recrudescence de chirurgie plastique des organes génitaux. Par ailleurs, la pornographie peut être une source d’anxiété pour beaucoup d’adolescents et de comportements irrespectueux (Wéry, Karila et al. 2014).
Des programmes de sensibilisation et de prévention de l’exposition à la pornographie chez les jeunes sont une urgence. Les programmes d’éducation sexuelle doivent intégrer l’ensemble de ces nouvelles données dont le risque d’addiction.
Références Carnes, P. (1991). "Don’t Call It Love. New York, NY: Bantam Books.".
Carnes, P. J. (2000). "Sexual addiction and compulsion: recognition, treatment, and recovery." CNS Spectr 5(10): 63-72.
Karila, L., A. Wery, A. Weinstein, O. Cottencin, A. Petit, M. Reynaud and J. Billieux (2014). "Sexual addiction or hypersexual disorder: different terms for the same problem? A review of the literature." Curr Pharm Des 20(25): 4012-4020.
Wéry, A., L. Karila, P. D. Sutter and J. Billieux (2014). "Conceptualisation, évaluation et traitement de la dépendance cybersexuelle : Une revue de la littérature." Canadian Psychology/Psychologie canadienne 55(4): 266-281
Wetterneck, C., A. Burgess, M. Short, A. Smith and M. Cervantes (2012). "The role of sexual compulsivity, impulsivity, and experential avoidance in Internet pornography use." The Psychological Record 62: 3-18.
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