LES MÉDECINS libéraux de Tahiti sont en conflit ouvert depuis le début d’année avec la Caisse de prévoyance sociale (CPS), l’assurance-maladie locale. Depuis le 23 février, 183 généralistes et spécialistes sur 220 sont déconventionnés, soit 83 % de l’offre de soin libérale. Cette situation résulte de l’échec des négociations avec la caisse sur l’élaboration d’une nouvelle convention trisannuelle. À défaut d’accord collectif, seuls 23 médecins ont signé le contrat individuel proposé par la CPS. Le document a été rejeté en masse, certaines de ses dispositions allant « à l’encontre du code de déontologie médicale », selon le Conseil de l’Ordre local.
En Polynésie, tout comme le coût de la vie, le prix de la consultation libérale est supérieur à celui pratiqué en Métropole : 30 euros (3 600 francs CFP) pour un généraliste, 39 euros pour un spécialiste (4 650 FCFP) avec la possibilité de pratiquer le tiers payant. Jusqu’au 23 février, la CPS remboursait à 70 % les patients « classiques » et à 95 % ceux en affection longue durée (ALD). Le secteur II n’existant pas, la sortie de la convention entraîne le retour à des tarifs d’autorité fixés par un arrêté de 1995 très désavantageux pour les patients. Le reste à charge s’élève à neuf euros pour une consultation chez un généraliste et à 11,60 euros chez un spécialiste. Les usagers doivent désormais sortir 21 euros de leur poche et avancer les frais.
Pour les radiologues, une perte de 27 % du chiffre d’affaires
Chez les médecins libéraux, la révolte a pris le visage du Dr Pascal Szym, président du Syndicat des médecins libéraux de Polynésie française (SMLPF), spécialiste en chirurgie viscérale et en coups d’éclat. Ses échanges musclés avec Régis Chang, directeur général de la CPS, rythment la une des journaux locaux. « On se fait régulièrement traiter de bandits parce qu’on réclame le maintien des tarifs de la précédente convention. Avouez que c’est un comble ! », explique l’ancien médecin de guerre au « Quotidien ». Principale pierre d’achoppement : le coefficient multiplicateur, qui permet d’ajuster la grille tarifaire des actes au coût de la vie de Polynésie. Pour le chirurgien, « adopter le coefficient à 1,4 proposé par la nouvelle convention, c’est accepter de réduire notre chiffre d’affaires de 25 à 40 %. Pour nous, c’est non. On ne signera pas en dessous des 1,8 de la précédente convention ». Selon Les Nouvelles, les neuf radiologues des archipels verraient fondre leur chiffre d’affaires de 27 % avec un tel coefficient. Relevé à 1,6, les spécialistes n’y perdraient « que » 6 % en moyenne et le surcoût pour la CPS, déjà endettée à hauteur de 134 millions d’euros, ne serait « que » de 2,3 millions d’euros. « Pas moyen », rétorque le Dr Szym, qui évoque « des charges et des coûts de maintenance des appareils médicaux exorbitants », inhérents à l’insularité.
À l’hôpital, c’est « Beyrouth »
La semaine dernière, le ton est monté d’un cran. Aux urgences de l’hôpital de Taaone, « c’était Beyrouth », aux dires des praticiens hospitaliers interrogés par la presse locale, impuissants face à l’afflux de nouveaux patients en mal de médecin conventionné. « Certains libéraux ont perdu 80 % de leur clientèle, les gens sont trop nombreux pour se faire soigner dans les dispensaires gratuits et trop pauvres pour aller en clinique », déplore le Dr Szym. Vendredi, les libéraux rencontrent à nouveau la CPS pour lui soumettre leur projet de convention. Et le gouvernement ? « Charles Tetaria est le médiateur », explique, laconique, le Dr Szym. Charles Tetaria est le ministre de la Santé. Le dernier d’une série de dix en… six ans.
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