Au niveau mondial, l’empreinte carbone du secteur de la santé représentait en 2014 deux gigatonnes de CO2, soit 4,4 % des émissions de gaz à effet de serre. Si le secteur de la santé était un état, il se situerait au cinquième rang des émetteurs au niveau mondial.
Avec plus de 46 millions de tonnes de CO2 émises chaque année, soit plus de 8 % des émissions au niveau national, le secteur français de la santé se situe au douzième rang mondial.
Ce constat conduit de nombreuses sociétés savantes à s’emparer de ce problème. La création, en 2020, de la Commission développement durable de l’AFU témoigne de son engagement dans la décarbonation. Cette commission a dressé un état des lieux de la situation, qui a fait l’objet d’une publication dans le journal européen d’urologie (1).
Le bloc opératoire au premier plan
À l’origine de 700 000 tonnes de déchets par an, l’hôpital est en pratique le plus gros pollueur dans notre pays. Parmi les services, le bloc opératoire constitue la principale source de déchets hospitaliers, de 20 à 30 % en moyenne, avec une grande variabilité selon les établissements et les pratiques. Ainsi, l’AFU s’est intéressé tout particulièrement à la gestion des déchets au bloc, même si globalement ils ne représentent que 2 % des émissions de gaz à effet de serre liés à la santé, loin derrière l’achat de médicaments (de 20 à 30 %), les dispositifs médicaux ou le transport.
La majorité des déchets sont produits avant que le patient n’entre en salle, ce qui souligne l’importance de travailler avec les pharmaciens et les centrales d’achats. Sur la gestion même des déchets au bloc, plusieurs pistes sont explorées. La première repose sur une meilleure gestion des déchets d’activités de soins à risque infectieux (DASRI), dont l’élimination est beaucoup plus polluante que celle des déchets d’activité de soins non dangereux (DASND). Actuellement, de nombreux déchets sont étiquetés DASRI, alors qu’ils pourraient être considérés comme des DASND, y compris certains déchets souillés par le sang. Un meilleur tri des déchets, qui au-delà de la réduction des émissions de CO2 (estimée à 934 kg/tonne pour les DASRI versus 362 kg/tonne pour les DASND), est également une source de diminution des coûts pour l’établissement. En s’appuyant sur le code de la santé publique, la Commission développement durable de l’AFU a défini les types de déchets comportant du sang pouvant être mis dans les DASND. Elle a réalisé des visuels, accessibles sur le site urofrance.org, rappelant qu’il s’agit d’un engagement des équipes et non pas seulement des urologues. Un autre point fondamental est le recyclage au bloc, et de favoriser en amont la fourniture en produits écoresponsables. Un manuel d’aide à la mise en place du développement durable dans les établissements de santé est également disponible sur le site de l’AFU. Les actions ne doivent pas se limiter à l’hôpital, mais concernent aussi le cabinet médical, afin de limiter les émissions de CO2. Selon le Shift Project qui œuvre en faveur d’une économie libérée de la contrainte carbone, les transports sont l’un des principaux pourvoyeurs de CO2. S’il est difficile d’agir sur les moyens de locomotion des patients, on peut toutefois les inciter à la modération, en plus de la pratiquer soi-même. Un guide pratique pour rendre le cabinet médical plus respectueux de l’environnement va prochainement être mis en ligne par l’AFU.
Faut-il abandonner l’usage unique ?
Le recours à des ustensiles à usage unique s’est développé afin de réduire le risque infectieux, mais au prix d’une augmentation des déchets. Les dispositifs réutilisables, qui doivent être stérilisés, sont-ils pour autant moins polluants ? À quel prix et avec quelle organisation des soins ? Des questions auxquelles l’AFU va s’attacher à répondre, en prenant l’exemple de l’urétéroscopie souple. Mais la réponse n’est pas si évidente, en témoignent les résultats d’un travail mené à l’hôpital de la Conception à Marseille, qui a comparé le coût environnemental en cycle de vie (de l’extraction des matières premières à l’enfouissement des déchets) d’un cystoscope à usage unique à celui de la stérilisation des cystoscopes réutilisables. Le gagnant est celui à usage unique, avec une réduction de 34 % à 70 % de l’impact environnemental.
D’après la communication du Dr Richard Mallet, responsable de la Commission développement durable de l’AFU.
(1) Pradere B et al. Eur Urol. 2022 Feb 9
Article précédent
Cancers urologiques : une stratégie thérapeutique en pleine évolution
Article suivant
Mieux gérer les complications chirurgicales
Cancers urologiques : une stratégie thérapeutique en pleine évolution
Empreinte carbone : l’urologie se met au vert !
Mieux gérer les complications chirurgicales
Féminisation de l’urologie : encore un plafond de verre !
Diagnostiquer l’hypertonie sphinctérienne non neurologique
Infection urinaire : la voie des phages
Dix ans de toxine botulique dans l’hyperactivité vésicale
Reprise chirurgicale de bandelettes sous-urétrales
Symptômes du bas appareil urinaire : gare à l’effet placebo !
Les SMS du congrès français d'urologie (CFU)
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?