Selon l’Ifop, 36 % des femmes françaises en âge de procréer souhaitent accoucher à domicile. En France, les sages-femmes ne sont qu’une centaine à répondre à ces demandes et ne peuvent assurer que 0,5 % de ces naissances. La question se pose donc désormais de notre organisation pour répondre à la demande.
En France, contrairement aux autres pays européens, aucune recommandation des autorités de santé n’existe en la matière. C’est à la fois la cause des difficultés de terrain et la conséquence de peurs et préjugés.
Première idée reçue : le danger. La littérature internationale permet pourtant d’affirmer la sécurité de l’accouchement à domicile (AAD), avec une morbimortalité équivalente à l’accouchement hospitalier. Certaines sociétés savantes considèrent que ces données ne seraient pas transposables à notre pays, du fait de l’absence d’organisation territoriale des transferts ville-hôpital. Or, nous disposons, depuis 2018, des rapports épidémiologiques annuels de l’association professionnelle de l’accouchement accompagné à domicile (APAAD), permettant d’affirmer la légitimité de cette offre, avec des résultats identiques aux autres pays : 0,3 % d’épisiotomies en AAD vs 20,1 % à l’hôpital, 1 % vs 1,8 % d’hémorragies sévères de la délivrance, 2,2 % vs 20,4 % de césariennes et 1 % vs 6,3 % de réanimation néonatale.
Seconde idée reçue : il serait impossible de s’organiser pour la gestion des transferts. Or, si 12 % des femmes seront transférées au cours de l’accouchement, c’est moins d’1 % qui le seront pour une cause urgente et grave avec intervention du Samu. Les autres se rendent elles-mêmes à la maternité où elles sont inscrites ; la majorité, pour stagnation du travail. Notre pays a su développer l’hospitalisation à domicile (HAD) pour des pathologies lourdes et bien plus à risque que la naissance. Nos voisins ont mis en place des procédures simples et efficaces de transfert, nécessitant, plus que des moyens, une concertation des acteurs. Certains territoires ont déjà mis en place de tels accords.
Dernière idée répandue : le déploiement de maisons de naissance ou de « salles nature » dans les hôpitaux, diminuerait la demande d’AAD. Nous constatons que, dans les régions où l’offre est riche, la demande persiste voire augmente, puisque les familles accèdent à une information plus complète sur la naissance. Sur internet, les réseaux de femmes soutiennent ces demandes qui, n’en déplaise à certains, ne cesseront pas.
Éthique et déontologie au cœur du débat
Que devons-nous à nos patientes ? Selon la législation : une information impartiale et éclairée, un respect de leurs choix, une offre de soins conformes aux données de la science. Plutôt que de continuer à opposer des écoles de pensées, nous devrions nous organiser en réseaux de soins sans attendre, pour prendre en charge la demande d’AAD. Une option qui répond à l’alliance « sécurité-humanité-proximité » du plan périnatal en vigueur.
La sage-femme pratiquant les AAD agit en interdépendance avec les hôpitaux, le Samu, les généralistes et pédiatres de ville. Mais beaucoup, sociétés savantes comme professionnels de terrain, refusent de s’organiser avec elles. La crainte de la survenue d’un cas grave, extrêmement rare, néanmoins déstabilisant, en est l’une des raisons. Mais l’anticipation permettrait de diminuer le risque. La peur de la responsabilité médicolégale en est le corollaire. Pourtant, les familles qui font le choix de l’AAD sont en général très informées, leur choix est mesuré et assumé. La sinistralité de l’AAD montre que les plaintes sont exceptionnelles. En réalité, les associations d’usagers envisagent dorénavant de porter plainte pour entrave à leurs droits fondamentaux, et discrimination, face au refus de répondre à leur demande.
Après « un enfant si je veux » puis « comme et quand je veux », les femmes revendiquent désormais « un enfant où je veux ». Les professionnels de la santé ont l’habitude de faire évoluer leur pratique aux grés des changements de la société, avec éthique. Le défi de l’organisation de l’AAD n’en n’est qu’un parmi d’autres.
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