Agénésies transverses des membres supérieurs, des probabilités infimes de trouver une cause selon le premier rapport

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Publié le 12/07/2019
Main d'un bébé de 3 mois

Main d'un bébé de 3 mois
Crédit photo : VOISIN/PHANIE

Quand en novembre dernier, la DGS lançait une enquête nationale pour investiguer les excès de cas d’enfants nés depuis les années 2000 avec une agénésie des membres supérieurs, son directeur, le Pr Jérôme Salomon, exprimait déjà la crainte de rechercher une « aiguille dans une meule de foins ». Près de 8 mois plus tard, cette appréhension s’avère être juste. Ce vendredi matin, au lendemain de sa présentation aux représentants des familles d’enfants concernés, le comité d’experts scientifiques (CES) chargé de l'enquête, avec l’appui de Santé publique France et de l’Anses, rendait public son premier rapport aux conclusions bien peu contributives. Sa présidente, le Pr Alexandra Benachi, chef du service de gynécologie-obstétrique de l'hôpital Antoine-Beclère de Clamart a expliqué ce matin vendredi la "complexité" d'une telle démarche.

Un cluster bien identifié dans le Morbihan

L’étape initiale des travaux s’est attachée à préciser la définition des Agénésies Transverses du Membre Supérieur (ATMS). Il s’agit d’une anomalie transversale, n’atteignant qu’un membre, et isolée, c’est-à-dire qu’aucun autre tissu ou organe n’est impliqué. Un diagnostic difficile en raison du risque de confusion avec d’autres anomalies de nature différente et d’origines génétiques ou mécaniques. Les malformations congénitales représentent 3 % des naissances dans le monde (les ATMS représentent 1,7 naissance pour 10 000) et leur prévalence est globalement stable. « C’est la survenue de cas groupés dans le temps et dans l’espace, supérieur au nombre attendu (nommé cluster ou agrégat spatio-temporel) qui constitue un signal pouvant justifier de mener des investigations complémentaires », précise le premier rapport de SpFrance et de l'Anses.

Ainsi, le CES a réexaminé tous les dossiers médicaux des enfants signalés dans le Morbihan et dans l’Ain. Des diagnostics d’ATMS ont été infirmés pour certains de ces cas. La présence d’un cluster a bien été confirmée dans la commune de Guidel (Morbihan). En raison du caractère spatio-temporel particulier des cas de Guidel, des investigations complémentaires vont être menées par SpFrance et l’Anses. Une recherche plus exhaustive de l’exposition aux médicaments pendant la période de grossesse à risque devrait être réalisée. Dans l’Ain, le CES a conclu à une absence de cluster. Les travaux se poursuivent en Loire-Atlantique en l’absence d’information complète précise sur les cas de la région.

« Cependant ces investigations ont des limites en raison du temps écoulé (biais de mémoire, demi-vie possiblement courte des substances potentiellement incriminées…). Mais pas seulement, précise le rapport. En effet, la présence d'un facteur X chez des sujets porteurs d'une maladie Y ne peut en aucun cas suffire pour affirmer au niveau collectif que le facteur X est la cause de la maladie Y. Dans la démarche collective, il faudra rassembler un certain nombre de critères (dit de causalité) épidémiologiques et toxicologiques. » Les travaux en cours devraient permettre de mieux caractériser les éventuels facteurs de risque environnementaux. Ils feront l’objet d’un second rapport du CES.

Facteurs environnementaux, une recherche titanesque

Concernant la recherche d’éventuels facteurs de risque environnementaux, une revue approfondie de la littérature a débuté à l’Anses et à SpFrance pour rechercher d’éventuels facteurs de risque d’ATMS actuellement non identifiés. Elle a permis de sélectionner 21 000 publications scientifiques. « Ce type de revue approfondie de la littérature scientifique est, à notre connaissance, la première du genre et sera très précieuse pour la suite des travaux à mener, pour SpFrance et l’Anses et plus globalement pour la recherche », note SpFrance.

En l’absence d’identification de facteurs de risques d’ATMS et en raison de la rareté de ces malformations, le comité d’experts ne recommande pas la réalisation d’une enquête épidémiologique de grande ampleur, qui nécessiterait plusieurs dizaines d’années d’observations. Pour autant, les connaissances sur les causes environnementales des anomalies du développement étant actuellement insuffisantes, il recommande de la recherche sur ce sujet.

Les investigations se poursuivent

Malgré les conclusions peu positives du rapport, le CES recommande de poursuivre les investigations, en particulier pour les cas situés dans le Morbihan. Il préconise le renforcement de la qualité, de l’évaluation et de la coopération des registres existants. Et un meilleur signalement des malformations en s’appuyant sur les professionnels de santé échographistes, obstétriciens et pédiatres, et sur les centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal, « pour mettre en place un dispositif d’alerte des suspicions de cas groupés qui couvre l’ensemble du territoire. » Parallèlement, le CES recommande d’améliorer la prise en charge, le suivi et l’accompagnement des familles.

« Je salue l’énorme travail accompli par les membres du comité d’orientation et de suivi et du comité d’experts scientifiques, a conclu le Pr Jérôme Salomon. Et je me réjouis de la poursuite de la mobilisation de l’expertise nationale. Une feuille de route des actions à mener sera proposée à l’automne et présentée au comité d’orientation et de suivi. »


Source : lequotidiendumedecin.fr