La greffe autologue de cellules souches hématopoïétiques (ASCT) reste le traitement de choix de première ligne du myélome multiple (MM), à condition que le patient soit éligible. Deux études présentées au congrès, Perseus et Iskia, objectivent clairement l’intérêt d’un quadruplet en induction et consolidation.
Un risque de progression de - 58 % avec le daratumumab
L’étude Perseus (1) était particulièrement attendue car, si l’association daratumumab-bortézomib-lénalidomide-dexaméthasone (D-VRd) a prouvé sa supériorité par rapport au VRd seul en première ligne de traitement pour les patients éligibles à l’ASCT – et qu’elle est de ce fait déjà largement utilisée –, elle n’est pour l’instant pas encore approuvée.
Dans l’étude de phase 2 Griffin, le D-VRd en induction/consolidation, suivi d’un maintien avec daratumumab-lénalidomide (D-R), a amélioré la profondeur de la réponse et la survie sans progression (SSP) par rapport au VRd et maintien par lénalidomide (R), après plus de quatre ans de suivi. Ce sont ces deux stratégies qui sont comparées à nouveau dans l’étude Perseus, cette fois en phase 3.
Chez les 709 patients, l’âge médian était de 60 ans ; 15 % étaient en stade 3 du score international ISS et 22 % avaient un risque cytogénétique élevé ; 314 personnes sur 355 dans le bras D-VRd et 299 sur 354 dans le bras VRd ont terminé les cycles d’induction et de consolidation ; respectivement 309 et 294 ont bénéficié d’une ASCT ; 322 et 300 d’un traitement de maintenance.
« Les premiers résultats sont impressionnants, avec 58 % de diminution du risque de progression ou de décès dans le bras comprenant l’anti-CD8, soit la meilleure SSP observée dans une étude de phase 3 », se félicite le Pr Pieter Sonneveld (Rotterdam, Pays-Bas).
Après un suivi médian de 47 mois, la SSP est de 84,3 % sous D-VRd, vs 67,7 % pour le VRd (p < 0,0001), un bénéfice constant dans tous les sous-groupes, y compris pour les stades 3 et ceux à risque cytogénétique élevé.
Les taux globaux de réponse complète (RC) et de maladie résiduelle minime (MRD, NGS 106) étaient significativement plus élevés : 87,9 % vs 70,1 % et 75,2 % vs 47,5 %, p < 0,0001 pour les deux. Le recul est insuffisant pour conclure sur la survie globale (SG) mais la tendance est favorable (9,6 vs 12,4 % de décès).
Le profil de tolérance est bon, avec des données conformes à ce qu’on savait de ces associations : les événements indésirables (EI) de grades 3 et 4 les plus fréquents sont surtout hématologiques – neutropénie et thrombocytopénie –, suivis de la diarrhée et de la pneumonie, avec un peu plus d’EI sous D-VRd que sous VRd.
Ces résultats sur la SSP et la profondeur de la réponse devraient faire du D-VRd la nouvelle norme thérapeutique pour les MM éligibles à l’ACST.
Dara-KRD, particulièrement prometteuse dans le haut risque
Une étude de phase 2 confirme l’intérêt de l’association daratumumab, carfilzomib, lénalidomide, et dexaméthasone (dara-KRd) en induction/consolidation chez les patients à haut risque (HR) cytogénétique, dont le pronostic reste habituellement mauvais. Chez les 50 patients de l’étude IFM 2018-04 (2), tous avec une cytogénétique HR, 72 % ont pu bénéficier d’une seconde greffe.
« Parmi les patients évaluables, le taux de MRD (NGS, 106) avant maintenance était de 94 %, avec une SSP sur 24 mois de 87 %, et une SG de 94 %, des résultats impressionnants jamais observés chez ce type de patients », insiste le Pr Cyrille Touzeau (CHU Nantes).
Iskia : un autre quadruplet, avec l’isatuximab
L’étude Iskia (3) propose un schéma similaire, avec l’association de l’isatuximab au KRd (IsaKRd), comparé au KRd seul, en induction et consolidation chez plus de 300 patients de moins de 70 ans éligibles à l’ASCT. Parmi eux, 18 % présentaient des anomalies cytogénétiques à haut risque (9 % au moins deux anomalies).
L’objectif principal, le pourcentage de MRD négative (NGS, 105) après consolidation, a été obtenu dans 77 % des cas sous isaKRd, vs 67 % sous KRd (OR = 1,67 ; p = 0,049) et, en retenant le seuil NGS de 106, dans 67 vs 48 % (OR = 2,29 ; p < 0,001). Le bénéfice se retrouve dans tous les sous-groupes, en particulier chez les patients à haut risque cytogénétique, alors qu’il est bien inférieur dans le bras KRd (58 vs 70 %).
Le taux de très bonne réponse partielle (VGPR) après consolidation était de 94 % dans les deux bras, avec une réponse complète identique (74 vs 72 %).
En ce qui concerne la SSP, les données ne sont pas encore matures ; après un suivi médian de vingt mois, on ne constate pas de différence (95 % à un an dans les deux bras).
Le profil de tolérance est globalement bon. Les EI de grades 3 et 4 sont plus nombreux avec IsaKRd : 55 vs 43 %, avec un peu plus de neutropénies en particulier (37 contre 22 %), et 41 vs 37 % d’EI non hématologiques. À noter, quatre décès liés au traitement avec isaKRd, vs un avec KRd.
« En augmentant significativement le taux de MRD négatives, y compris chez les patients à haut risque, l’association de l’isatuximab au KRd en induction et consolidation (données d’Iskia), confortées par celles de Perseus, mettent définitivement la stratégie quadruplet en première ligne dans les myélomes éligibles à la greffe », tranche la Pr Francesca Gay (Turin, Italie).
Iberdomide : un nouveau candidat en traitement de maintenance
L’iberdomide est un nouveau modulateur oral de la ligase E3 du céréblon (CELMoDTM) avec des effets antitumoraux directs et immunostimulants. Il avait déjà fait ses preuves dans le MM réfractaire.
L’étude EMN26 (4) de phase 2 a étudié son intérêt en maintenance dans le MM. Après un traitement d’induction suivi d’une ASCT simple ou double, avec ou sans traitement de consolidation, un traitement de maintenance était instauré, avec une 0,75, 1 ou 1,3 mg d’iberdomide (40 patients dans chaque bras), jusqu’à progression ou toxicité inacceptable.
Les résultats préliminaires sont encourageants : la réponse est améliorée chez 48 % des patients traités par 1 mg d’iberdomide et chez 45 % dans le groupe 1,3 mg. La SSP à six mois est de 97 et 94 % dans les cohortes de 1 et 1,3 mg.
La tolérance de l’iberdomide dans cette étude est proche de celle observée avec le lénalidomide en entretien, avec pour principaux EI de grade 3 ou 4 la neutropénie (21 % sous 1 mg, 46 % sous 1,3 mg), les infections (3 et 14 %) et la fatigue (12 et 14 %).
L’iberdomide pourrait ainsi représenter une nouvelle stratégie efficace d’entretien post-ASCT, avec un profil d’innocuité favorable et une amélioration de la réponse à six mois (26 % dans l’étude EMN02), supérieure à celle observée avec le lénalidomide. Un suivi supplémentaire est nécessaire pour définir la dose qui sera utilisée dans l’étude d’entretien randomisée de phase 3 Excaliber.
Patients inéligibles à la greffe, des résultats mitigés
L’étude GEM2017FIT (5) a comparé le traitement standard, VMP (bortézomib, melphalan, prednisone) suivi du Rd (lénalidomide, dexaméthasone), à un traitement par KRd (carfilzomib, lénalidomide, dexaméthasone) ou dara-KRd avec consolidation par D-R (daratumumab-lénalidomide) dans les deux bras.
Si les résultats sont bons pour le taux de MRD résiduelle (NGF, 105) avec le KRd (69 %) et le dara-KRd (79 %), vs 32 % pour VMP-Rd (p < 0,0001 pour les deux), ainsi que le taux de RC (59 % sous KRd et 61 % dara-KRd, vs 40 % sous VMP-Rd, p < 0,0001), on constate plus d’événements cardiovasculaires de grades 3 et 4 dans les bras KRd (11 %) et dara-KRd (14 %), vs 5 % avec le VMP-Rd (p < 0,0001), et plus d’infections potentiellement mortelles dans le groupe dara-KRd. « Une toxicité importante. On attend les résultats sur le long cours », remarque la Pr Maria-Victoria Mateos (Salamanque, Espagne).
(1) ASH 2023. LBA-1 ; Sonneveld P et al. Daratumumab, bortezomib, lenalidomide, and dexamethasone for multiple myeloma. NEJM, 12 déc 2023
(2) ASH 2023. Abs. 207
(3) ASH 2023. Session plénière, Abs. 4
(4) ASH 2023. Abs. 208
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