Fondé en 2021 par les Drs Françoise Fericelli et Eugénie Izard, deux pédopsychiatres poursuivies à la suite de signalements de suspicions de maltraitance, le collectif Médecins Stop Violences, demande une évolution du code de santé publique. Ce collectif rassemble aujourd’hui 65 médecins, en majorité des pédopsychiatres, généralistes et pédiatres, dont une trentaine ont fait l’objet de poursuites ordinales.
Afin de mieux lutter contre les violences faites aux mineurs, Médecins Stop Violences veut rendre obligatoire le signalement par les praticiens des sévices faits aux enfants. Il y a un an le collectif a lancé une pétition, qui a recueilli plus de 4 500 signatures, pour inviter les pouvoirs publics à modifier le cadre législatif et réglementaire, afin que les médecins qui signalent des maltraitances soient protégés.
Intérêt supérieur de l'enfant
Le collectif demande l'irrecevabilité des plaintes ordinales et l'interdiction des poursuites et condamnations, dès lors que la protection d'un enfant est en jeu et que les médecins ont fait un signalement de bonne foi. « Aujourd’hui, des praticiens sont poursuivis pour s’être adressés au juge des enfants au lieu du procureur de la République, pour ne pas avoir utilisé le conditionnel ou pour avoir nommé l’auteur présumé des violences, observe, au nom du collectif, la Dr Françoise Fericelli, pédopsychiatre en Haute-Savoie. Dans l’affaire qui me concerne, un enfant est mort trois jours après que j’ai reçu la condamnation ! L’Ordre doit revoir la hiérarchie de ses normes : l'intérêt supérieur de l'enfant et sa protection devraient primer sur toute autre considération, notamment sur l'immixtion dans les affaires de famille. »
De fait, lorsqu’ils sont confrontés à des situations de violences, les praticiens sont soumis à des injonctions contradictoires. « Lorsqu'un médecin discerne qu'une personne est victime de sévices ou de privations, il doit mettre en œuvre les moyens les plus adéquats pour la protéger en faisant preuve de prudence et de circonspection, stipule l’article 44 du code de déontologie. Lorsqu’il s’agit d’un mineur ou d’une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique, il alerte les autorités judiciaires ou administratives sauf circonstances particulières qu’il apprécie en conscience. »
Les médecins ont donc une obligation de protection mais ils sont aussi tenus au « secret professionnel » et ont interdiction de « s’immiscer sans raison professionnelle dans les affaires de famille ». Cette réglementation kafkaïenne et la crainte de poursuites dissuadent souvent des médecins d’alerter la justice.
L'importance des médecins dans le signalement des violences est pourtant régulièrement rappelée par les acteurs de la protection de l'enfance. En mars 2022, la commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, la Ciivise, s’est même prononcée pour l'obligation de signalement par les médecins des enfants victimes en demandant son inscription dans la loi. « Il y a nécessité de clarifier les règles relatives au signalement, confie au Quotidien Edouard Durand, président de la Ciivise. Car on ne peut pas dire qu’il faut favoriser le signalement des violences sexuelles faites aux enfants et dans le même temps entraver les médecins dans leur action de signalement, ils doivent être protégés contre les sanctions disciplinaires. » Parmi les 20 préconisations rendues publiques l’an dernier, la Ciivise demande la création d’une cellule nationale de soutien des professionnels de santé.
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