Quand l’obstétrique chinoise s’occidentalise

L’hôpital de Yanda : 40 blocs, 2 000 lits

Publié le 14/12/2010
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Crédit photo : D. CH.

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Crédit photo : D. CH.

DE NOTRE ENVOYÉE SPÉCIALE

LE CHAT est un signe moins prolifique que le cochon en matière de conceptions : il y aura moins de bébés chinois en 2011 qu’en 2007. Sauf si la médecine s’en mêle : « Avec nos FIV, il y a bien des fois où il y aura deux bébés à la fois! », s’amuse le Dr Michel Martin, un obstétricien lyonnais recruté par l’hôpital de Yanda pour y diriger la maternité. À 70 ans, il joue la dernière manche de sa carrière.

C’est intrigué que le Dr Martin assiste au pataquès administratif, qui, depuis des mois, retarde l’ouverture de l’établissement. « L’administration chinoise, c’est quelque chose, dit-il. Récemment, un militaire est venu inspecter les lieux sans donner d’explication. Tout le staff a dû présenter son diplôme à plusieurs reprises, moi y compris. »

Le Dr Martin a débarqué à Pékin au printemps dernier. Son premier séjour en Chine. Il s’est mis au parfum des pratiques locales en attendant le coup d’envoi des consultations. En Chine, la césarienne est facile, et la péridurale plutôt rare. Yanda se veut international : l’obstétrique sera pratiquée à la française. En intégrant des bizarreries chinoises, comme cette table rose bonbon réservée à un usage bien particulier : « La patiente s’y allonge de façon à ce que le gynécologue lui lave les fesses avant l’examen. C’est l’usage en Chine! Et je vais être formé à ça ! », sourit le Dr Martin.

Le Dr Wang Jing fait partie de l’équipe. L’obstétricienne est originaire du Xinjiang, cette province du nord-ouest majoritairement peuplée d’Ouïgours. Elle y a pratiqué des césariennes à tour de bras avant de partir à Pékin. « Parce que la maman le demandait par peur d’avoir mal, ou parce que j’avais un soupçon par rapport à un risque de complication. » Il y a dix ans de cela, dans le Xinjiang, la stérilisation chirurgicale ou la pose d’un stérilet était obligatoire après le premier enfant. « Aujourd’hui, c’est moins vrai. C’est la femme qui décide ». Le Dr Wang a rejoint Yanda cet été, enthousiaste à l’idée de découvrir des pratiques étrangères.

Aujourd’hui, elle partage le même bureau que Marion Ouidir, une sage-femme de Grenoble arrivée là grâce à une offre de Pôle Emploi. Dans peu de temps, elle l’espère, Marion Ouidir pourra remplir sa mission : accoucher les Chinoises à la française. Avec une seule femme par salle d’accouchement, et un mari présent, contrairement aux usages chinois. « Notre but est de diminuer le taux de césariennes », précise-t-elle. La maternité table sur 2 500 accouchements par an. Son staff est appelé à s’étoffer. Marion Ouidir gagnera six fois le salaire de ses collègues chinoises. Il faut dire que son employeur est français : le groupe de cliniques Noalys – que dirige Jean-Loup Durousset, président en France de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP) – a investi de l’argent dans la maternité de Yanda.

L’hôpital, conçu par Polly Rolland, une architecte française d’origine chinoise, est bâti sur d’anciens champs. Aujourd’hui, Yanda regroupe 40 blocs, 2 000 lits hospitaliers, et 8 000 places en maison de retraite (très haut de gamme). Fitness, sauna, galerie marchande, mais aussi mosquée, temple bouddhiste, églises, piscine, rivière intérieure, banques.... « Un choc culturel à l’état pur », commente Roselyne Bachelot (« le Quotidien » du 9 novembre), qui a visité l’endroit au printemps dernier.

DELPHINE CHARDON

Source : Le Quotidien du Médecin: 8876