Inoxydable. Tel devrait être le médecin, du moins dans l’imaginaire de beaucoup d’entre eux. Un peu comme si leur diplôme avait été livré avec une sorte d’immunité magique les protégeant contre les maladies. Cette conception, heureusement en déclin, n’a pas tout à fait disparu, et est à l’origine de bien des drames : retards de diagnostic, déni face aux problèmes d’addiction, refus d’admettre une situation d’épuisement professionnel… Et c’est bien pour cela que des associations se sont constituées pour répondre aux difficultés que vivent les soignants quand ils sont eux-mêmes malades.
« Pour inspirer la confiance, il faut respirer la santé, remarque le Dr Jean Thévenot, gynécologue et président de l’association Médecins-organisation-travail-santé (Mots) qui aide et accompagne les soignants quand ils se retrouvent de l’autre côté du stéthoscope. C’est pour cela qu’avouer qu’on est malade a longtemps été, et reste en partie, un tabou pour les médecins. Se l’avouer à soi-même, d’abord, puis le montrer vis-à-vis des patients et des confrères, tout cela est difficile. » Pour preuve : peu de médecins ont un médecin traitant, relève ce praticien.
Un constat d’autant plus inquiétant, ajoute-t-il, que les médecins sont exposés à des facteurs de risque particuliers : risques liés aux maladies transmissibles, bien sûr, mais aussi risques liés à l’épuisement professionnel. « Nous voyons bien au sein de l’association Mots que les médecins qui arrivent sont au bout du rouleau, et n’ont pu parvenir jusqu’à nous qu’après un cheminement relativement important », relate le Dr Thévenot.
Curriculum caché
Il faut dire que cette question fait partie de ce que le Pr Éric Galam, professeur de médecine générale à l’université Paris-Cité et responsable du DIU « Soigner les soignants », appelle le « hidden curriculum ». « Pour devenir médecin, il y a certaines choses dont on apprend sans s’en rendre compte qu’il faut les cacher si elles apparaissent, et en tout cas les vivre comme des problèmes individuels », décrypte ce dernier, citant, en plus des thématiques du médecin malade et de l’épuisement professionnel, celle de l’erreur médicale. L’idée générale est qu’il ne faut pas montrer ses fragilités, résume-t-il.
Fort heureusement, le tabou tend à s’estomper avec le temps. C’est ainsi que le DrThévenot remarque que les jeunes générations de médecins sont plus susceptibles d’avoir un médecin traitant. Un constat qu’il nuance toutefois en ajoutant que beaucoup, parmi ces jeunes médecins, vont abandonner leur médecin traitant au gré des déménagements ou autres aléas du début de leur activité professionnelle.
De même, Éric Galam note qu’une thématique comme le burn-out des médecins, dont on parlait très peu il y a quinze ans, est devenue largement discutée. Mais lui aussi, aussitôt après avoir dressé ce constat positif, introduit une nuance. « En mettant le burn-out des médecins sur le même plan que celui qui touche, par exemple, les hauts cadres, on désactive la spécificité de ce phénomène chez les soignants, avertit l’universitaire. Or le fait que les soignants sont impliqués dans une relation d’aide rend la prise en charge de leur épuisement très spécifique. » La solution, selon lui, réside dans la formation. « Il faut rappeler qu’être soignant est une pratique à risque, et qu’il faut s’y préparer », estime-t-il.
Cancer colorectal chez les plus de 70 ans : quels bénéfices à une prise en charge gériatrique en périopératoire ?
Un traitement court de 6 ou 9 mois efficace contre la tuberculose multirésistante
Regret post-vasectomie : la vasovasostomie, une alternative à l’AMP
Vers un plan Maladies rénales ? Le think tank UC2m met en avant le dépistage précoce