Covid-19 et enfant, la vigilance reste de mise

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Publié le 20/09/2021
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Crédit photo : BURGER/PHANIE

Pour la deuxième année consécutive, la rentrée se déroule sous le signe du Covid-19 et sur fond d’inquiétude, même si, pour le moment, les effets collatéraux de l’épidémie chez l’enfant semblent plus préoccupants que son impact direct.

Quid de l’impact du variant Delta ?

Cet été, l’hypothèse d’une virulence accrue du variant Delta en population pédiatrique a fait couler beaucoup d’encre. Alors que les Américains s’alarmaient d’une augmentation des hospitalisations et des décès de jeunes pour Covid sévère, la crainte était d’observer le même phénomène en France, dans un contexte de rebond épidémique lié à la rentrée.

Le chemin des classes repris, les signaux sont plus rassurants. Grâce au passe sanitaire, l’Institut Pasteur table désormais sur 33 % et non plus 50 % d’infections chez les 0-17 ans. La protection vaccinale des adolescents n’a cessé de progresser (fin août, 63,5 % des 12-17 ans avaient reçu leur première dose et 47,1 % un schéma vaccinal complet). Et pour ceux qui ne sont pas vaccinés ou sont trop jeunes pour l’être, la crainte que le variant Delta ne provoque une flambée de formes graves en pédiatrie semble aujourd’hui pouvoir être relativisée. Alors que l’on comptabilisait au 6 septembre 66 enfants de 0-9 ans et 78 de 10-19 ans hospitalisés, « il n’y a pas aujourd’hui de signal d’aggravation de la maladie Covid chez les enfants », rassurait au même moment le Directeur général de la santé. En d’autres termes, si le nombre de cas pédiatriques a certes augmenté avec la 4e vague, les taux d’hospitalisation et de mortalité sont restés stables. « Le variant Delta n’est pas plus responsable de formes sévères que le virus précédent chez l’enfant et le nourrisson », martèle d’ailleurs la Société française de pédiatrie depuis la fin de l’été.

Deux études publiées début septembre par le Centre pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) américain, s’appuyant sur les données de patients hospitalisés dans 14 États, confortent cet optimisme. Entre mi-juin et fin juillet, le nombre de 0-17 ans hospitalisés a bien été multiplié par 5, comparé à la période de mars à mi-juin où le variant Delta n’était pas encore dominant. Mais la proportion de formes graves nécessitant une prise en charge en soins critiques n’a pas varié.

Pour autant, la dynamique de l’épidémie chez les plus jeunes reste sous haute surveillance. En semaine 35 (du 30 août au 5 septembre), le taux d’incidence s’était stabilisé chez les 3-5 ans et les 0-2 ans. Il était en diminution chez les 6-10 ans (-13 %), les 11-14 ans (-22 %) et les 15-17 ans (-28 %). Mais pour Santé publique France, l’éventualité d’un rebond de l’épidémie chez les plus jeunes, alors qu’ils sont à nouveau en collectivité, ne peut être totalement écartée.

Compte tenu de la contagiosité et du brassage, le Dr Fabienne Kochert, pédiatre à Orléans et présidente de l’Association française de pédiatrie ambulatoire (AFPA), recommande en tout cas, « selon le taux d’incidence et le statut vaccinal des parents, d’avoir le test de dépistage assez facile : y compris avec des tests antigéniques réalisés au cabinet. Dans la mesure où, entre signes ORL, toux, fièvre et/ou troubles digestifs, les symptômes ne sont pas spécifiques chez l’enfant, il faut garder le Covid en tête, insiste la pédiatre. D’autant qu’il n’y a actuellement ni grippe, ni VRS qui circulent. »

PIMS, ne pas baisser la garde

Sur le front des syndromes inflammatoires multi-systémiques pédiatriques (PIMS), la situation semble stabilisée. Au 24 août, on recensait un total de 650 cas, dont 565 en lien prouvé avec une infection Covid. Après une décrue à l’été 2020 puis une nouvelle hausse à l’automne, les signalements se sont ensuite stabilisés à 9-15 cas hebdomadaires jusqu’à la fin mai, avant de décroître à nouveau cet été. Mais attention : « si l’on n’a pas de gros signal actuellement, ces syndromes surviennent en moyenne 4 à 5 semaines après l’infection », prévient le Dr Kochert, qui appelle à ne pas baisser la garde.

Le Covid long en débat

L’existence de formes de Covid long chez des enfants fait, elle, toujours débat, alors que des groupes de parents se créent sur les réseaux sociaux et que d’autres pays (Royaume-Uni, Canada, Suisse, États-Unis) ont ouvert des consultations dédiées. « Il n’y a qu’en France que l’on s’interroge, alors qu’il ne viendrait l’idée à personne de nier que l’on puisse souffrir de fatigue prolongée après une infection virale comme la mononucléose. Pour moi, une anosmie prolongée est un signe de Covid long », s’agace le Dr Michaël Rochoy, généraliste à Outreau et initiateur de l’opération – et du site – Stop-postillons en avril 2020. Les signes rapportés par les parents sont aussi nombreux et peu spécifiques que chez l’adulte. Des travaux publiés en août par une équipe de Marseille qui a suivi 201 enfants infectés lors de la 1re vague concluent à l’existence de formes longues aux caractéristiques similaires à celles de l’adulte chez 17 % des suivis. Mais pour la présidente de l’AFPA, focaliser sur les Covid longs pédiatriques relève du débat inutile tant que l’on manque de données solides.

Des suivis classiques à rattraper

Garder le Covid en tête ne doit pas faire oublier le reste. Malgré les gestes barrières, les maladies infantiles n’ont pas disparu. Les varicelles « sont revenues au galop chaque fois que crèches et écoles ont réouvert », rappelle le Dr Kochert. Quant aux affections saisonnières, elles ne se manifestent pas quand on les attend, mais en décalage : « l’hiver dernier, on a vu peu de bronchiolites et peu de gastros, avec un pic en février alors que ces épidémies se déclarent normalement en novembre et décembre, aussi réglées que du papier à musique ».

Il ne faut pas négliger non plus les effets collatéraux de la pandémie sur le suivi de santé global. Les vaccinations essentielles, du nourrisson à l’adolescent, ont accusé des retards. Selon le 6e rapport Epi-Phare, publié en mai, la chute de vaccinations enregistrée lors du premier confinement a été suivie d’un retour à la normale les mois suivants. Mais on observait à nouveau une baisse début 2021, avec 28 700 délivrances de vaccins penta et hexavalents et 96 400 vaccins ROR de moins qu’attendu. En cette rentrée, « il reste un petit retard à résorber pour le ROR mais on n’observe pas de signal de résurgence de la rougeole, souligne la présidente de l’AFPA. Le retard dans la vaccination HPV n’a en revanche pas été rattrapé. »

Il faut aussi maintenir, sinon reprendre, le suivi des maladies chroniques, comme pour l’asthme par exemple. Le Dr Kochert insiste par ailleurs sur la nécessité d’un suivi régulier, en dehors de toute pathologie. Le certificat médical de non-contre-indication à la pratique du sport n’étant plus nécessaire, « le risque est de ne plus voir les enfants que lorsqu’ils sont malades ». Et d’avoir moins l’occasion d’évaluer leur croissance et leur développement. À relâcher la surveillance régulière, on peut aussi passer à côté de troubles de la puberté, comme pour cette jeune patiente dont le Dr Kochert se souvient avec amertume, vue en consultation à l’issue du premier confinement pour une avance de puberté : « trop tard pour que l’on puisse agir ».

Le spectre des séquelles psychologiques

À la maison des adolescents que le Dr Paul Jacquin dirige à l’hôpital Robert-Debré, « on a aussi constaté une explosion des troubles du comportement alimentaire, chez les filles comme les garçons et à tous les âges. Les conseils bienveillants de prévention incitant à bouger se sont transformés en injonction pour certains, le trouble anorexique étant aussi une façon de lutter contre l’anxiété en prenant le contrôle », analyse le pédiatre.

Plus généralement, « il y a beaucoup d’enfants qui ne vont pas bien et ça ne fait qu’augmenter », s’inquiète la présidente de l’AFPA. D’après le réseau de surveillance Oscour, le nombre de passages aux urgences pour geste suicidaire a augmenté de 40 % parmi lesmoins de 15 ans depuis début 2021.« On redécouvre à chaque crise que les enfants sont une caisse de résonance, souligne le Dr Jacquin. Or il est évident qu’une société aussi anxiogène pèse lourd sur leurs épaules. Cela se manifeste à distance et perdure. On a vu l’effet rebond du premier confinement l’automne dernier, avec des enfants plus anxieux, plus douloureux, manifestant divers troubles somatoformes. » Dans ce contexte, le pédiatre invite à la vigilance : « la rentrée est toujours un moment difficile : tout le monde ne se recale pas facilement. Mais un peu à distance, il est utile de vérifier si l’enfant/adolescent a retrouvé une vraie adaptabilité, en évaluant la place respective du temps consacré au sommeil, à l’activité physique. Et aux écrans, dont on a constaté combien ils avaient rempli l’espace vide lors des confinements. »


Source : lequotidiendumedecin.fr