Mineurs en cadre pénal

Deux jours pour changer

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Publié le 29/11/2018
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Crédit photo : LAWRENCE LAWRY/NATIONAL ARTIFICIAL EYE SERVICE/SPL/PHANIE

Le service territorial éducatif de milieu ouvert et d’insertion (Stemoi), qui dépend de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), intervient exclusivement sur mandat judiciaire après une infraction commise par des mineurs. À Nancy, si celle-ci est en rapport avec les stupéfiants, une fois la mesure prise, une rencontre préparatoire avec les parents permet d’en expliquer les modalités et les objectifs. Des entretiens évaluent notamment la dépendance, la connaissance des substances addictives, les dimensions personnelle et familiale du problème. « Pour éviter toute approche moralisante, nous avons élaboré plusieurs champs d’intervention au cours de ce stage de deux jours mis en place depuis 6 ans », précise Joël Bourquin, éducateur à la PJJ de Nancy.

La première matinée se déroule dans le service d’addictologie du CHU Brabois. Une fois définis l’addiction, la dépendance, les modes d’entrée dans la consommation, le sujet est abordé de façon assez originale par les médecins, qui démontrent aux jeunes qu’ils sont généralement entrés dans la consommation de stupéfiants par celle du tabac. Puis ils abordent la nocivité de l’association cannabis-tabac, les inquiétudes autour des dommages neuropsychologiques de la consommation précoce de cannabis et démontent les manipulations de l’industrie du tabac, particulièrement destinées aux jeunes. Ces sessions, très interactives, intéressent beaucoup l’auditoire, dont les parents, systématiquement invités.

Les parents impliqués

L’après-midi est plus spécifiquement dédié à la prévention, avec des interventions sur la Loi, le sens de l’interdit. La majorité des mineurs présents méconnaît la législation sur les stupéfiants. Aussi est-il nécessaire de l’approcher de façon pragmatique, avec les conséquences de leur usage dans les phénomènes de violence, pour la sécurité routière, selon le code du travail, pour l’accès à l’emploi… Les jeunes sont également sensibilisés aux risques liés à leur association avec l’alcool. Les adolescents trouvent dans ces interventions éducatives une opportunité de dialoguer de façon dépassionnée et libre, d’aborder les contradictions de la société et d’entendre un contre-discours argumenté.

Le deuxième jour, le groupe de parents et d’adolescents aborde la problématique addictive avec un éducateur spécialisé. Il est important de rassurer les adultes quant à leur fonction parentale (sans jugement), de les amener à dialoguer (ou renouer) avec l’adolescent, à adopter des postures claires, à lever certaines ambiguïtés et à prendre conscience de dysfonctionnements familiaux.

Pour valider leur stage de sensibilisation, chaque jeune doit prendre un rendez-vous individuel, dans les trois semaines, avec une association spécialisée de « prévention et réduction des risques ». Il reçoit les coordonnées des lieux qui lui sont ouverts (dont le service du CHRU) s’il souhaite s’engager dans le sevrage tabagique. S’agissant d’usage et non de trafic de stupéfiants, la loi, qui prévoit jusqu’à un an d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende, n’est en pratique pas appliquée. La validation du stage entraîne le classement des poursuites et l’absence d’inscription au casier judiciaire. « Avec le recul, même si on n’a pas de statistiques concernant le suivi de ces jeunes, on constate de façon empirique que le taux de récidives est très faible », se félicite l’éducateur.

Entretien avecJoël Bourquin, éducateur, Protection judiciaire de la jeunesse (Nancy)


Source : Le Quotidien du médecin: 9706