Les sénateurs refusent l'ouverture de l'AMP aux couples de femmes mais confortent l'adoption par l'épouse

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Publié le 17/02/2016
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Crédit photo : PHANIE

Quelle réponse apporter aux contournements de la loi française lorsque des couples partant à l'étranger pour avoir un enfant sans nuire à l'intérêt de ce dernier, se sont interrogés dans un rapport d'information les sénateurs de la commission des lois Yves Détraigne (UDI, Champagne-Ardenne) et Catherine Tasca (PS, Ile-de-France).

Le recours à l'assistance médicale à la procréation (AMP) par des couples de femmes, en Belgique ou en Espagne, puis l'adoption de l'enfant par l'épouse de la mère (en application de la loi du 17 mai 2013 sur le mariage pour tous), confronte en effet le droit français à une situation qu'il n'autorise pas : l'AMP pour des raisons non médicales. Le recours à la gestation pour autrui (GPA) aux États-Unis, en Inde, en Ukraine, ou encore au Canada, puis la demande de la transcription de la filiation entre l'enfant et les parents d'intention dans l'état civil français, va jusqu'à mettre le droit français en porte à faux avec l'interdiction de la GPA.

Préserver le cadre juridique existant

Le rapport ne propose aucun bouleversement du droit existant. « Nous ne sommes pas sur un registre idéologique. Nous veillons à ce que nos lois ne soient pas contournées », a rappelé le président de la commission des lois Philippe Bas (LR, Normandie).

Au sujet de l'AMP pour des couples de femmes, les sénateurs confortent la position prise par la Cour de cassation en 2014. Dans deux avis du 22 septembre, la plus haute juridiction estime que le recours à l'AMP à l'étranger « ne fait pas un obstacle au prononcé de l'adoption, par l'épouse de la mère de l'enfant, dès lors que les conditions légales de l'adoption sont réunies et qu'elle est conforme à l'intérêt de l'enfant ».

Cette position présente « un équilibre satisfaisant », a dit Yves Détraigne, en ce qu'elle s'articule avec les lois françaises, notamment la définition de la mère comme celle ayant accouché de l'enfant, et la possibilité de l'adoption sans contrôle des modalités de conception de l'enfant aux couples de même sexe, ouverte par la loi du 17 mai 2013.

Cette position ne modifie pas, par ailleurs, les conditions d'accès à l'AMP fixées par les lois de bioéthique de juillet 1994. La mission d'information précise ne pas vouloir ouvrir l'AMP aux couples de femmes : « la suppression de l'exigence d'une infertilité médicalement constatée emporterait un bouleversement de la conception française de l'AMP, en ouvrant la voie à un droit à l'enfant et à une procréation de convenance », lit-on.

Interrogés par « le Quotidien du Médecin », les rapporteurs ont indiqué ne s'être pas penchés sur les sanctions encourues par des médecins orientant leurs patients vers des structures d'AMP à l'étranger.

Renforcer l'interdiction de la GPA

« Il n'est absolument pas question d'ouvrir les portes à la GPA », a insisté Catherine Tasca, alors que la Cour européenne des droits de l'homme (CEHD) a condamné la France pour n'avoir pas reconnu la filiation d'enfants nés par GPA, estimant que ce refus portait atteinte à leur droit à l'identité.

Les rapporteurs estiment qu'une telle position, suivie par plusieurs décisions d'inscription à l'état civil pour des enfants issus de GPA, fragilise l'effectivité de la prohibition de la GPA en France. Ils dénoncent deux idées fausses : que les enfants issus de GPA seraient des « fantômes de la République » (ils peuvent vivre en France avec un état civil étranger, comme les enfants de couples étrangers, ou des Français nés à l'étranger dont les parents n'ont pas demandé la transcription de l'état civil) ; et que l'ouverture d'une GPA « éthique » réduirait le recours de ce procédé à l'étranger (la Grande-Bretagne s'est engagée sans succès dans cette voie depuis le milieu des années 1980, constatent-ils).

Refus de la filiation complète

Pour ne pas « priver d'effets la prohibition de la GPA », les sénateurs refusent d'entériner le principe d'une transcription complète de l'acte d'état civil étranger, pourtant défendue par le Défenseur des Droits Jacques Toubon. Ils proposent d'autoriser expressément l'enfant, et lui seul, à faire établir sa filiation dans le respect du droit français, c'est-à-dire de ne faire reconnaître que la filiation paternelle biologique. La filiation avec le parent d'intention ne serait pas possible, pas plus qu'une adoption ultérieure de l'enfant, insiste le rapport, dans le but de ne pas « prolonger le processus de recours frauduleux à la GPA ». Le parent d'intention devrait alors se contenter de recevoir une délégation d'autorité pérenne, « pour faciliter la vie des familles ».

Enfin, les rapporteurs demandent de renforcer l'interdiction de la GPA en relevant le quantum de peines encourues, et en engageant des négociations internationales pour que les pays pratiquant la GPA l'interdisent aux ressortissants français.


Source : lequotidiendumedecin.fr