Les antibiotiques voient aujourd’hui leur efficacité remise en cause du fait de l’émergence de bactéries multirésistantes, responsables de 33 000 décès par an en Europe et de 5 500 en France. « En 2050, on mourra plus d’infections que de cancers, a assuré le Pr Franck Bruyère, responsable du comité d’infectiologie de l’AFU (CIAFU), chef du service d’urologie au CHRU de Tours. Les urologues entendent participer, à leur niveau, à un changement des pratiques. » Rappelons que la France reste le premier consommateur d’antibiotiques en Europe.
Il est indispensable d’apprendre à les utiliser convenablement. L’urologue doit savoir quel site il souhaite atteindre, quel germe il vise et quel est le terrain du patient (allergies, gestation, pratique sportive…). « Il convient par exemple, selon le Pr Bruyère, d’éviter les quinolones chez un sportif, car ces médicaments peuvent entraîner des pathologies tendineuses, notamment des ruptures du tendon d’Achille. » C’est pourquoi l’AFU a mis en place des formations dédiées pour les urologues.
Réévaluer après 48 heures
On considère aujourd’hui qu’il est essentiel de faire le point au bout de 48 heures afin d’évaluer si l’antibiotique prescrit est le plus adapté. Cette réévaluation repose sur la clinique (le patient se porte-t-il mieux, supporte-t-il bien le traitement ?), et sur des examens biologiques : l’ECBU et l’antibiogramme, qui permet de déterminer à quel médicament le germe est le plus sensible. « Les prescriptions d’antibiotiques sont probabilistes, a expliqué le Pr Bruyère. Lorsqu’on choisit un traitement, on estime avoir 90 ou 95 % de chances d’avoir opté pour le meilleur, mais l’antibiogramme peut montrer qu’un autre médicament, dont la pression de sélection est inférieure, serait plus adapté. »
Bien prescrire, c’est également savoir ne pas prescrire d’antibiotique dans certaines situations. « Il y a même des circonstances où l’on a démontré que prescrire à tort des antibiotiques augmente le risque infectieux », a affirmé le Pr Bruyère. Ainsi, un essai clinique mené sur des femmes souffrant de bactériurie a comparé un groupe traité par antibioprophylaxie et un groupe non traité (1). Le groupe traité a manifesté plus d’infections symptomatiques que l’autre. Une autre étude, réalisée il y a quatre ans sur des patients ayant une biopsie prostatique, concluait que les praticiens prescrivant trois jours d’antibiothérapie observaient plus d’infections chez leurs patients que ceux qui suivaient les recommandations et n’en prescrivaient qu’un (2).
L’espoir de nouveaux traitements
L’antibiorésistance concerne particulièrement certaines souches : Staphylococcus aureus, Acinetobacter baumannii… Des espèces courantes comme Escherichia coli et Klebsiella pneumoniae ont également développé des mécanismes de résistance aux céphalosporines de troisième génération. C’est le cas pour 7 % des E. coli et 16 % des K. pneumoniae retrouvés dans les infections urinaires. Il faut alors recourir à d’autres molécules, les carbapénèmes. Mais cette nouvelle classe d’antibiotiques n’est pas efficace à 100 %, certaines entérobactéries produisant des carbapénémases qui détruisent le médicament. Cependant, de nouvelles molécules sont apparues ou sont en cours de développement – ceftolozane, tazobactam… –, et l’association de plusieurs médicaments permettrait de limiter l’apparition de résistances.
(1) Cai T et al. Clin Infect Dis. 2012 Sep;55(6):771-7
(2) Bruyère F et al. Prog Urol. 2013 Nov;23(13):1068
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