Entretien avec un professeur de Sciences politiques de l'Université de Versailles Saint-Quentin

Patrick Hassenteufel : « Le vote LREM peut s'expliquer en partie par un "effet Buzyn" »

Publié le 23/05/2019
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Pr Patrick Hassenteufel

Pr Patrick Hassenteufel
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LE QUOTIDIEN DU MEDECIN : Des médecins libéraux, désormais plus tentés par LREM que par LR… Est-ce un tournant ?

Pr Patrick Hassenteufel : Oui, c'est une évolution forte. En 2017, votre sondage IFOP donnait à peu près le même score à Macron et à Fillon, ce qui était déjà un changement important. Cette fois, on constate un écart du simple au double. Avec, de ce point de vue, une différence généralistes-spécialistes, les premiers étant plus enclins à voter LREM. Chez les médecins libéraux, l'électorat de centre gauche comme de centre droit vote désormais LREM. Le total gauche est assez faible, mais si on additionne les scores des différents partis, il est à peu près au même niveau qu'en 2017.

Pourquoi, le vote FN est-il toujours si faible dans la profession ?

Les variables sociologiques jouent. Avec clairement un effet CSP +. Le faible vote RN s'explique aussi peut-être par l'attachement des médecins à l'Europe. Même si votre sondage ne le dit pas de façon évidente, on peut le supposer du fait de la participation annoncée à ce scrutin. Si on additionne ceux qui sont certains d'aller voter et ceux qui iront peut-être, on atteint 90 %, le double de la population générale ! Même s'il y a peut-être un effet de surdéclaration, cet attachement européen expliquerait aussi la faible orientation vers le Rassemblement National.

Autre enseignement de ce sondage : la popularité d'Agnès Buzyn sur la durée. Comment l'expliquer ?

Le taux de satisfaction pour la ministre de la Santé est effectivement assez haut. On peut d'ailleurs expliquer en partie le niveau élevé du vote LREM par un « effet Buzyn ». Alors que deux ans se sont écoulés et que sa loi est en discussion, c'est une ministre qui reste particulièrement populaire. Il est vrai que son agenda ne porte guère sur la maîtrise des dépenses de santé, celles-ci étant à peu près sous contrôle. La dimension budgétaire de son action n'est donc pas centrale. Et s'il y a une remise en cause partielle du paiement à l'acte, la pause sur le tiers payant généralisé et la suppression du numerus clausus ne heurtent pas les médecins libéraux. La réorganisation qui accompagne le virage ambulatoire accroît par ailleurs l'importance de la médecine de ville et valorise le rôle du généraliste. Le fait qu'Agnès Buzyn soit médecin a sans doute expliqué aussi sa popularité, au moins dans un premier temps, car c'est un effet qui n'est pas durable en général.


Source : Le Quotidien du médecin: 9752