Erreurs médicales

Se concerter pour moins se tromper

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Publié le 11/06/2018
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Le contexte des urgences augmente le risque d’erreurs médicales, qu’une étude avait évalué à 10 % en 2013 (2). Elle suggérait également que les échanges entre médecins pourraient réduire ce risque. Ces erreurs peuvent être sans conséquences (ce qu’on appelle les near miss) ou au contraire graves, avec des complications temporaires ou définitives pour le patient.

Les résultats de l’étude Charmed, menée dans six services d’accueil des urgences (dont cinq de l’APHP), qui a analysé 1 680 dossiers de patients sur deux périodes de dix jours, viennent d’être publiés dans le Jama Internal Medicine (3). Plus de la moitié (55 %) des erreurs médicales étaient sans gravité. Parmi les événements indésirables graves, environ deux tiers ont eu des conséquences temporaires, ayant nécessité une hospitalisation ou sa prolongation, et les autres ont entraîné des séquelles définitives.

Dix minutes trois fois par jour

Un groupe faisait l’objet de discussions entre deux médecins, trois fois par jour, pendant une dizaine de minutes. Le taux d’erreurs médicales y fut de 6,4 % (54 erreurs médicales sur 840 dossiers), versus 10,7 % dans le groupe contrôle (90 erreurs pour 840 dossiers). Les vérifications croisées régulières et systématiques entre médecins diminuent donc de 40 % les erreurs médicales – de 47 % les erreurs sans gravité et de 29 % les complications graves. La réduction est significative pour les near miss, non pour les événements graves, « ce qui est logique, les near miss étant les plus nombreuses et statistiquement plus parlantes », explique le Dr Yonathan Freund (Paris), qui a coordonné l’étude. « Nous souhaiterions, précise-t-il, valider ces résultats sur une étude de plus grande ampleur et plus longue incluant plus de centres. »

Bien avant l’étude, cette stratégie avait déjà été mise en place par quelques services sous forme de réunions au cours de la journée. On aurait pu craindre quelques réticences de la part des urgentistes, mais trouver du temps pour échanger n’est pas un problème, selon le Dr Freund : « Au contraire, de l’avis général, on gagne du temps en étant plus efficaces et plus productifs. » L’APHP est d’ailleurs très intéressée par la généralisation de cette stratégie, qui améliore la gestion des urgences et profite aux patients.

Entretien avec le Dr Yonathan Freund, service d’accueil des urgences de la Pitié-Salpêtrière

(1) Freund Y et al. BMC Emerg Med. 2015 Sep 4;15:21

(2) Freund Y et al. J Emerg Med. 2013;45(2):157-162

(3) Freund Y et al. JAMA Intern Med. 2018 Jun 1;178(6):812-819

Dr Maia Bovard-Gouffrant

Source : Le Quotidien du médecin: 9672