Par la Dr Alexandra Clerget (clinique Rhône Durance, Avignon), dans le cadre de la matinale Généraliste du congrès français d’urologie (22 novembre 2025)
INTRODUCTION
La France observe une recrudescence marquée des IST, tant chez les hommes que chez les femmes, quelle que soit leur orientation sexuelle (1), avec pour certaines bactéries l’émergence de résistances aux antibiotiques.
Dans ce contexte, certaines prises en charge ont récemment été revues afin de renforcer la prévention de ces infections et le dépistage des patients atteints, mais aussi de limiter l’émergence de souches résistantes, notamment de gonocoques (2, 3, 4).
Cet article propose un focus sur les bonnes pratiques actuelles concernant trois IST bactériennes pour lesquelles les prises en charge ont évolué (gonocoques, chlamydia, mycoplasme) ainsi qu’un point sur l’HPV.
NEISSERIA GONORRHOEAE
Neisseria gonorrhoeae (NG) représente une réelle menace pour la santé publique car elle possède le potentiel de devenir résistante à tous les antibiotiques. Cela conditionne le dépistage et le traitement des infections à NG mais aussi potentiellement celui d’autres IST bactériennes compte tenu du risque de co-infections.
> Tableau clinique et diagnostic
• L’ infection à NG se développe après une incubation de 2 à 5 jours.
Chez l'homme, elle peut causer une urétrite aiguë, parfois associée à une prostatite ou une épididymite, Chez la femme, l'infection peut entraîner une salpingite voire des abcès pelviens. On peut également observer des atteintes articulaires et anorectales ou, plus rarement, des formes invasives en cas d’infection muqueuse non ou mal traitée, souvent favorisées par une immunodépression.
• Le diagnostic repose sur la réalisation de prélèvements directs des zones infectées (urètre, cervix, rectum, gorge) suivis d’une culture, et/ou par biologie moléculaire, via des tests d’amplification des acides nucléiques (Taan). Un prélèvement pharyngé et anal doit systématiquement être proposé chez la femme et chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH).
> Traitement
• Le traitement est indiqué dans les situations suivantes :
- culture positive pour NG ;
- Taan positif pour NG ;
- partenaire sexuel d’un sujet infecté, en particulier si symptomatique ;
- identification de diplocoques à Gram négatif en microscopie optique sur un prélèvement ciblé chez un sujet symptomatique.
Il est nécessaire de traiter toute infection à NG, symptomatique ou asymptomatique.
• Malgré l’augmentation globale des résistances, en métropole, la plupart des souches restent sensibles à la ceftriaxone.
Ainsi, le traitement de 1re intention d’une infection à NG non compliquée de l’urètre, du col et du rectum repose sur la ceftriaxone 1 g IM en dose unique.
En cas d’allergie confirmée à la ceftriaxone : gentamicine 240 mg IM (ou ciprofloxacine 500 mg per os uniquement si la sensibilité de la souche de NG est confirmée par l’antibiogramme).
Pour les formes compliquées, une hospitalisation est indiquée.
• À noter :
– En cas de diagnostic d’infection à NG chez un patient ayant séjourné en zone Asie-Pacifique, un avis infectiologique est recommandé du fait d’un risque élevé de résistance aux antibiotiques de 1re intention.
– Les taux de résistance aux fluoroquinolones étant élevés (> 70 %), il est primordial de rechercher une infection à NG en cas de prostatite ou d’orchi-épididymite aiguë chez des patients avec facteurs de risque d’IST afin de limiter le risque d’échec thérapeutique.
– Pour les cas contacts asymptomatiques, un dépistage est préconisé, suivi d’un traitement probabiliste en cas de rapport sexuel potentiellement contaminant < 14 jours (risque de faux négatif) ou ≥ 14 jours si le risque de perte de vue est important. Sinon (rapport sexuel ≥ 14 jours mais risque de perte de vue mesuré), un traitement différé peut être envisagé.
CHLAMYDIA TRACHOMATIS
> Tableau clinique et diagnostic
• L’infection à Chlamydia trachomatis (CT) est très souvent asymptomatique (50 % des cas chez l'homme et 70 % chez la femme).
En cas de forme symptomatique, elle se manifeste en général après 3 à 10 jours d’incubation. Chez l’homme, elle peut être à l’origine d’une urétrite souvent plus modérée qu’avec le gonocoque, avec dysurie, gêne urétrale, rougeur du méat, écoulement clair. Une orchi-épididymite, complication fréquente de l’urétrite, peut également être observée. Chez la femme, elle peut donner des douleurs mictionnelles et à la pénétration, des écoulements vaginaux jaunâtres et parfois des métrorragies et douleurs pelviennes.
Outre le risque de transmission, l’absence de traitement peut mener à une infertilité féminine.
Un dépistage est recommandé tous les 3 mois chez les hommes ayant plusieurs partenaires sexuels masculins et tous les ans chez les femmes de 15 à 25 ans en cas de nouveau partenaire sexuel.
• Le diagnostic biologique d’une infection à CT repose sur la réalisation d’un Taan, quelle que soit la situation clinique. Les modalités de prélèvement ont été reprécisées :
– infection urogénitale chez l’homme : ECBU du 1er jet ou prélèvement urétral en cas d’écoulement ;
– infection urogénitale chez la femme : (auto)-prélèvement vaginal à préférer au prélèvement urinaire.
> Traitement
• Un traitement antibiotique est indiqué :
– en cas d’infection confirmée (Taan positif ou CT identifié à l’examen direct ou en culture) ;
– en probabiliste avant les résultats du test chez un patient présentant une infection à NG confirmée ou suspectée si le risque de perte de vue est important.
• L’antibiotique de choix est désormais la doxycycline.
Ainsi, le traitement de 1re intention d’une infection urogénitale à CT non compliquée repose sur la doxycycline 200 mg/j pendant 7 jours.
L’azithromycine n’est plus indiqué qu’en 2e intention compte tenu du risque de sélection de résistance, notamment pour le gonocoque en cas de co-infection.
MYCOPLASMA GENITALIUM
Malgré une prévalence relativement faible en population générale (1 à 3 %), Mycoplasma genitalium (MG) est retrouvée dans un tiers des cas d’IST à répétition. Cependant, pour éviter des traitements inutiles, dans un contexte de forte antibiorésistance, la recherche diagnostique et le traitement antibiotique d’une infection à MG ne doit s’appliquer qu’aux infections symptomatiques, aiguës ou persistantes.
En cas d’infections à gonocoque, chlamydia ou mycoplasme, les recommandations convergent pour une abstinence sexuelle ou une protection des rapports jusqu’à 7 jours après la fin du traitement ou après contrôle du Taan si indiqué.
> Tableau clinique et diagnostic
• Les infections à MG surviennent par contact direct entre les muqueuses urogénitales.
Chez l’homme, MG est responsable de 10 à 35 % des urétrites non gonococciques et non chlamydiennes. Chez la femme, il est responsable de cervicites et d’infections génitales hautes dans 10 à 25 % des cas.
• Du fait d’une croissance lente et d’exigences particulières de culture, le diagnostic n’est possible que par Taan spécifique.
• La recherche du MG est indiquée dans quatre situations :
– en présence de symptômes d’urétrite ou de cervicite aiguë, après avoir éliminé une autre IST ;
– en présence de symptômes d’infection génitale basse récurrents ou persistants, en particulier si MG n’a pas déjà été recherché ;
– chez les partenaires sexuels actuels des patients infectés par MG ;
– pour le contrôle microbiologique post-traitement de l’infection à MG, uniquement en cas de persistance des symptômes à trois semaines de la fin du traitement.
Il n’est pas recommandé de rechercher ce mycoplasme en dehors de ces indications, en particulier à des fins de dépistage chez un sujet asymptomatique.
> Traitement
• La stratégie thérapeutique est guidée par les résultats de recherche de résistance de la souche de MG.
Si le patient présente des symptômes exigeant un traitement rapide :
– traitement présomptif par doxycycline 200 mg/j pendant 7 jours ;
– puis en cas d’infection confirmée, et selon les mutations de résistance aux macrolides, azithromycine 1 g à J1 puis 500 mg/j pendant 2 jours ou moxifloxacine 400 mg/j pendant 7 jours en cas de résistance aux macrolides.
Si le traitement peut être différé, les résultats des tests sont attendus avant de traiter le patient par azithromycine ou moxifloxacine.
En cas de co-infection avec CT ou NG, traiter d’abord CT ou NG.
LES INFECTIONS À HPV
Chaque année, les infections à HPV sont à l’origine d’environ 100 000 cas de condylomes ano-génitaux, 35 000 lésions précancéreuses et 6 400 cancers, dont près de la moitié sont des cancers du col utérin et un quart touche l’homme (5). Le HPV est transmis par les lésions lors d'un contact avec la peau ou la muqueuse. La contamination se fait habituellement par des rapports vaginaux ou anaux, mais un contact digital, oral ou génital sans pénétration peut être en cause. Ainsi, le port du préservatif ne permet pas d’empêcher complètement la contamination et l’absence de rapports anaux réceptifs ne prévient pas l’apparition de condylomes, en particulier au niveau de la marge anale.
La meilleure protection reste la vaccination, recommandée chez tous les 11-14 ans (filles et garçons) (2 doses), avec un rattrapage possible jusqu’à 19 ans révolus et jusqu’à 26 ans pour les HSH (3 doses) .
En cas de condylomes, différents traitements sont disponibles (5) :
– « auto-appliqués » chimiques : 5-FU, podophyllotoxine ou immunomodulateur : imiquimod (voir ordonnance ci-dessous) ;
– appliqués par le professionnel de santé : acide tricholoro-acétique ;
– ablatifs : cryothérapie, laser CO2, électrocoagulation, exérèse chirurgicale.
En cas de traitement auto-appliqué, une surveillance clinique mensuelle est nécessaire jusqu’à guérison complète afin d’évaluer la réponse et la tolérance. Elle doit être poursuivie au moins 3 à 6 mois après disparition des lésions visibles.
L’usage du préservatif est conseillé jusqu’à 3 mois après la guérison clinique.
Aucun traitement n'est entièrement satisfaisant. Le patient doit être prévenu du risque élevé de récidives et de traitements répétés sur une période prolongée.
Le tabagisme est un facteur de risque de persistance des lésions génitales et de survenue de lésions anogénitales.
La survenue de condylomes doit entraîner la réalisation d’un dépistage des autres IST.
Bibliographie
(1) Santé publique France. VIH et IST bactériennes en France. Bilan 2024.
(2) HAS, ANRS, CNS. Prise en charge des personnes infectées par Neisseria gonorrhoeae, mai 2025
(3) HAS, ANRS, CNS. Traitement curatif des personnes infectées par Chlamydia trachomatis, mai 2025
(4) HAS, ANRS, CNS. Traitement curatif des personnes infectées par Mycoplasma genitalium, mai 2025
(5) HAS, ANRS, CNS. Prise en charge thérapeutique des patients atteints de condylomes anogénitaux, nov. 2025
En 5 points
La gestion des épistaxis
Étude & Pratique
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Cas clinique
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Mise au point
La dermatite atopique de l’adulte