C’est une première victoire pour le Dr Bernard Jomier. La commission des affaires sociales du Sénat a « voté et largement approuvé » mercredi la proposition de loi (PPL) qu'il a cosignée avec une soixantaine de collègues et visant à instaurer « un nombre minimum de soignants par patient hospitalisé » dans les établissements publics et privés non lucratifs, s’est réjoui sur Twitter le sénateur écologiste de Paris.
La commission des affaires sociales du @Senat a voté et largement approuvé ma proposition de loi instituant des ratios de soignants/patient à l’hôpital.
— Bernard Jomier (@BernardJomier) January 25, 2023
Merci à mes collègues pour ce vote; les soignants ont été entendus !
?RV mercredi 1er février en séance publique ! pic.twitter.com/PO6xmh5Rzy
Dans une interview au « Quotidien » en novembre dernier, le médecin généraliste expliquait que ces ratios « obligatoires », définis par voie réglementaire, permettraient de « renforcer le nombre d'infirmières et d'aides-soignantes » pour « sortir de la logique des flux tendus » à l’hôpital. Deux mois plus tard, le sénateur ajoute que cette loi permettrait de « redonner du temps » aux soignants qui pourraient ainsi « exercer dans de meilleures conditions ».
L’objectif est affiché est de « faire revenir les soignants à l’hôpital » et que ce dernier « retrouve son attractivité » dans un contexte où le personnel quitte le secteur public en raison de conditions de travail « beaucoup trop dures ».
Un succès à l'étranger
Selon le Dr Jomier, les pays qui ont institué des ratios de soignants par nombre de patients (Australie, Californie, Irlande, etc.) ont connu de bons résultats. « Les patients sont mieux pris en charge, ont moins de complications, des séjours à l’hôpital qui durent moins longtemps, moins de ré-hospitalisations », explique-t-il.
Les bénéfices seraient donc aussi économiques. Les Australiens « ont démontré que si l’on investissait quelques dizaines de millions de dollars australiens, ils récupéraient 100 millions derrière », illustre le sénateur de Paris. Cela serait « un calcul gagnant sur un plan économique, pour la qualité de soins et la qualité de vie au travail de personnels », estime le co-rapporteur de la commission d'enquête sur l'hôpital, à l’origine d’un rapport remis en mars dernier.
Clarifier le dispositif
La commission des affaires sociales n'a ajouté qu'un seul amendement à la PPL mais de taille, celui de sa rapporteure, la sénatrice socialiste Laurence Rossignol afin de « clarifier le dispositif proposé et préciser son articulation avec les ratios existant ». Il est ainsi complété que lorsqu'il est « constaté pour une unité de soins que les ratios ne peuvent être respectés pendant une durée supérieure à trois jours, le chef d'établissement en informe le directeur général de l'ARS ». En outre, les ratios seraient valables pour cinq ans et tiendraient compte de la spécialisation et de la taille de l'établissement.
La commission a surtout rajouté des précisions quant à la progressivité de l'entrée en vigueur du dispositif. La Haute autorité de santé (HAS) aurait jusqu'au 31 décembre 2024 pour définir ces ratios que le gouvernement aurait deux ans supplémentaires pour les mettre en place. « Ces délais sont de nature à permettre au gouvernement d'engager les dynamiques de recrutements et de soutien budgétaire aux établissements qui doivent accompagner le dispositif » précise la sénatrice dans l'exposé des motifs.
Autant de précisions qui sont « une main tendue au gouvernement, explique le Dr Jomier au « Quotidien ». L'adoption de ces ratios serait un signal fort envers les soignants et j'aurais du mal à comprendre qu'il reste sur une position de refus ». François Braun avait au départ largement repoussé l'idée estimant en substance que la mise en place de tels ratios ne pouvait se faire ni du jour au lendemain ni de façon uniforme. Des critiques auquel l'amendement adopté hier en commission vise à répondre.
Soutien des présidents de CME de CHU
Mais si la proposition de loi n'a pas à ce stade le soutien du gouvernement, le sénateur sait déjà qu’il dispose en revanche de l'appui de grandes nombreuses d'organisations hospitalières - à l'exception de la CGT et de la conférence des directeurs. Dernier soutien en date, celui de la conférence des présidents de CME de CHU. Celle-ci s’est également positionnée en faveur de « référentiels nationaux d’effectifs soignants par nombre de patients et de spécialités », dans un communiqué publié mercredi. Le texte précise que ces référentiels devront être « modulables, en fonction de la charge de soins effective » et « déclinés localement » dans le cadre d’une discussion avec les responsables médicaux et paramédicaux des services.
Le communiqué de la conférence des PCME de CHU à propos :
— Rémi Salomon (@RemiSalomon) January 25, 2023
1. des référentiels sur les effectifs patients-soignants garantie de bonnes conditions de travail et de fait de la qualité des soins. Essentiel pour l'attractivité de ces métiers.
2. du tandem directeur-PCME. pic.twitter.com/ZMguZwffxO
Comme le Dr Jomier, la conférence des présidents de CME est convaincue qu’il s’agit d’une mesure « essentielle pour restaurer l’attractivité de l’hôpital public ». Elle redonnerait en effet aux personnels paramédicaux « des perspectives d’amélioration véritable de leurs conditions de travail » pour remettre « la qualité de soins au cœur de leurs pratiques ». À condition toutefois que cette démarche soit « progressive » et « accompagnée de sa traduction budgétaire dans l’Ondam (Objectif national de dépenses d'assurance maladie, NDLR) ». Le texte sera débattu en séance publique au Sénat le 1er février prochain.
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