De mémoire de conseiller ordinal, ce n'était encore jamais arrivé, glisse-t-on dans les couloirs de l'institution octogénaire. Jeudi matin, signe que l'heure est grave, le conseil national de l'Ordre des médecins (Cnom) a annoncé qu'il « prendra part à la manifestation organisée pour protester contre la proposition de loi Rist » mardi prochain.
Le texte, qui a pourtant été largement amendé hier en commission des affaires sociales, dans le sens d'une ouverture vers les médecins, sera examiné en séance publique au Sénat mardi prochain. Le même jour, les médecins libéraux sont appelés à se rassembler place Vauban à Paris, à quelques centaines de mètres du ministère de la Santé, par une très large coalition d'organisations syndicales et associatives.
Risques de désorganisation des soins
Le Cnom entend « faire état de sa vive préoccupation à l’égard des risques de désorganisation des soins que porte cette proposition de loi ». Ce texte ouvre l'accès direct à plusieurs professions paramédicales dont les infirmières en pratique avancée (IPA) et les masseurs-kinésithérapeutes ou les orthophonistes.
« L’adopter, c’est promettre aux Français une médecine à deux vitesses, s'alarme l'Ordre. L’adopter, c’est entériner des risques de perte de chance pour les patients. Nous, médecins, ne pouvons accepter que certains de nos concitoyens n’aient pas accès à un diagnostic médical et à une stratégie thérapeutique qui relèvent de la compétence des médecins – et d’eux seuls – compte tenu de leur longue formation initiale et de leur formation continue ».
En octobre dernier pourtant, le Cnom – avec les Ordres des autres professions réunis au sein du Clio – avait ouvert la voie au développement de partages d'actes et d'activités entre médecins et paramédicaux. Mais les choses sont visiblement allées trop loin ou trop vite pour lui. « Tout patient a le droit de voir un médecin s’il est malade, insiste-t-il aujourd'hui. Seule la coordination par le médecin est à même de garantir aux patients l’accessibilité, la qualité et la sécurité de leur parcours de soins ».
Action unitaire
Avec cet appel à manifester inédit, l'Ordre ajoute son nom à une très longue liste d'organisations de médecins en colère – dernières en date, le Smacmac (le syndicat des médecins agréés pour l'aptitude à la conduite) et les spécialistes d'Avenir Spé-Le Bloc qui dénoncent « une méthode brouillonne et expéditive dénuée de pertinence médicale et pire, déconnectée des contingences de fonctionnement du système de santé ». Mercredi, c'était la fédération SOS médecins qui avait ajouté sa voix à l'appel avec pour mots d'ordre la revalorisation de la visite et « le respect de la régulation propre » à son organisation.
C'est à la suite du blocage des négociations avec l'Assurance-maladie que les six syndicats représentatifs de médecins libéraux (CSMF, FMF, MG France, SML, UFML et AvenirSpé-Le Bloc) ont décidé de cette action unitaire. Ils ont été ensuite rejoints par plusieurs organisations de juniors dont Jeunes médecins, les remplaçants et jeunes généralistes de Reagjir, les internes de médecine générale de l'Isnar-IMG ainsi que le collectif « Médecins pour demain », né sur les réseaux sociaux à l'automne dernier.
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